Paradis perdu (The Good Place S4 / NBC / Netflix)

Paradis perdu (The Good Place S4 / NBC / Netflix)

Note de l'auteur

Après deux saisons formidables et une troisième franchement ratée, Eleanor, Chidi et les autres bouclent la boucle et parviennent, enfin, dans la vraie “Good Place”. Michael Schur arrive à peu près à faire atterrir son avion en perdition. Mais pas à faire resurgir la magie des débuts. Attention, spoilers.

Dans une tentative désespérée pour corriger le système qui envoie la quasi-totalité des humains en Enfer depuis des centaines d’années, Chidi accepte de voir sa mémoire effacée une nouvelle fois afin de repartir de zéro. Et de prouver que l’on peut s’améliorer après la mort, ce qui remet en cause l’inévitable envoi vers la Bad Place. Les autres cobayes ne s’amélioreront pas aussi facilement que cela… et c’est plus que jamais une course contre la montre pour éviter que la Juge appuie sur la touche “Erase All”.

Après deux premières saisons excellentes et une troisième largement décevante, comment Michael Schur (Parks and Recreation) conclut-il sa dernière série en date ? Avec les honneurs, sans plus. Car dans la foulée d’une saison 3 longuette où les six membres du groupe (dont une non-fille, Janet, et un démon dans un costume d’homme, Michael) ont exploré la Terre et visité ses habitants, il s’agit une fois de plus d’aider des humains à devenir meilleurs. Encore. Et encore. Avec un sentiment irrésistible de déjà-vu, déjà-entendu.

Il est alors trop tard pour faire naître une vraie tension de ce “countdown to Armageddon”. L’ennui est installé, la machine ronronne, on attend la mort avec quiétude. Eleanor sauve le monde en permanence grâce à son intelligence et à son intuition, Chidi joue les animaux de laboratoire en ignorant de quoi il retourne, Jason est idiot et Tahani n’ouvre la bouche que pour pratiquer le name-dropping comme l’un des beaux-arts. L’enfer, c’est l’éternel retour du même, disait l’autre.

Michael et Jason s’offrent une escapade dans la Bad Place pour sauver la Good Janet. L’expérience ultime touche à sa fin dans les dernières secondes de l’épisode 7. Fini ? Non, Michael Schur a quelques “idées” pour remplir les six épisodes qui lui permettront d’arriver au bout de son supplice (et du nôtre).

Avec la Juge (c) NBC

Réveiller Chidi en lui laissant la mémoire de toutes ses “vies”. Une énième proposition au Juge pour éviter qu’elle ne supprime tout l’existant, avec un caméo de Timothy Olyphant (Santa Clarita Diet) à la clé. Et enfin, enfin, l’arrivée à la vraie Good Place… pour y trouver des résidents abrutis par l’éternité. En un épisode unique cette fois (le 12e), Eleanor trouve la solution. Il était temps, on était presque à la fin, de la série comme de notre patience. C’est tout simple : il suffit de donner aux Élus la possibilité de “mourir”, c’est-à-dire de se fondre dans l’univers, pour qu’ils retrouvent le goût du Paradis.

De quoi, aussi, s’offrir un ultime épisode “émotionnel”, qui voit plusieurs des personnages principaux choisir de traverser cette porte vers le néant. Les guillemets sont intentionnels, car arrivé à ce stade de l’aventure, il est presque impossible de verser une larmichette. Michael est devenu un véritable humain (son nom d’homme est d’ailleurs “Realman”), tandis que Tahani devient une architecte et que Jason, Chidi et Eleanor choisissent d’en finir. En paix.

Et voici la métaphore parfaite pour toute cette série, d’abord électrisante de drôlerie – et, l’air de rien, assez iconoclaste par certains côtés – avant de s’avachir dans son confort et sa répétition, pour terminer dans le calme, la lenteur et la gentillesse sucrée, avec un encéphalogramme aussi plat que le logo Fremulon. Schur fait tout pour nous tirer l’ultime larmichette mais n’offre rien pour justifier cette ambition. Pour un final émotionnel en diable, on reverra de préférence Six Feet Under, par exemple.

Et ce ne sont pas les guest-stars en pagaille qui changent la donne : Timothy Olyphant donc, mais aussi Lisa Kudrow (la philosophe grecque Hypatie), Nick Offerman (qui enseigne à Tahani l’art de l’ébénisterie), Mary Steenburgen (prof de guitare de Michael, et accessoirement épouse de Ted Danson dans la vraie vie), sans oublier les philosophes Pamela Hieronymi et Todd May dans leurs propres rôles (et par ailleurs conseillers “philo” de la série). Trop de clins d’œil et c’est l’ophtalmie assurée.

On reprochera surtout à The Good Place d’avoir poursuivi sur la lancée de ses mauvais penchants – se reposer à l’extrême sur ses personnages sans guère les faire évoluer, autrement dit sur sa recette de départ – plutôt que de miser sur ses atouts et ce qui la différenciait de tant d’autres séries du même acabit : son rythme, ses dialogues décalés, ses inventions linguistiques (What the fork ?), son goût pour l’outrance. Restent une réflexion sans danger sur la vie éternelle, et une solution – donner la possibilité d’en sortir – qui, si elle se justifie par des millénaires de pensée philosophique sans doute, ressemble bien à un deux ex machina pour une série au bord de l’asphyxie.

The Good Place (NBC / Netflix) saison 4 en 13 épisodes
diffusés à partir du 26 septembre 2019
Série créée par Michael Schur
Série écrite par Michael Schur, Andrew Law, Kassia Miller, Aisha Muharrar, Cord Jefferson, Joe Mande, Lizzy Pace, Dave King, Josh Siegal, Dylan Morgan, Dan Schofield, Matt Murray, Jen Statsky, Megan Amram,
Série réalisée par Drew Goddard, Anya Adams, Morgan Sackett, Beth McCarthy-Miller, Steve Day, Kristen Bell, Valeria Migliassi Collins, Rebecca Asher, Michael Schur
Avec Kristen Bell, Ted Danson, William Jackson Harper, Jameela Jamil, D’Arcy Carden, Manny Jacinto, etc.

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