On a vu… L’Emprise sur TF1

On a vu… L’Emprise sur TF1

Note de l'auteur

Lundi soir, TF1 diffusait le téléfilm L’Emprise. Joli succès public avec ses 8,5 millions de téléspectateurs, L’Emprise est l’adaptation du livre-témoignage Acquitté, d’Alexandra Lange (Éditions Michel Lafon). L’histoire d’une jeune mère de famille qui, en mars 2012, est jugée pour le meurtre de son mari.

© JULIEN CAUVIN / LEONIS / TF1

© JULIEN CAUVIN / LEONIS / TF1

C’est un sujet grave qu’embrasse L’Emprise. La violence conjugale. Une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les deux jours en France, nous annonce un texte en conclusion d’épisode. Une façon de rappeler une situation tragique et trop souvent silencieuse. Le silence, c’est justement ce qu’essaie de briser Alexandra Lange et ce téléfilm. Où il s’agit de donner la parole à une femme battue et de montrer cette violence domestique, cachée (ou presque) derrière des portes closes.

Claude-Michel Rome aborde son récit sous l’angle du flash-back. Intéressant comme cela permet d’esquisser le cours d’une existence. Les brusques retours au présent sonnent comme des coups de butoir. Il faut voir avec quelle façon le réalisateur scénariste appose un côté roman-photo aux courtes scènes de bonheur ou de repos. Comme s’il fallait leur donner un caractère un peu factice. Et tout juste rattrapées par la sourde et implacable illustration d’une violence sans fard et pudique. Le téléfilm souffre néanmoins, à quelques moments, d’une réalisation trop chichiteuse. Des effets de style maladroits et trop voyants, surlignant des séquences qui auraient mérité une illustration froide.

© JULIEN CAUVIN / LEONIS / TF1

© JULIEN CAUVIN / LEONIS / TF1

L’Emprise, peut-être un peu écrasé par son sujet, n’évite pas des séquences trop didactiques. C’est le côté débat de société qui s’incarne au fil des discussions entre le procureur de la république et le juge. Si leurs présences offrent une respiration au récit, rupture de ton détaché de l’impact émotionnel, elles donnent l’impression de délivrer des clés aux spectateurs, pourtant capables d’effectuer eux-mêmes ce travail de réflexion. C’est d’autant plus dommage que les scènes d’interrogatoire se gardent de donner des réponses franches, généralistes, aux questions que l’on se pose tous : Pourquoi est-elle restée ? Le débat entre les deux membres de la magistrature s’épuise par effet de redondance dans un format où l’on a déjà effectuer cette démarche.

© JULIEN CAUVIN / LEONIS / TF1

© JULIEN CAUVIN / LEONIS / TF1

Le téléfilm n’aurait pu être aussi fort sans deux comédiens capables d’endosser des rôles difficiles. Odile Vuilemin et Fred Testot livrent une composition remarquable. Si l’on connaissait déjà les talents de l’actrice dans le drame (la série Profilage où elle peut passer de la comédie à la tragédie), Fred Testot surprend par ce jeu tout en puissance, tendu comme un arc. Presque schizophrène. Un rôle physique (sans mauvais jeu de mot), parce que tout passe par son corps. Quand les mots ne sont que mensonges, c’est le corps qui trahit les intentions. Même quand son visage semble apaisé, apparaît un danger permanent dans son regard. L’acteur parvient à rendre ce personnage bourru, plus complexe qu’un simple bourreau. Où il ne s’agit pas de lui trouver des circonstances atténuantes mais de montrer l’intrication émotionnelle dans lequel il évolue. L’homme baigne dans la mythomanie qui lui ferait croire ses propres mensonges.

Il n’existe pas de mots pour décrire l’horreur qu’a subie Alexandra Lange, sinon les siens. C’est par eux que se conclut un téléfilm nécessaire par son rappel, son cri d’alarme. Redonner une voix à une femme qui en a été dépossédé. Le spectacle est souvent inconfortable, dure, où l’on se sent l’obligation de détourner les yeux. Il faudra pourtant les garder grand ouverts pour se rappeler que cette violence n’est pas une fiction. La lâcheté existe à de nombreux niveaux (l’homme qui bat, le voisin qui ferme les yeux, les forces de l’ordre incapables…), ayons la dignité de ne plus l’ignorer

Écrit et réalisé par Claude-Michel Rome
Avec Odile Vuillemin (Alexandra), Fred Testot (Marcelo), Marc Lavoine (Procureur Luc Frémiot),…

L’Emprise est toujours disponible sur le replay de TF1

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