on a vu… qu’il fallait célébrer les dix ans de House, M.D.

on a vu… qu’il fallait célébrer les dix ans de House, M.D.

House, M.D. a débuté sur les écrans américains le 16 novembre 2004. Pour ce mois anniversaire, le Daily Mars se devait de revenir sur une série emblématique, succès critique, publique, et source de nombreux ouvrages, essaies, preuve s’il en fallait de la richesse de la série.

© 20th Century Fox Television

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Est-il encore besoins, aujourd’hui, de raconter l’histoire de House ? Probablement pas. Le plus important, c’est de savoir que ce n’est pas une série médicale mais une série policière. Le milieu est bien hospitalier, les personnages sont, au choix, médecins ou patients, mais l’origine comme l’application de House est de créer une sorte de série policière médicale. David Shore l’a souvent répété, l’inspiration du personnage est Sherlock Holmes. De ses capacités de déduction à l’addiction aux opiacés, le showrunner a régulièrement dissimulé des indices montrant la filiation entre les deux génies.

Si Paul Attanasio a soufflé la commande à David Shore de créer cette oeuvre hybride, il faut y trouver comme une réponse au tsunami CSI qui régnait alors sur la télévision américaine. Dans House, la scène de crime est le corps humain, l’équipe du diagnosticien, les scientifiques en charge d’analyser les nombreux indices (les symptômes) afin de débusquer le coupable (la maladie). Chaque nouvel élément trouvé devient matière à analyse, interprétation afin de s’approcher de la vérité. Cette quête, House la place au centre de tout, comme un absolu. S’il peut être misanthrope, odieux, supérieur, manipulateur, rebelle, c’est dans le but de rétablir l’ordre. A un niveau humain, House peut s’avérer abjecte mais il demeure un personnage exclusivement moral. Il cherche ce qui est juste, même si cela doit blesser, même s’il doit faire souffrir ou en souffrir.

© 20th Century Fox Television

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CSI l’a rétabli, House en est le descendant direct, voire la synthèse, la série/le personnage puise son concept dans le paradigme indiciaire de Carlo Ginzburg. Une application de cette « discipline qui permet de porter un diagnostic sur les maladies échappant à l’observation direct en se fondant sur des symptômes superficiels que le profane juge parfois insignifiant ». Carlo Ginzburg a élaboré ce paradigme en convergeant les travaux de trois personnes : l’historien en art Giovanni Morelli, Sir Arthur Conan Doyle et Freud. Ces trois hommes ont en commun une étude des détails, d’éléments a priori sans importances, de l’infime pour (r)établir une vérité. En héritier de Sherlock Holmes, il est évident que Shore adopte le modèle établi par Conan Doyle et applique à la lettre le paradigme indiciaire. Cela apporte une dynamique dans le récit parce que ce principe, selon Ginzburg, relève de la narration où l’on cherche à raconter une histoire par l’observation d’indices. Dans les séquences annexes où House est obligé de travailler à la clinique, c’est particulièrement frappant : le médecin joue de ses compétences extraordinaires pour établir son diagnostique. Dans la trame principale de l’épisode, l’effet relève de l’empirisme.

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House a duré huit saisons d’un peu plus d’une vingtaine d’épisodes (sauf la quatrième en raison de la grève des scénaristes). Pour une série dont le titre est le nom de son personnage principal et dont la distribution reste limitée à cinq ou six autres visages, c’est possible en s’appuyant sur les principes et la force du formula show. Chaque épisode voit un nouveau patient. Une nouvelle énigme à résoudre. Et le même schéma est ainsi répétée. Cette redondance pourrait être synonyme de lassitude si la série ne dynamitait pas régulièrement les codes pour offrir quelques fulgurances. Le formula show est là pour établir un principe redondant et montrer la rythmique d’un personnage. David Shore et son équipe ont su exploiter cette veine pour construire symboliquement son personnage (les différents cas médicaux renvoyaient à un événement dans la vie courante de House) mais également pour questionner l’éthique médicale.

© 20th Century Fox Television

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Si la forme n’évolue pas, le personnage suit une trajectoire passionnante. Il serait rébarbatif de lister par le détail les multiples évolutions/régressions de House mais croire que la série a privilégié l’immobilisme serait faire erreur. La nature même de House, peut-être pas au début, a tellement infusé dans l’équipe créative qu’elle a fini par dicter totalement la série. La série se répète ? C’est le principe de l’addiction. David Shore utilise House comme une caution à la trajectoire chaotique de la série, fait d’à-coup, de révolution, de jeu entre le spectateur et la série. Souvent, House posera la question des motivations du docteur, de l’origine de son génie. Accroc à la Vicodine, au malheur, il passera par de nombreuses étapes qui ne le feront pas forcément avancer mais qui construirons un personnage complexe. Les saisons six à huit entretiendront l’idée d’une oeuvre programmatique dont le héros déterminerait l’axe non pas par l’addition d’une storyline quelconque mais par sa personnalité, ce qu’il apprend de lui, des autres, son rapport au monde. Gregory House conduit littéralement la série, agit comme un despote mais a besoins de son entourage. La série ne cherche jamais à isoler son premier rôle au point d’ostraciser les personnages secondaires. House doit confronter ses opinions, rebondir sur des propositions, des idées. Les séances de diagnostics différentiels seront l’une des marque de fabrique de la série. Véritable théâtre qui verse autant dans le burlesque que le drame.

martin-winckler-house-lesprit-du-shamanHouse, M.D. a démontré une belle constance générale. Si la troisième saison accuse une légère baisse, la suite ne cessera de porter le signe d’une série vivante, rigoureuse souvent intuitive et fascinante. Elle a parfois touché au sublime sur une poignée d’épisodes (04×16 : Wilsons’s Heart ; 06×01 06×02 : Broken ; 6×22 : Help Me). Three Stories (01×21) restera son point d’orgue, la quintessence de la série, copieusement célébré (par un Emmy Award, un Humanitas Prize et un Peabody Award) et de l’aveu de David Shore, son meilleur épisode. Dans son livre Dr House, l’esprit du shaman, Martin Winckler le qualifie de « récit parfait ». Nous ne serions trop recommander la lecture de l’ouvrage tant il offre une analyse nourrie par l’expérience et gagné d’une sagacité lumineuse. Indispensable à tout fan de House, de Martin Winckler comme aux curieux qui ne soupçonneraient pas la richesse incroyable d’une sorte de série policière médicale.

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