
Paris est ludique : l’édition 2016 fut un grand cru !
Le festival parisien du jeu, Paris est Ludique, s’est tenu les 25 et 26 juin dernier, et c’était cette année encore un festival très réussi ! Il y avait du (beau) monde, du soleil, un nouveau site plus grand, moins poussiéreux et toujours aussi bien rempli, un espace buvette/restauration enfin à la hauteur de l’événement (adieu l’unique petit stand et sa demi-heure de queue) et bien sûr des jeux partout, à ne plus savoir où donner de la tête. Alors un petit retour sur ces deux jours on ne peut plus ludiques !
Bon, cette fois-ci, je ne vous refais pas l’historique de ce festival (si ça vous intéresse, allez lire l’article sur l’édition précédente), et je rentre dans le vif du sujet, à savoir ce qui nous intéresse le plus évidemment : les jeux !
FunForge : Pocket Madness, Hop!, Isle of Skye et autres…
Arrivé sur les lieux à l’ouverture samedi matin, je fonce sur le stand de FunForge qui m’a réservé une interview avec Bruno Cathala pour son nouveau jeu : Pocket Madness. Au final, entre l’arrivée de Ludovic Maublanc, le second auteur du jeu, sa présentation de son futur jeu Hop! dont les visuels viennent juste d’arriver, la rencontre avec l’illustratrice du jeu Marie Cardouat connue pour ses fabuleux dessins de Dixit, le test de l’excellent Isle of Skye (qui vient de se voir décerner le Kennerspiel des Jahres 2016) et les discussions avec l’équipe, j’y ai passé ma matinée. Et du coup, afin d’éviter de rédiger l’article le plus long de l’année, tout cela fait l’objet d’un second article !
La Boite De Jeu : Outlive
Petit passage ensuite au stand des très sympathiques gens de La Boite De Jeu qui viennent de réussir un magnifique Kickstarter pour Outlive (le projet avec ses 5 771 backers et 411 363 euros est ici). Hélas, il me sera impossible de tester le jeu car les 3 prototypes qu’ils possèdent seront mobilisés/réservés/surbookés non-stop tout le week-end. Mais de ce que j’ai pu en avoir, le jeu a l’air vraiment très bien et les retours sont excellents (jalousie…) !
Et Benoit Bannier, The Boss, est comme toujours super enthousiaste et me laisse entendre qu’il fait tout son possible pour essayer de livrer au plus vite (et si possible même avant la date annoncée) leur édition collector de 8 kg aux 4 250 contributeurs passionnés (et les autres aussi bien sûr). On lui souhaite une fois encore courage et réussite parce qu’elle est vraiment bien cette « plus si petite » Boite De Jeu !
Superlude : Maître Renard et Lutèce
Je passe ensuite sur le stand de Superlude qui, cette année, regorge de nouveautés ! Fondée il y a seulement 3 ans par Antoine Davrou, Superlude est une société qui déborde de passion et d’énergie (et qui est désormais associée à Origames). Maître Renard, un jeu dans lequel les joueurs doivent reconnaître à l’aveugle (avec un beau masque de renard sur le visage) le butin qu’ils doivent récupérer pendant leur visite nocturne chez le fermier, a remporté l’année dernière l’as d’or jeunesse, rien de moins !
Et cette année, les petits (et les plus grands aussi) se battaient joyeusement pour s’emparer des peluches d’un Maître Renard en format géant à l’espace tournoi ! Beaucoup d’amusement et de bonne humeur, mais on notera que certains adultes n’avaient aucun scrupule à déposséder les plus petits de leur butin pour l’emporter, et ça c’est vraiment moche !
J’ai quant à moi testé Lutèce, un jeu de Nicolas Sato illustré avec beaucoup de gaieté et de couleur par Biboun.
Lutèce est un jeu de deck building fonctionnant avec un système d’enchères pour obtenir les cartes que vous désirez, qui sont divisées en deux catégories : les personnages et les lieux. Ces cartes représentent des ressources dans un domaine parmi les armes, le pain ou la bière, l’objectif étant de contrôler le plus de ressources possibles sachant que les points que vous obtiendrez dépendent à la fois de vos bâtiments et votre supériorité dans chaque domaine.
Le gagnant obtiendra le poste de sénateur de Gaule promis par l’Empereur Auguste ! Offrant un nombre immense de possibilités pour arriver à ses fins, le jeu reprend et combine intelligemment un tas de mécanismes classiques mais très bien huilés. On n’est pas dans l’originalité mais ça fonctionne extrêmement bien ! Un « petit » jeu très sympathique pour des parties de 45 minutes environ, de 2 à 5 joueurs.
Ystari / Space CowBoys : Sherlock Holmes Détective Conseil et Watson & Holmes
Je passe ensuite chez Ystari et Space CowBoys, désormais associés, pour découvrir une excellente nouvelle ! Sherlock Holmes Détective Conseil, un jeu que j’aime tout particulièrement, se voit prochainement rééditer avec plein de contenus supplémentaires en approche imminente ! Voilà qui me donne un excellent prétexte pour vous parler de ce non moins excellent jeu !
SHDC est un jeu d’enquête (surprenant non ?) collaboratif dans lequel vous allez assister le plus célèbre des détectives londoniens. La boite de base du jeu contient un plan de Londres, un annuaire des différents lieux et personnes et un livret de règles, ainsi que 10 livrets d’enquête. Chaque livret correspond à une enquête et débute par une introduction d’une à deux pages qui vous place au cœur du mystère. Le reste du livret fonctionne comme un livre dont vous êtes le héros : il contient des numéros qui correspondent à différentes adresses londoniennes pertinentes auxquelles vous pourrez vous rendre pour découvrir des indices. Par exemple, si vous voulez vous rendre chez le médecin légiste, ou au club Diogène pour rencontrer Mycroft Holmes, il vous suffira de lire le numéro correspondant. Enfin, les dernières pages du livret contiennent les questions finales auxquelles vous devrez répondre correctement, leurs réponses et un dernier texte expliquant toute l’affaire de la bouche même de Sherlock Holmes. Vous mesurez ensuite votre succès en fonction de vos bonnes réponses et du nombre de lieux qu’il vous a fallu pour résoudre l’enquête.
Réédition d’un jeu publié en 1985, SHDC offre vraiment une ambiance unique grâce à une excellente écriture qui vous plonge dans un Londres victorien plein d’énigmes plus tordues les unes que les autres. Le jeu bénéficie en plus depuis sa réapparition en 2011 d’un excellent suivi puisque pas moins de 10 autres enquêtes ont déjà été publiées, mais toutefois certaines sont désormais introuvables ! Au vu du succès très mérité du jeu (65 000 boîtes vendues quand même !), Ystari/SC a décidé de se lancer dans une réédition complète de la gamme avec des coffrets à tiroir de toute beauté. Et pour ne pas spolier les possesseurs de l’édition précédente, il le fait en publiant à la rentrée un coffret avec 10 enquêtes inédites dont 4 qui nous mettront sur la piste de Jack l’Éventreur, ainsi que les documents annexes (cartes et annuaires) au nouveau format. Puis sortira ensuite, en deux fois, l’ensemble des enquêtes précédemment publiées !
Et ce n’est pas tout ! Car arrive un second jeu dans l’univers de SHDC appelé Watson et Holmes, qui mettra cette fois les joueurs en compétition. Le jeu commence par la lecture de l’énigme et des questions auxquelles il faudra répondre. Les lieux sont ici moins nombreux et posés directement sur la table sous forme de cartes. Les joueurs se rendent au lieu de leur choix mais il ne peut à chaque tour accueillir qu’un unique joueur, celui qui sera arrivé le premier en dépensant pour cela le plus grand nombre de calèches (sachant qu’on possède un capital de 10 calèches pour la partie). Une fois tout le monde à destination, chacun lit secrètement le texte inscrit au dos de sa carte, espérant ainsi progresser dans son enquête.
Dès qu’il pense avoir tous les éléments de cette enquête, un joueur peut se rendre au 221b Baker Street après avoir écrit ses réponses sur un papier. S’il a toutes les bonnes réponses, il remporte la partie, sinon il est éliminé mais peut devenir une source d’informations pour les autres joueurs à travers la carte Holmes. Enfin, le jeu propose également des moyens de se mettre quelques bâtons dans les roues ou d’obtenir des petits bonus variés.
L’enquête (exclusive) proposée par Ystari pour le test du jeu était sympathique et magnifiquement retorse, ce qui a causé la perte de nos deux premiers détectives (les impatients !). Le jeu sortira normalement pour Essen 2016 et contiendra 13 enquêtes. Octobre donc, je suis impatient !
Tactic : iKNOW
La journée se termine avec le sympathique iKNOW de chez Tactic, un jeu de culture générale avec de la stratégie dedans ! Il va s’agir en effet de répondre correctement à des questions de culture générale sur les quatre thèmes proposés par le jeu (Société, Planète Terre, People et Héritage), mais surtout de parier tant sur le nombre d’indices qu’il vous faudra pour y parvenir (de 1 à 3 indices) que sur la réussite ou l’échec de vos adversaires !
C’est assez mesquin bien sûr de miser sur l’échec de votre ami qui s’est un peu avancé à vouloir deviner la réponse avec un seul indice, mais ce n’est pas moins efficace que de parier sur la réussite de celui qui répondra avec 3 indices et après tout le monde ! iKNOW est un jeu autour duquel on s’amuse bien ! Je dirais juste qu’on peut regretter la grande variance d’une carte à l’autre pour ce qui est de pouvoir deviner la réponse avec un seul indice. Je ne sais pas vous, mais je trouve personnellement un peu plus simple de répondre à « Fleuve : il est le plus long fleuve de France » qu’à « Célèbre chorégraphe, elle est américaine »… Toutefois, ça apporte aussi à la partie une plus grande part de hasard, ce qui n’est pas inintéressant non plus !
Bon, il est déjà 20 heures ! L’heure de rentrer reprendre des forces pour revenir le lendemain dès l’ouverture !
La Boite à Chimère et son Escape Room Playmobil
Ne la cherchez pas dans le commerce, cette expérience ludique avait été concoctée spécialement pour l’occasion par les gens de la Boite à Chimère, une association ludique parisienne super sympathique avec qui j’ai fait quelques mémorables parties de jeu de rôle. Victime de son succès, elle était absolument inaccessible hier, je file donc dès l’ouverture m’essayer à cette escape room dans laquelle il faut débloquer l’ordinateur du professeur pour éviter la destruction du monde puis découvrir son assassin. On y parvient en usant uniquement de ses talents d’observation et de déduction, tous les indices étant disposés avec beaucoup d’intelligence (retorse) dans la maison Playmobil. Un vrai petit bijou auquel petits et grands ont rendu un hommage unanime, et donc une initiative que je ne voulais pas manquer de saluer !
Ystari / Space CowBoys : Projet 59:59
Et on reste dans les escape rooms avec cette fois le futur jeu d’Ystari/SC intitulé Projet 59:59. Il s’agira de réussir à terminer, en moins d’une heure, une enquête avec l’aide de cartes (qui contiennent des énigmes ou des indices menant à d’autres cartes) et d’une application sur tablette ou smartphone (qui permet d’intégrer au jeu des indices multimédias, de rentrer les réponses d’énigmes et de décompter le temps qu’il vous reste, temps qui diminue bien entendu en cas de mauvaise réponse aux énigmes !).
Le prototype auquel nous avons pu jouer nous a poussés dans nos derniers retranchements (entre le désamorçage de bombe, le décodage de code morse et les indices cachés, nous n’étions pas trop de 5) pendant les 22 minutes qu’il nous a fallu pour résoudre une « demi-enquête ». Il va falloir des nerfs solides pour une enquête complète mais l’expérience était excellente et je vais donc guetter la sortie de ce 59:59, prévu pour Cannes 2017 (et tout à ma concentration, j’ai oublié de prendre des photos, damn !).
Filosofia/Z-Man : Tragedy Looper
Heureusement que nous avons pu nous détendre un peu avec une initiation au sabre laser proposée par l’association Sport Saber League, car ce n’est pas le jeu suivant qui a épargné mes pauvres neurones déjà fatigués. Venu directement du Japon où il est édité par Bakafire, Tragedy Looper est un jeu pour 2 à 4 joueurs opposant un maître du jeu type « Génie du mal » à d’infortunés protagonistes qui vont tenter de déjouer ses plans retors.
Le jeu propose 12 scénarios mettant en scène différents personnages qui possèdent des rôles secrets que les joueurs vont s’efforcer de découvrir. En effet, en usant de ces rôles secrets et en interagissant avec les lieux ou personnages en fonction du script de son scénario, le vilain maître du jeu va s’efforcer de déclencher des tragédies (comme la mort d’un personnage clé). Le but des autres joueurs va être d’empêcher qu’une tragédie ne se déroule pendant la durée complète du scénario. Ils devront pour cela réussir à déduire des actions du maître du jeu, et surtout de leurs conséquences, la trame scénaristique et les rôles secrets des personnages. Et ainsi tenter de réussir à le contrer pour empêcher toute tragédie la fois d’après.
Car dans Tragedy Looper, comme son nom l’indique, une tragédie provoque une boucle (loop) temporelle et le redémarrage de l’histoire ! L’échec est donc source d’expérience, mais hélas, les joueurs ne disposent que d’un nombre limité de boucles temporelles. Remporter la partie n’est donc pas un mince exploit (nous avons d’ailleurs lamentablement échoué), rendu encore plus compliqué par le fait que la communication entre les joueurs est limitée, sauf lorsqu’ils peuvent faire le point à chaque échec.
Tragedy Looper demande un sacré sens de l’analyse et un bon esprit de déduction, ainsi qu’une bonne capacité à œuvrer en équipe. Un jeu vraiment difficile mais super intéressant et très original. Je regrette personnellement que Filosofia/Z-MAN ait fait le choix de conserver le graphisme manga d’origine (qui aurait avantageusement dû être remplacé par un style victorien ou lovecraftien, je ne suis pas le seul à le penser !) mais bon, le jeu n’en est pas moins bon ! Ça sort en version française cet automne.
Gigamic : Roll for the Galaxy
Celui-là, ça faisait un bout de temps que je voulais le tester, étant un fan inconditionnel de Race for the Galaxy, le jeu de deck building dont il est une évolution. En effet, Roll for the Galaxy (que j’abrégerai RoFTG) est une déclinaison de Race for the Galaxy (abrégé RFTG, je sais ce n’est pas simple !), dans laquelle les cartes sont remplacées par des dés (et des tuiles). Ce qui fait de RoFTG un Dice Builder, ce qui pour moi était de façon totalement subjective synonyme de hasard excessif. Eh bien en fait pas du tout, force est de constater que j’avais tort !
Sans aller jusqu’à reprendre l’ensemble des mécanismes des deux jeux (il me faudrait un article complet), disons que RoFTG reprend une grande partie des mécanismes de son aîné, en particulier les différentes phases possibles (Exploration, Développement, Colonisation, Production et Expédition qui recouvrent la vente et la consommation de ressources) et le fait que ne sont jouées que les phases choisies par les joueurs. Et l’objectif reste bien sûr le même : être le premier a établir l’Empire Galactique le plus prospère !
La différence vient bien sûr de l’utilisation des dés qui, selon leur couleur, offrent des probabilités plus importantes de fournir certaines actions. Par exemple, les dés militaires offrent de grandes chances de coloniser ou de développer, quand les dés de commerce vont faciliter l’expédition et augmenter les points gagnés en consommant vos ressources.
Vous lancez vos dés, les affecter à l’action indiquée, les recombiner grâce à des mécanismes de réaffectation (très malins et qui réduisent rapidement l’importance du hasard dans le jeu) et choisissez l’action de votre choix. Chaque joueur révèle alors sa combinaison. Les dés affectés à des actions qui n’ont pas lieu sont récupérés, les autres vous permettent d’agir, sachant qu’il faudra par exemple 4 dés pour réussir un développement ou une colonisation à 4 points. Les dés utilisés retournent dans votre pool de population inactive, et doivent être rachetés pour être relancés.
Au final, ça demande un peu de mise en pratique mais ça tourne vraiment bien et on se retrouve avec un RoFTG qui offre une mécanique à la fois proche et pourtant vraiment différente de son aîné. Une belle machine ludique, dont on ne peut regretter que le prix (environ 55€), même si la boîte contient un sacré matos !
C’est déjà fini pour cette année…
Et voilà qui clôture mon petit retour d’expérience sur cette édition 2016 de Paris est Ludique. Il faut l’avouer, ce n’est que très partiel tant il y avait de choses à voir et à faire. J’aurais aimé en particulier pouvoir aller jeter un œil à l’espace des jeux de demain où des créateurs présentaient les prototypes de leurs jeux qui étaient soumis ensuite à un vote du public pour élire les projets les plus prometteurs. Une initiative à laquelle s’était jointe cette année l’équipe de l’excellent site Board Game Arena pour digitaliser et rendre immédiatement jouables en ligne ces prototypes (une superbe initiative !).
Et puis aussi pourquoi pas, soyons fous, également trouver le temps de faire une petite partie de jeu de rôle, de suivre quelques conférences, de dialoguer un peu plus longtemps avec les auteurs, de découvrir quelques jeux de plus (en fait, j’en ai découvert quelques autres, mais je ne suis pas tombé sous le charme, donc ça passe aux oubliettes…). Et je ne cite même pas les matchs de Mölkky, de Quidditch ou d’impro ludique qui étaient aussi présents… (même si j’ai peu de sensibilité pour le Quidditch personnellement).
Un regret tout de même : trop peu d’éditeurs ont profité de l’occasion pour proposer leurs jeux à un prix spécial festival lors de cette manifestation. C’est vraiment dommage, surtout quand on compare à d’autres événements (même si du coup, les boutiques présentes étaient contentes). Mention spéciale toutefois aux éditeurs polonais qui ont fêté la qualification de leur pays pour les 1/4 de finale de l’Euro en offrant 50% de remise sur leurs jeux !
Mais à part ça, c’était un sans faute ! Les Brunch du Cube nous ont gâtés cette année encore avec un superbe festival ludique, et les 13.000 visiteurs ne s’y sont pas trompés. Paris a vraiment désormais son événement dédié au jeu ! Longue vie à Paris Est Ludique et vivement l’année prochaine !