
On a vu… que l’union fait la force
Ces derniers temps, je regarde médusée le score d’audience de la série Scandal. Il monte, monte, monte, jusqu’à dépasser Grey’s Anatomy ! La hausse de qualité des scénarios de la saison 2 n’explique pas tout. Et les torrides scènes de sexe de Kerry Washington non plus. Alors pourquoi ? Parce que pour une fois, tout le monde met la main à la pâte des scénaristes au public en passant par les acteurs, tout le monde a aidé Scandal à devenir un succès.
Quand Scandal est arrivé sur ABC l’année dernière en avril, c’était une série sur Kerry Washington dans le rôle d’Olivia Pope qui prenait la pose : Olivia Pope tient tête au chef de cabinet de la maison Blanche, Olivia Pope menace du doigt un homme dans une voiture, Olivia Pope montre une chute de rein vertigineuse à une soirée de cocktail, Olivia Pope est fâchée contre son ex-amant, Olivia Pope regarde un mur recouvert de photos en attendant une illumination, Olivia Pope découvre la vérité et fait la moue… C’était fascinant.
Derrière tout ça, on sentait quand même un beau travail des scénaristes pour essayer de raconter autre chose qu’une intrigue mettant en avant les talents de poseuse de Kerry Washington (un complot pour faire tomber la Maison Blanche, un directeur de cabinet gay, un amour impossible, une Première Dame antipathique, un autre complot autour de l’une des employés… feu d’artifice PIF PAF POUF). C’est ainsi que la première saison s’acheva sur une audience moyenne de 11,4 millions de spectateurs. C’était déjà de très bonnes audiences. Mais tant de choses restaient à faire pour faire de cette série, une série que le public reviendrait voir en octobre pour une saison 2.
La fin de la saison 1 nous avait laissée sur un cliffhanger fou où il était question de l’identité secrète d’un des membres de l’équipe. Le début de la saison sera l’occasion de se débarrasser de cette intrigue de trop pour se concentrer sur ce qui tient la foule : l’histoire d’amour impossible et les complots. Les histoires bouclées dans chaque épisode sont mises de côté et chaque cas apporté à OPA (Olivia Pope & Associates – aucun lien avec le Gangnam Style) devra contribuer à la révélations du complot ou à l’histoire d’amour impossible par une information ou un indice. Les scénaristes ne laissent rien au hasard et instaurent un rythme haletant. Ils ne reculent aussi devant aucune folie, le Président des Etats Unis sera même victime d’un attentat dès le 7ème épisode.
En parallèle, du travail des scénaristes, les comédiens ont décidé de travailler ensemble pour faire vivre la série en ligne avant, pendant et après la diffusion de la série. Chaque jeudi soir, entre 21h et 22h, tous les acteurs sont sur Twitter (et ils sont nombreux) pour répondre aux questions des twittos, raconter des anecdotes de tournage ou prolonger le suspense à coup de petites phrases. Évidemment c’est difficile de savoir si ces « tweet parties » ont un réél impact sur les audiences, mais en tout cas, Scandal était le show le plus actif sur Twitter jeudi 21 février avec plus de 190000 tweets d’après TV Guide. Les « Gladiators » (1) se mobilisent sur les réseaux sociaux pour faire partager leur amour ou désamour de la série et en même temps, les audiences montent doucement mais surement (avec un pic à 14 millions en décembre).
On pourrait se dire : quel intérêt ? Eh bien c’est simple : le public a l’impression de compter pour quelque chose. Les stars d’une série qu’ils suivent sont là pour eux, comme eux sont là pour la série. Ce double-échange crée une communauté positive et enjouée qui accroit le capital sympathie du soap politique qu’est Scandal.
Au même moment, en France, rien ne bouge. La diffusion de la saison 5 de la série Un Village Français est repoussée à l’automne laissant les fans attendre 18 mois entre la diffusion de la saison 4 et la saison 5. Le tournage de la saison 2 des Hommes de l’Ombre est repoussée car Nathalie Baye, une des actrices de la saison 1, ne signera pas pour cette suite. La fiction française, malgré tous ces efforts, est moribonde et il ne faut pas trop s’en étonner quand on voit à quel point les chaines et les équipes de production oublient qu’un public les regarde. Une leçon que Scandal semble elle avoir compris.
(1) : Gladiators pour Scandal, c’est un peu comme Pinage pour Hero Corp, un cri de ralliement qui réunit les fans sur twitter, et qui trouve ses origines dans une phrase prononcée par le personnage de Kerry Washington : « Im not a lawyer, I’m a gladiator in a suit ». Mais on est d’accord, c’est plus sympa de gueuler « pinaaaaage » dans la rue.
Chère Julia,
Merci pour cet article fort intéressant (sur le phénomène plus que la série)
Série très mal vendue au départ (une ancienne « spindoctor » crée un cabinet d’avocat pour gérer des affaires à Scandale impossible) devient au fur et à mesure de la première saison ce qu’elle est vraiment : une série politique qui se veut de même rang qu’un « West Wing », l’écriture de Sorkin en moins.
On retrouve d’ailleurs dans « Scandal » Joshua Malina qui fut un des récurrents de the West Wing.
Toujours est-il que si l’activité autours de la série est certainement très efficace pour fidéliser des spectateurs, il me semble que c’est bien la narration, un feuilleton plutot bien ficelé avec complots et tout le toutim, une écriture qui manie assez bien les flashbacks, et quelques petits détails politiquement incorrect (comme le Chef Cab d’un président Républicain qui est gay), qui ont largement participé au succès de la série.
A dire vrai, j’ai regardé le premier épisode sans conviction… et il ne m’a pas convaincu. J’ai tout de même pousser le vice à en regarder deux ou trois supplémentaires, et me voilà en plein milieu de première saison complètement accroc à la série !
Je crois donc que la qualité du machin est quand meme pour beaucoup dans son succès.
Chère Kadotori,
Déjà merci d’avoir lu et commenté cet article, ça fait plaisir ! Ensuite, à aucun moment, je n’ai remis en question les évolutions positives de la série, ni ses forces. JJe trouvais simplement intéressant de mettre en avant le fait qu’un programme comme Scandal qui a déjà de nombreux points forts, ne se contente pas de ça, l’équipe se mobilise, les acteurs font parler de la série et ça joue forcément sur l’appréciation du truc.
En faisant mes recherches pour l’article, j’ai découvert qu’Oprah Winfrey avait entendu parler de la série à force de voir les gens de sa TL Twitter en parler. Je trouve cette mobilisation hyper touchante en fait. Et puis, regarder une série où les acteurs interagissent avec le public, je trouve ça tellement plus sympa que ceux qui s’en foutent, que ça me donne encore plus envie de le regarder. Ca me faisait déjà ça pour Friends d’ailleurs et les réseaux sociaux n’existaient pas… Et je pense que mon amour pour Judd Apatow a beauocup à faire avec ça…
La qualité de la série est indéniable (surtout la deuxième saison en fait je trouve), mais ce qui se passe autour est pour moi une vraie valeur ajoutée. D’où mon article là dessus et ma conclusion sur le fait qu’en France, il n’y a pas ça.
Chère Julia,
Merci de la réponse.
En fait c’est moi qui ai mal rédigé mon commentaire je pense.
Je trouve très pertinent ton angle sur ce qui entoure la série (communauté, marketing, etc.), j’en profitais simplement pour commenter un peu plus la série elle-même dont finalement personne n’a beaucoup parlé.
Donc aucune critique, bien au contraire, on y lit comment on peut développer tout un univers autours d’un show en utilisant l’ensemble des ressources (humaines ou non) à disposition.
Cela me fait un peu penser aux acteurs de show de SF qui participent à des grandes conventions geeks (Comic con, ou autre) et continuent à faire vivre leur show bien longtemps après sa fin de diffusion.
Bref, bel article quoi Julia
C’est exactement ça !!!! Sauf que c’est (enfin ?) sorti du monde de la SF, comme si les réseaux sociaux avaient permis à tous les acteurs et tous les fans de communiquer ensemble, les déguisements en moins 🙂