Overwatch ou l’apprentissage du teamplay

Overwatch ou l’apprentissage du teamplay

Overwatch, la nouvelle pépite de Blizzard, est maintenant sorti depuis deux mois. Comme d’habitude avec le studio américain, le titre bénéficie d’un soutien sans faille pour garder en jeu tous les fans en furie, histoire qu’ils ne partent pas chez un concurrent. Et comme d’habitude sur le net, et en particulier sur les jeux multijoueurs, Overwatch rivalise lui aussi avec ces autres licences du genre, dans lesquelles les chats des parties permettent aux joueurs les plus sensibles de copieusement allumer leurs équipiers, bardés de rage et de mauvaise foi.

150ee1ad9af7ba8397d0f2d6885ee428-650-80La différence entre une moule et un pull-over(watch)

Pour rappel, Overwatch est un FPS exclusivement multijoueurs. Sa particularité est de privilégier le jeu en équipe en laissant aux joueurs le soin de choisir une classe parmi les vingt-deux personnages disponibles (à l’heure actuelle). Les trois modes sont simples : un mode de capture de territoire au centre de la map, un mode d’attaque/défense sur plusieurs points donnés, et un mode d’escorte de convoi. Chaque personnage est catalogué dans une des quatre classes distinctes. On y trouve les attaquants/dps (ceux faisant le plus de dégâts) pour les amateurs de jeu plus agressif, les supports chargés de couvrir leurs camarades (snipers et Cie), les tanks destinés à percer la défense adverse (avec un max de points de vie) et les soigneurs. Certains héros possèdent la capacité ou non de s’adapter à la situation. Symmetra, par exemple, est un des meilleurs personnages pour défendre une zone ou piéger un goulot d’étranglement avec ses mini-tourelles, mais sera totalement inefficace lors d’une phase d’assaut. Ana, de son côté, est un sniper qui pourra tout autant soigner ses alliés en leur tirant dessus qu’endormir ses adversaires ou balancer une fiole pour leur causer des dégâts.

pHrb83Z95aYRY7XBECcjkd-650-80Overwatch, par son statut de jeu teamplay, se retrouve forcé de nourrir des tactiques bien précises selon les statistiques de chacun des vingt-deux personnages. Car oui, Overwatch n’est pas un jeu où le skill prévaut (en tout cas, pas majoritairement, suivant les personnages) mais il se base sur les stats. Points de vie, dégâts des attaques, efficacité des « ulti » : comme pour la plupart des jeux estampillés Blizzard, StarCraft 2 en tête, ou encore League of Legend chez Riot games, le joueur se verra presque contraint de choisir un personnage qui équilibrera l’équipe, « légèrement » forcé par ses membres. Vous avez beau être le dieu des grenades avec Chacal, la triste réalité viendra du chat en bas à gauche qui vous rappellera qu’on a besoin d’un tank supplémentaire, et que ce n’est sûrement pas l’instigateur de ce « conseil » qui fera la manœuvre de changer de personnage, bien trop fort avec son Genji (c’est lui qui le dit). La combinaison « 2v2v2 » représente l’équilibre idéal d’une équipe, à savoir deux attaquants aux gros dégâts, deux healers et deux tanks. Il est inutile de souligner qu’elle ne garantit absolument pas la victoire, mais certains joueurs, autoproclamés chefs de file, n’hésiteront pas à aboyer leurs ordres sans vraiment laisser le choix.

Overwatch rage quitÉvidemment, tout ceci ne concerne que les parties dites « classées », celles où les matchs sont les plus intéressants, puisque l’enjeu force les participants à jouer sérieusement, et où les doublons sont interdits. On y fait grimper sa cote (de 1 à 100), et la défaite fait descendre une jauge petit à petit jusqu’à faire perdre des niveaux. En soi, le système de Blizzard encourage le teamplay, puisque même en jouant comme un chef en récoltant les précieuses médailles d’or, perdre des matchs vous fera perdre des niveaux. Du coup, les « rageux » qui ne supportent pas de voir leur cote fondre comme neige au soleil verront d’un très mauvais œil une défaite. Les joueurs n’aimant pas perdre, les insultes fusent, et les joueurs n’aiment pas les insultes. Un cercle sans fin, qui ira jusqu’à casser la cohésion de l’équipe et assurera généralement la victoire de l’équipe d’en face. Overwatch en devient un exutoire, où les joueurs les plus chatouilleux oscilleront entre plaisir de vaincre, moments de gloire et cris de rage. Un titre où l’ambiance pourtant souvent bon enfant se transforme régulièrement en règlements de compte sanglants. Les joueurs se lâchent et feront comprendre (ou non) la soi-disant inutilité de leurs coéquipiers, sans jamais se remettre en question. On y pointera le système aléatoire du matchmaking, préférant se baser sur la cote plutôt que sur le vrai niveau du joueur, et les habitués avec une centaine d’heures au compteur n’hésiteront pas à tout mettre sur le dos du pauvre niveau 40.

Ranked et rancœur

overwatch-select-1200x675Arrivée dans une partie classée, sur la map Gibraltar. Mon équipe débute en défense, je choisis Symmetra, histoire de placer quelques tourelles, protéger mon équipe avec des boucliers et de les faire revenir rapidement avec une téléportation. Un « symm swap to healer plz » de bienvenue m’accueille, de la part du Genji du groupe. Lucio étant déjà pris, je lui explique que je ne suis pas hyper efficace sur les autres personnages de soins. Le bougre insiste lourdement, je lui réponds gentiment de me laisser tenter histoire de voir si ça fonctionne. La partie commence, je me débrouille pas mal, place mes tourelles aux endroits adéquats, parviens même à faire de jolis combos avec le Chacal du groupe. Mais rien n’y fait, le convoi avance inexorablement. Je tente une percée derrière un Reinhart avec mon laser mais un Faucheur finit le boulot. Le Genji récidive tout au long de la partie, passant d’un « plz, switch, doesnt work » à un « SWITCH DAMN IT !!! », les majuscules et le triplé de points d’exclamation me renseignant aisément sur son état d’énervement. Je regarde mon tableau des scores histoire de constater que je ne suis pas le plus mauvais de la partie, mais bon, curieux, je change pour passer en Zenyatta/healer, personnage que je n’ai utilisé que vingt minutes depuis que je joue. Évidemment, on perd la partie, et à la fin du match, un autre membre de l’équipe constate ma mauvaise performance de healer, prétextant que j’aurais dû prendre un perso que je savais jouer. Inutile de dire qu’aucun ne se posera la question de savoir si une meilleure tactique était envisageable ou, tout bêtement, si l’équipe d’en face était meilleure. J’aurais répondu un « LOL » de circonstance si j’en avais eu le temps.

Overwatch-HeaderIl est évidemment faux de dire que ce genre de parties arrive systématiquement. Parfois c’est pire, parfois le match se déroule sans accrocs et dans la bonne humeur. L’idée n’est pas de constater naïvement que les jeux multijoueurs sont l’apanage des « rageux », il en existe partout, et on n’y échappera malheureusement pas. Mais Overwatch, qui propose à la base un concept fun et convivial, se retrouve parfois pourri par la recherche de la victoire à tout prix, la mauvaise foi de certains joueurs qui n’acceptent pas la défaite et un gameplay qui mise beaucoup trop sur les capacités de ses héros. Au lieu de laisser le joueur user de son skill sur une partie, avec une vraie courbe de progression comme sur un Quake ou un Rocket League, Blizzard enferme ses utilisateurs dans des carcans bien serrés pour que le fan hardcore qui connaît toutes les particularités des personnages puisse jouer avec un nouveau venu. Au lieu d’expérimenter et de laisser les bons joueurs utiliser leur personnage favori, la baisse de niveau engendrée par une défaite force les élitistes à privilégier la sécurité plutôt que les tentatives plus risquées et souvent plus funs. C’est presque un comble : à vouloir obliger les joueurs à faire du teamplay en privilégiant les résultats de l’équipe plutôt que l’individualisme, Blizzard a cassé l’immense potentiel de stratégies qu’offrait la grande variété de personnages. Lors d’un début de partie, les personnages sont déjà presque choisis par défaut selon la map et le rôle de l’équipe (attaque/défense), et gare à celui qui osera prendre Chacal ou Symmetra sur Gibraltar (j’en sais quelque chose).

Avec Overwatch, Blizzard est entré dans la cour des FPS par la porte des compromis. On y séduit le joueur casual pour sa facilité d’approche et on titille l’habitué des jeux multijoueurs par la compétition, des statistiques précises et une profondeur de jeu principalement axée sur du pierre-feuille-ciseaux. Le skill du joueur est un plus, mais n’importe qui connaissant les pouvoirs des personnages peut facilement s’en sortir. Mais le teamplay a ses limites, surtout basé sur des constantes aussi précises. On baisse le tickrate des parties pour que même les connexions modestes ne soit pas lésées, ce qui fait que l’on peste contre cette flèche de Hanzo qui n’était pas censée nous toucher. On réduit à néant les espoirs du pauvre hère qui a eu le malheur de choisir un tank alors qu’il y en avait déjà deux, et on lui colle le rôle du healer qu’il n’a jamais joué de sa vie. Une « conformisation » des stratégies qui rend le jeu souvent trop prévisible, et qui permet aux joueurs haineux de s’en donner à cœur joie. Fort heureusement, au milieu de tout ce marasme de noms d’oiseaux subsistent quelques parties lumineuses, serrées, où chaque joueur balance gentiment des petites piques et tout le monde se félicite pour cette chouette partie, autant les perdants que les gagnants. C’est dans ces petits moments qu’Overwatch est gratifiant et vraiment plaisant à jouer, quand on tombe sur les bonnes personnes qui parviennent à jouer en équipe sans insulter toutes les mères du monde.

Partager