Outer Wilds : 2001, le décès de l’espace

Outer Wilds : 2001, le décès de l’espace

Note de l'auteur

Imaginez. Vous vous réveillez sur une planète inconnue, ouvrant vos quatre yeux ébahis devant une créature étrange, affirmant que vous êtes fin prêt à partir dans l’espace pour explorer tout un système solaire. Imaginez, vous visitez le petit village juste derrière, vous jouez le jeu et embarquez dans ce vaisseau fait de bric et de broc. Le bolide décolle comme une fusée, la (petite) planète s’éloigne par le hublot et vous vous retrouvez devant un gigantesque astre éblouissant où gravitent plusieurs planètes. Rien, absolument rien, ne vous indique où aller. C’est à vous d’explorer, d’être curieux, de vous laisser porter par ce flow intergalactique qui vous inonde. Bienvenue dans Outer Wilds.

Inter-stellaire

Mais ce point de départ n’est qu’une des nombreuses facettes du titre. En se baladant dans le village de la planète Atrebois, on y découvre un tutorial savoureusement déguisé. On y apprend à utiliser les éclaireurs, des petits modules capables de photographier les environs, ou encore un oscilloscope, indispensable outil pour dénicher des signaux aux confins de la galaxie. On découvre très vite qu’il existe une antique tribu, la civilisation Nomaï, dont les ruines sont encore disséminées sur les planètes des environs, et que des explorateurs ont déjà précédé le joueur pour y ramener quelques breloques. C’est face à l’une d’elles, une mystérieuse statue trônant fièrement au milieu d’un musée, que s’enclenche l’autre pan important d’Outer Wilds : la boucle temporelle.

Non content de patrouiller avec votre petit vaisseau pour aller de planète en planète, un twist scénaristique forcera le joueur à recommencer l’aventure au bout de 22 minutes. Seul être apparemment conscient de ce qu’il se passe autour de lui, le joueur comprend que la fameuse statue lui a donné le pouvoir de revenir au début du jeu afin de résoudre ce mystère, à la manière du Jour de la Marmotte version stellaire. Et cette anomalie temporelle ne rigole pas : les personnages repartent dans leur litanie habituelle, les astéroïdes écrasés reviennent dans leur course, seules les planètes et autres satellites ont l’orbite vacillante, modifiant le cap à chaque nouvelle tentative. Mais savoir pourquoi vous, et vous seul apparemment, êtes capable de vous souvenir de ce qui se passe ne sera jamais votre ligne directrice obligatoire : aucun indicateur ne vous force à un ordre préétabli ou un objectif concret, aucune infobulle ne vous pressera de sauver la galaxie. Outer Wilds vous somme simplement de flâner à travers l’espace avec les outils à votre disposition, à explorer si l’envie vous prend ou simplement vous balader sur les différentes planètes.

Si Outer Wilds fascine autant, c’est avant tout grâce à la cohérence et à la logique de l’univers fait-maison que nous offre les développeurs. Au contraire d’un No Man’s Sky qui doit compter sur un système procédural souvent capricieux, l’équipe de Mobius Digital a pu créer ses propres mini-mondes comme elle le souhaitait, s’amusant avec des concepts de science-fiction pour délivrer de véritables moments de grâce. Difficile de trop en dire sans gâcher le plaisir de la découverte, mais on naviguera de tornades capricieuses sur Leviathe à une étonnante fusion entre deux planètes, sans parler d’une foule d’autres expériences chargées de comètes mystérieuses ou d’éruptions solaires. Et sous cette vitrine de concepts malins offrant des petites énigmes savamment distillées, Mobius Digital raconte l’histoire de cette civilisation perdue, en ruines depuis des années mais sacrément bavarde.

Les musiciens de la galaxie

À la lueur d’une lampe torche, au détour d’une ruine ancienne fichée sur un sol instable menaçant de disparaître au fin fond d’un trou noir, on découvre régulièrement des inscriptions Nomaï que l’on peut traduire, symbolisées par des spirales qui déroulent un dialogue entre plusieurs personnages. Vestiges d’anciens explorateurs ou récits d’expériences ratées, on y découvre toute une civilisation antique fière, parfois arrogante mais souvent tragiquement humaine, dont l’histoire est traversée par des expérimentations de plus en plus dangereuses. Est-ce là la clé pour empêcher cette anomalie temporelle ? Arrivera-t-on à percer le secret de cette relique qu’ils recherchaient à tout prix ? Toutes ces données sont précieusement conservées sur votre journal de bord, jamais affecté par le reboot de la boucle temporelle et permettant de garder une trace pour continuer votre enquête après votre 24e tentative. Et à force d’obstacles et d’énigmes, le joueur apprendra de lui-même les règles de cet univers pour résoudre certains mystères. Entre vos propres souvenirs d’expériences étranges et les informations de votre ordinateur, tout le game design d’Outer Wilds répond parfaitement à chaque évènement.

Mais alors, si Outer Wilds ne donne aucun objectif, peut-on terminer le jeu ? Oui, l’aventure peut se clôturer si vous parvenez à décrypter le plus grand mystère du jeu dont la piste arrivera à vos oreilles assez tôt si vous fouillez consciencieusement chaque lieu traversé. Une fin qui force le joueur à casser l’ambiance chill du titre à cause d’une marche à suivre qui ne demandera aucune marge d’erreur par rapport à cette fameuse boucle temporelle, ce qui pourra en décevoir certains. Autant prévenir les acheteurs compulsifs : Outer Wilds n’est pas fait pour vous si la perspective de simplement explorer sans une once de combat vous ennuie d’avance, surtout avec la menace de repartir de votre point de départ toutes les 22 minutes. À la manière d’un Subnautica sans la partie craft, l’univers d’Outer Wilds vous tend les bras, blindé de secrets à résoudre et de petites énigmes pour atteindre certains lieux cachés. Et même si le moteur graphique possède un charme indéniable par sa simplicité et sa réelle capacité de mise en scène, on est loin d’un blockbuster au budget colossal.

Si le titre bénéficie d’une forte visibilité, c’est bien grâce à l’éditeur Anapurna qui a su le mettre suffisamment en avant. Au-delà de l’éditeur, le projet date d’un prototype réalisé par Alex Beachum en 2015. Masi Oka, l’acteur rendu célèbre par la série Heroes (oui, Hiro c’est lui) a proposé au concepteur de développer le jeu complet dans son propre studio, Mobius Digital. Le studio reste évidemment indépendant mais avec un budget modéré à la hauteur des ambitions. Outer Wilds est de ces jeux qui parviennent à créer une ambiance somptueuse avec très peu de moyens, portée par la musique d’Andrew Prahlow. Mélodies apaisantes à la guitare qui restent en tête et nappes éléctros jamais stressantes, la bande originale complète parfaitement le reste du jeu.

Si l’exploration spatiale sans armes ni combats intersidéraux ne vous fait pas peur, si le simple plaisir de partir sur la piste d’une ancienne civilisation avancée vous motive, alors lancez-vous dans Outer Wilds. Il possède un charme indéniable, ce petit truc atypique et bienveillant, bercé par une musique qui donne envie de se poser autour d’un feu de camp à griller des marshmallows en regardant la Lune et en songeant à ce qui se trouve à sa surface. Outer Wilds a le goût de l’aventure aguicheuse, du risque instantané et de l’envie de toujours pousser plus loin pour voir ce qui se trouve derrière cette porte mystérieuse. Il vous suffit juste de grimper dans votre navette et de mettre les gaz. Et de vous laisser porter. Vers l’infini et au-delà.

Outer Wilds
Développeur : Mobius Digital
Éditeur : Anapurna Interactive
Prix : 21 euros
Plate-formes : Xbox One (dispo Game Pass) / PC (Epic Game Store)

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