On a vu… You’re the Worst être à son meilleur

On a vu… You’re the Worst être à son meilleur

*ATTENTION SPOILERS POUR L’EPISODE 2.07*

You’re the Worst est une série qui a constamment été encensée par la critique mais très peu regardée lors de sa toute première saison sur FX. La première saison se voulait être une anti-comédie romantique qui faisait traverser tous les passages obligés (souvent dans le désordre) d’une relation à un couple qui abhorre l’idée même de relation. Jimmy (Chris Geere) et Gretchen (Aya Cash), ce sont des êtres vains, hypocrites, extrêmement centrés sur eux-mêmes… bref, des antihéros en puissance. Mais le surprenant virage de la deuxième moitié de saison a aussi montré tout l’intérêt qu’ils avaient à tenter de passer à l’âge adulte et mettre le ménage dans leur vie.

La première moitié de la reprise de You’re the Worst n’était, pour ainsi dire, pas fameuse. Ne sachant que faire de ce nouveau normal pour son couple infernal, Jimmy a tenté d’user de la dynamique de groupe, ou de mettre le surplace de Gretchen bien en exergue à travers une invitation de ses anciennes copines de beuverie et de teuf… quasiment toutes rangées. Des idées bonnes sur le papier qui étaient malheureusement très peu utilisées à leur juste valeur, Stephen Falk (son créateur) n’ayant jamais peur de faire basculer sa série dans le caustique et l’inconfort comme la meilleure (et la plus vite annulée) des britcoms.

Mais cela, c’était jusqu’à cette semaine, qui arrive après le teasing d’un problème récurrent chez Gretchen, qui s’éloigne en pleine nuit, seule, pour pleurer dans sa voiture en jouant à un jeu vidéo made in 1998 sur son téléphone première génération. Et après une certaine reprise en main ces deux dernières semaines, bien plus stridente avec un Jimmy au sommet de son art, voici que débarque « There Is Currently Not a Problem » : un épisode centré sur les problèmes, ou plutôt la crise que traverse Gretchen, et un épisode surplombé par une performance subtile d’Aya Cash. Le plus intéressant, c’est à quel point elle touche des points justes dans la restitution de son comportement : ignorer le problème, tenter de se couper d’un groupe envahissant, cacher son mal-être en public, même entourée de proches. Le tout dans un environnement de sitcom que Falk et son coscénariste Philippe Iujdivin affectionnent : celui d’un « bottle episode » forçant Jimmy, Gretchen et Edgar à rester chez eux : en l’occurrence un marathon bloquant les rues.

L’apathie de Gretchen se manifeste par petites touches, comme lorsqu’elle affirme sur le ton de la vanne qu’elle va sans doute se faire lâcher par le groupe de rap dont elle assure les relations presse, vider tout l’alcool à disposition dans le studio, ou encore remettre en question les raisons pour lesquelles Jimmy cherche la souris. Pour rester dans l’esprit de la série, le groupe ignore les indices qui rendent son blues décelable, et tout l’intérêt de l’épisode est de rendre compte à quel point communiquer en état de dépression est difficile. Ils s’accommodent de sa lubie, comme danser dans le salon sans musique, ou encore refuser en bloc les propositions de Dorothy (Collette Wolfe), la nouvelle copine d’Edgar (Desmin Borges)… mais sans forcément remarquer la différence. Gretchen doit donc composer avec deux invités surprise qui sont des pièces rapportées, l’autre étant Vernon (Todd Robert Anderson). Le téléspectateur aussi : l’épisode pourrait être entièrement sur la chasse à la souris, ponctuée des remarques et grands mots de Chris, ou encore les bons mots de Lindsay (Kether Donohue). Mais on doit aussi développer des personnages « de passage ».

Le plus touchant dans la révélation que Gretchen est une dépressive chronique, c’est que la série ne prétend pas oublier cette condition, ou penser que la traiter hors écran va rendre Gretchen moins dysfonctionnelle. L’interprétation de Chris Geere en Jimmy est formidable en ce sens : il ne réalise que tard qu’il ne peut pas régler le problème de Gretchen même si elle le lui dit explicitement, et ses sautes d’humeur caractérisées par ses insultes vicieuses envers ses proches ne sont que la conséquence de son état. Elles ne vont pas disparaître, et même s’il s’amuse qu’elle soit une « lunatique » en début d’épisode suite à ses fugues inexpliquées, son regard de toute fin d’épisode en dit long sur le futur de leur relation.

Peu importe les fantaisies auxquelles peuvent s’adonner Jimmy et Gretchen, Stephen Falk et ses comédiens ont su prouver que derrière les caricatures d’enfoirés, leur pire ennemi était d’abord eux-mêmes. Prendre un virage parmi les plus sombres et ne pas le mettre au placard est un courage que peu de comédies ont eu, tant le tabou d’un sujet comme la dépression clinique vient de la difficulté de le représenter, et de représenter ses conséquences pour les proches. Une philosophie bien loin du « hakuna matata » qui ajoute plusieurs couches d’humain fascinantes à un couple dont la relation n’a pas fini d’être remplie de mouvements. Ce faisant, ils viennent aussi de le rendre plus attachant que jamais, et nécessaire dans le paysage sériel actuel.

 

 

 

 

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