
Oona Chaplin : « L’énergie féminine manque à la télévision » (Séries Mania)
Dates, Inside number 9, The Crimson Field (mais plus Game of Thrones)… pendant Séries Mania, l’actrice au sourire généreux était partout. Notre équipe a profité de sa venue à Paris pour revenir avec elle sur sa carrière et la façon dont elle conçoit son métier. Rencontre avec une jeune femme pas seulement charmante mais aussi brillante et drôle. Très drôle même.
Daily Mars : Remontons le temps. En 2007, vous signez votre première apparition télévisée dans un épisode de la saison 6 de Spooks. Quel souvenir en gardez-vous ?
Oona Chaplin : « C’était la première fois que je mourrais à la télévision : ça commençait bien ! (rires) C’était intéressant : on a shooté en pleine tête de mon personnage. C’était assez spécial : il y avait du sang, je portais une perruque blonde… Au départ, je voulais faire une espèce de regard caméra long et émouvant mais on m’a expliqué que quand on a une blessure à la tête, on meurt tout de suite. Donc j’ai laissé tomber (rires) »
D.M. : On avance jusqu’en 2011. A quel point considérez-vous que le rôle de Marnie dans The Hour a été important dans votre carrière ?
O.C. : « Beaucoup, j’espère. C’est en participant à cette série que je me suis rendu compte à quel point on pouvait aimer le travail. Même quand on rentrait du travail à quatre heures du matin, il y avait quelque chose de joyeux dans l’air. Marnie et Mia, la femme que je joue dans Dates, ce sont les deux personnages que je suis le plus fière d’avoir incarné ».
D.M. : Qu’est-ce qui vous interpelle plus particulièrement, chez Marnie?
O.C. : « Je ne sais pas si je peux l’expliquer à partir d’éléments de scénario ou dans les relations qu’elle a avec les autres personnages… quelque chose s’est passé. Quelque chose de magique. La muse est avec nous. J’ai vraiment eu l’impression d’être habitée par cette femme. C’est un souvenir vraiment délicieux ».
Ca ressemble à ce que suscite une histoire d’amour…
O.C. : « C’est exactement ça. C’était facile, évident. Naturel. Elle me manque. Elle me manque vraiment. Mais au bout d’un moment… Ben Whishaw était très pros par son emploi du temps, Dominic West, il a au moins 3000 enfants (rires), Romola Garai était aussi très occupée. Au bout du compte, j’en garde un souvenir assez parfait. Au moins on ne l’a pas gâché ».
D.M. : Vous avez beaucoup voyagé dans votre enfance, de l’Espagne à la Suisse en passant par Cuba. On a l’impression que votre carrière prolonge tout ça : vous avez incarné des rôles très différents…
O.C. : « Oui, c’est vrai. L’an dernier, j’ai compris pourquoi je voulais être comédienne. Ce qui m’intéresse, c’est d’explorer différentes réalités pour de vrai. Quand on trouve la vérité sur un plateau, quand on fait naître un moment de vrai, c’est électrique. Lorsque cela arrive, personne ne peut dire que ce n’est pas arrivé. C’est un truc universel. Moi ça me fait penser à ce qui vous traverse quand vous êtes dans un bar et qu’un vieux vous raconte sa vie. Il se livre et on sait, on sent que c’est vrai. On a des frissons et on ne peut pas le nier. L’exploration des différentes réalités, ça me fascine. Toute petite, j’ai été déjà confrontée à des cultures différentes, des situations différentes et il fallait que je trouve ma place dans la dynamique ambiante. A chaque fois, elles sont très proches et très différentes les unes des autres ».
D.M. : Du coup, qu’est-ce que le métier de comédienne vous a appris sur la personne que vous êtes?
O.C. : « Je crois que je suis une personne meilleure aujourd’hui que je ne l’étais il y a sept ans, quand j’ai tourné dans Spooks. Cette chasse de la vérité, maintenant que je l’ai identifiée, c’est un peu une sorte de mission personnelle que je me suis fixée. J’ai notamment étudié les philosophies de l’Amazone, le bouddhisme, l’hindouisme et ça m’a donné des clefs pour me défaire de mon égo. Ca aide pour devenir quelqu’un d’autre. Cette sensation de vérité pure, c’est ce que je cherche ».
D.M. : Quand on vous écoute, on se dit que derrière vos multiples rôles, il y a un travail de fou. Notamment intellectuel…
O.C. : « (elle sourit) Oui ! J’aime bien bosser et je ne souffre pas de mon art. Pas du tout. La comédie m’a appelé quand j’ai eu 15 ans. J’ai fait une pièce de théâtre et alors que je me préparais, je me suis rendu compte que je voulais absolument la jouer. A cause de la tradition familiale (Oona est notamment la petite fille de Charlie Chaplin, NDLR), au départ, je ne voulais pas faire ça. Je me disais : « Moi, une artiste ? Pas question, je veux un travail sérieux. pour de vrai ». Au fond de moi, pourtant, je savais que je devais le faire. Sans vraiment savoir pourquoi. J’ai ensuite compris : ce n’est pas le métier qui honorable, pour moi ; c’est la mission qu’il permet de remplir. Ce petit quelque chose de très personnel, individuel que l’on découvre en s’interrogeant sur ce que l’on fait ».
D.M. : Si on se penche sur votre filmographie, on s’aperçoit que vous incarnez beaucoup de personnages forts. Comme dans The Crimson Field. Comment est-ce que vous appréhendez l’évolution des femmes à la télévision ?

Oona Chaplin et la scénariste Sarah Phelps après la projection de The Crimson Field à Séries Mania. Photo Isabelle Ratane
O.C. : « L’énergie féminine manque encore beaucoup à la télévision. Il y a beaucoup de femmes obsédées par des trucs plutôt masculins, comme le carriérisme par exemple. Mais les choses évoluent : les actrices peuvent avoir accès à des rôles plus larges, plus grands. D’un point de vue formel, quand on est actrice, on a désormais le droit d’avoir un peu de poids, ou des rides… mais plus largement, la guerre est loin d’être gagnée. J’étais aux Etats-Unis quand les Républicains ont remis en cause l’importance de l’égalité des salaires hommes/femmes. Il n’y a aucun pays au monde où des hommes et des femmes sont payées le même salaire pour un travail identique. Aucun. C’est la preuve que le chemin est encore long. Et pas que sur ce point ».
D.M. : On parlait de Mia et de Dates, tout à l’heure. Comment avez-vous apprivoisé ce rôle ?
O.C. : « Je ne sais pas. C’était un rôle tellement loin de moi. Le casting avait été un désastre ! (rires) Ils ont dû voir en moi quelque chose que je ne percevais pas moi-même, et que j’ai découvert en visionnant le produit final. Je ne savais vraiment pas que je pouvais faire ça. Ca a été une révélation. Mia, c’est un personnage froid. Compliqué, très moderne mais pas très heureux.
D.M. : Vos rôles sont souvent ceux de femmes complexes, d’ailleurs…
O.C. : « La complexité de ce personnage, comme celle de Marnie, c’est peut-être quelque chose que je suis moi-même en train d’explorer. Ce n’est pas nécessairement dans le script. Personnellement, je ne me trouve pas franchement compliquée. En tout cas pas du tout mystérieuse ! Je vais peut-être y réfléchir, du coup, à cette recherche de la complexité… D’un côté, on a Marnie dans The Hour, qui vit avec un homme comme Hector Madden, et qui compose avec ce qu’est la condition des femmes à l’époque ; de l’autre, on a Mia dans Dates, qui refuse cette vie-là et qui doit faire avec conséquences de ce refus. La solitude qui peut en découler. J’aime bien quand c’est compliqué, mais je n’ai pas de vraie réponse sur le pourquoi de tout ça… »

Oona Chaplin avec le scénariste Brian Elsley, créateur de Dates, juste avant la projection de la série à Séries Mania. Photo Isabelle Ratane
D.M. : Dans quelle série aimeriez-vous apparaître demain ?
O.C. : « Je ne sais pas… Plus c’est différent, mieux c’est. Il y a une série qui me fascine et à laquelle je trouve qu’il manquait cette année un personnage féminin incroyable, c’est True Detective. Je pense que la série est géniale, je l’adore… mais elle est tout de même abominable pour les femmes ! Dans cette série, elles sont toutes connes, ça m’angoisse. Oui : un personnage féminin en trois dimensions, ce serait parfait. Et à la limite, même si ce n’est pas moi tant pis : juste quelqu’un ! (rires) ».
D.M. : Sinon, dans Inside Number 9, on vous découvre un sens du timing comique vraiment intéressant. C’est un genre que vous aimeriez davantage explorer ?
O.C. : » (elle éclate de rire) Vous trouvez ? Moi, je trouve justement que je n’ai aucun timing naturel pour ça ! Personnellement, oui, ça m’attirerait mais il faudrait que je sois guidée par des experts. Comme c’était le cas ici. Moi, je ne me trouve pas très drôle. J’ai d’ailleurs des copines qui me filment en train de raconter des blagues pour rire de mon incapacité à le faire, c’est pour vous dire… je crois que je suis drôle mais de façon différente, en fait (rires) ».
j’ai vu dates il y a plusieurs mois maintenant et j’ai trouvé ca genial.
faire un truc aussi simple en apparence et des personnages aussi attachant en si peu d’episodes est renversant…
chaplin n’est pas transcendante dans game of thrones mais si differente dans dates qu’elle illumine la serie.
ca a l’air tellement simple qu’on se demande pourquoi la france ne fait pas de series aussi belles. la il n’y a clairement pas d’obstacle a la production de ce genre de fiction…a par peut etre le fait d’etre « de chez nous »