PAPIER A MUSIQUE : APATHY FOR THE DEVIL, NICK KENT

PAPIER A MUSIQUE : APATHY FOR THE DEVIL, NICK KENT

Nick Kent : un journaliste qui ne passait pas inaperçu dans les années 1970 (photo Joe Stevens)

Nick Kent : un journaliste qui ne passait pas inaperçu dans les années 1970 (photo Joe Stevens)

Critique rock, Nick Kent ? Oui, jusqu’à s’en brûler les ailes dans les années 70. Il a écrit sur le rock, mais il l’a aussi vécu, fréquentant le gotha de l’époque : les Rolling Stones, Led Zeppelin, Iggy Pop, Malcom McLaren… Il s’est fait démonter à coups de chaînes de vélo par Sid Vicious, a été le compagnon de Chrissie Hynde, la chanteuse des Pretenders, a été sauvé d’une overdose par Iggy Pop. Bref, une vie incroyable qu’il raconte dans Apathy for the Devil (sous-titre : les Seventies, Voyage au Cœur des ténèbres) avec humilité et lucidité. Avec humour également. Le livre arrive à être passionnant sur deux plans : l’histoire personnelle de Nick Kent et la grande histoire du rock qu’il aborde sans fard, témoin et commentateur. Il démythifie sans verser dans le désenchantement. Cela ne surprendra pas ceux qui ont dévoré ses articles fleuves dans Rock’n’Folk  ou lu L’envers du rock. Dans ce précédent ouvrage, il dressait le portrait d’une série d’artistes : Iggy Pop, Brian Wilson, Johnny Cash, Neil Young… Des portraits bien écrits, avec le sens de la formule, très documentés où Nick Kent décrit l’envers du décor, tout en partageant son amour de la musique. L’envers du rock est préfacé, excusez du peu par Iggy Pop qui note : « Il est important de préciser que Mr Kent a lui-même une histoire dont certains aspects sordides, peu ragoûtants et parfois franchement comiques, n’ont rien à envier aux anecdotes qui émaillent ce livre. » Apathy for the devil prouve que l’Iguane n’avait pas tort.

Apathy for the devil, sorti en 2010, peut se lire comme le récit d’apprentissage de l’Anglais Nick Kent, installé aujourd’hui en France. Ses découvertes musicales, ses premières amours, ses premiers pas dans la critique musicale. Puis la chute racontée sans complaisance ni moralisme. « Quel a été le problème essentiel des années soixante-dix ? Trop de gens à côté de la plaque. J’aurais dû le savoir. J’ai fini par être l’un d’eux », note-t-il.

Mais rembobinons, revenons aux années soixante. Ce qui frappe, c’est la tendresse que porte Nick Kent, âgé aujourd’hui de 63 ans, au jeune homme qu’il a été. Son adolescence entre en collision avec l’épanouissement du rock. Une véritable révolution, tant sur le plan musical que celui des mœurs, une révolution  qui happe le jeune Nick Kent. Il décrit ainsi un concert des Rolling Stones en 1964 : « Tout ce dont je me souviens aujourd’hui, c’est d’un formidable fracas sonique, un irrésistible grondement emportant tout sur son passage, le grondement de la révolte comme je l’appellerai plus tard. C’était assourdissant et essentiel, et ça a plongé les filles dans un véritable état de possession démoniaque (…) Les règles changent. Fini la fadeur, l’audace est de mise. » Il a ensuite la chance de rencontrer Mick Jagger et ses acolytes dans leur loge, « guère plus grande que des toilettes », ce qui a bien changé depuis.

C’est une 1972 que l’étudiant en littérature à Londres, passionné de musique, entame sa mue en journaliste rock en collaborant au magazine Frendz (une bouture de la revue Rolling Stones en Angleterre), avant de rejoindre le New Musical Express (ou NME) en quête de sang neuf. Deux conseils à suivre à cette époque dans cet hebdomadaire : ne jamais écrire du mal d’Elvis Presley, à cause des fans psychopathes et éviter tout commentaire déplaisant sur un groupe managé par Don Arden qui fut qualifié d’Al Capone de la pop.

Sa carrière de journaliste rock lancé, viré de l’université, Nick Kent interviewe Lou Reed -« Je dois me coltiner son regard de poisson mort à la Peter Lorre et ses manières rébarbatives »- suit Led Zeppelin en concert, rencontre aux Etats-Unis un de ses maîtres à penser en matière de critique rock, Lester Bangs… Il obtient en 1974 les quatre pages centrales du NME pour un article sur Syd Barrett, ex-chanteur reclus et perturbé du Pink Floyd première mouture. Il descend Bob Marley de son piédestal (il le rencontre dans les toilettes des studios Island)  :  » Il ne différait guère de n’importe quel autre petit mec dévoré d’ambition jaugeant d’un air condescendant la planète qu’il souhaite conquérir (…) Dans l’esprit d’un rastacentrique rigide tel que Marley, une mauviette sous drogues dures n’a jamais eu la moindre chance d’atteindre le salut spirituel. Il se peut d’ailleurs qu’il ait eu raison. »  Nick Kent évoque également l’ambiance au NME, son travail, sa relation tumultueuse avec Chrissie Hynde, sa plongée dans la drogue… Sa route croise celle de Malcom McLaren. Il assiste aux premières répétitions des Sex Pistols et joue même quelques semaines de la guitare avec eux. « Je ne crois pas que mon système aurait supporté d’être un Sex Pistol jusqu’au bout » conclue-t-il à propos de cette expérience.

Nick Kent, Apathy for the devil, Rivage rouge

 

 

 

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