
Paris, Toile capitale (critique des trois premiers épisodes)
Proposée en deux soirées de trois épisodes par Arte, la minisérie écrite par Virginie Brac et réalisée par Gilles Bannier développe un récit tentaculaire dont la profondeur et la richesse croît progressivement. Une audacieuse expérience qui ne marche jamais mieux que lorsqu’elle s’amuse avec les apparences pour mieux détourner les attentes du spectateur.
Synopsis : Du Premier ministre à une chanteuse de cabaret transgenre en passant par un couple de chauffeurs de bus de la RATP, 24 heures dans la vie d’un groupe d’hommes et de femmes ballotés par les rencontres, les événements et les choix qui en découlent.
Le projet était attendu. Très attendu. Si Virginie Brac n’est pas l’auteure la plus prolifique du petit écran français, il faut bien reconnaître que ses incursions télé ont souvent marqué ceux qui les ont vues. Le reformatage d’Engrenages, c’est elle. Le projet Les Beaux Mecs, aussi. Un peu moins de quatre ans ont passé depuis la diffusion de la série qui suivait des malfrats coincé entre un présent compliqué et un passé tout sauf simple. Et on a beau utilisé tous les temps, ça commençait à faire long.
Avec Paris, on retrouve deux composantes fortes de l’oeuvre de la scénariste : l’amour du format et la passion des personnages. Après l’exploration du temps dans Les Beaux Mecs, la minisérie produite par Son & Lumière s’intéresse à l’espace. Pas celui de Rosetta et Philae mais l’espace dans lequel gravitent une kyrielle de personnages.
D’une chanteuse transgenre à un Premier ministre confronté à une crise publique et intime, en passant par un couple de conducteurs de transports en commun, une esthéticienne/femme de ménage enceinte, un ex-truand qui essaie de ne pas retomber dans la spirale du crime, une journaliste, un procureur de la République et beaucoup d’autres.
Paris est une authentique fresque, qui se plaît à raconter ce que montre son générique. L’histoire contée au téléspectateur n’est jamais tout à fait ce que l’on croit au départ. Pour comprendre ce qui se passe, il faut obliquer le regard. Et c’est précisément ce que s’amuse à faire la narration alors que l’on avance dans cette journée bien particulière.
Pour arriver à cela, la minisérie s’appuie sur un récit fleuve, qui n’est jamais plus efficace que lorsqu’il noue progressivement le destin d’un personnage à un autre. A chaque fois que cela survient, les protagonistes gagnent en densité, tout comme la profondeur des conflits qui les animent.
Ce qui ne veut pas dire, pour autant, qu’il n’y a pas quelques accrocs. Si le rythme de l’histoire est alerte, certaines scènes « coincent » un peu. La façon dont la confrontation entre le couple Penmarch et leur patron est évacuée, par exemple. Ou la scène entre le procureur Lanvin et le juge Milo, alors que le premier est au téléphone avec Alexia. Ou encore la rencontre entre Coline et Clément.
Quelque part, avoir un peu plus de temps pour faire vivre les émotions aurait été bienvenu. L’histoire semble parfois prise au piège par la multiplicité de ses personnages et l’impératif d’avancer, encore et toujours. D’où quelques « passages en force » un peu regrettables.
Plus le temps passe cependant, plus on sort de la phase d’exposition et plus on rentre dans l’histoire. L’exemple-type : les scènes avec les deux conseillers du Premier ministre. Ce sont deux voix qui viennent susurrer des choix différents à leur employeur, ce qui fonctionne bien une fois que l’on sait qui représente quoi.
Cette impression sera-t-elle confirmée dans la seconde partie de l’histoire ? Réponse la semaine prochaine.
Excellente série qui prouve que la bonne fiction française existe.