
Oui je veux être un bisou (critique de Un peu, beaucoup aveuglément de Clovis Cornillac)
Dans le monde des Bisounours, deux voisins tombent amoureux sans s’être jamais rencontrés autrement qu’en se parlant à travers une cloison aussi mince que le scénario de ce premier film réalisé par Clovis Cornillac.
Si le mur qui les sépare n’est porteur que de situations plus prévisibles les unes que les autres, le fait que Machin et Machine – je ne moque pas, ils s’appellent vraiment comme ça parce qu’ils ignorent tout l’un de l’autre – se découvrent, se séduisent et apprennent à s’aimer malgré toutes leurs différences etc etc alors qu’ils ne se sont jamais vus est une idée de romcom qui, en soi, se défend très bien sur le papier. Tout le problème est l’exploitation qu’en font Clovis Cornillac et ses scénaristes.
Oui je veux être un Bisounours
L’absence de tension de ce qui tient lieu d’intrigue se trouvant tempérée par la fantaisie qui préside à la caractérisation des personnages, s’adapter au rythme un peu traînant du film n’est pas insurmontable. Machin (Clovis Cornillac) est une sorte de mathématicien bricoleur inventeur de casse-têtes et ours mal léché jusqu’au dernier poil de barbe. Machine est une pianiste aussi douée que stressée dont les élans d’exaltation sont tels qu’on ne pourra les justifier que par le sur-jeu d’une Mélanie Bernier semblant à juste titre redouter l’absence de crédibilité de son personnage. L’un et l’autre s’investissent donc dans des activités à haut débit sonore tout en ayant chacun besoin du silence du voisinage pour se concentrer. Or, du fait de la cloison qui sépare leurs appartements (qu’ils suffirait d’insonoriser, mais passons) ils ne supportent pas leur brouhaha réciproque et décident de mettre en place la règle du silence alterné. A chacun de rester silencieux pendant un temps donné afin laisser l’autre vaquer à ses bruyantes occupations. Cette exposition, le meilleur du film, est sujette à une série de scénettes rigolotes qui distraient entre deux bayements, comme par exemple quand, pour respecter son temps de silence, Machin fixe sous ses chaussures d’épais patins de mousse. De la mousse à Bisounours, quoi.
Qui fait sourire toutes les frimousses
Car la voilà, la grande erreur de Cornillac : on a beau faire de la belle image, une mise en scène soignée et tout ce qu’on veut, si tout le monde il est beau et gentil, ça ne peut pas marcher. Dans une romcom il faut au contraire qu’une avalanche d’éléments contrarie l’idylle naissante, que le mur qui se dresse entre les amoureux ne soit pas qu’un symbole de leur difficulté à se rapprocher mais devienne la forteresse à détruire par toute la violence du rire nécessaire. Vous n’êtes pas fait pour être ensemble, il va donc falloir vous battre contre vous-mêmes, contre les autres, contre le monde entier pour arracher ce à quoi vous aspirez sans encore vous l’avouer : le grand Amour. Or la bienveillance tartifère qui pèse sur tous les personnages d’Un peu, beaucoup, aveuglément est désastreuse, elle nuit totalement à la dynamique du film, diluant les moindres tentatives de créer un tant soit peu de conflit à l’occasion d’un concours de musique ou à travers la perversité de cet Evguéni, le prof de piano de Machine, qui au lieu de susciter le mépris et la haine inhérents aux méchants n’agit que comme l’épouvantail sur lequel viennent se poser les tourtereaux.
En salles depuis le 6 mai 2015.
2014. France. 1h30. Réalisé par Clovis Cornillac. Avec Clovis Cornillac, Mélanie Bernier, Lilou Fogli, Philippe Duquesne…
Un Peu Beaucoup Aveuglément – Bande-annonce par Paramount_Pictures_France