
Perte de mémoire (The Rook / Starzplay)
Starz peut s’enorgueillir d’avoir quelques belles réussites récentes en termes de séries de genre (citons Outlander ou bien encore Counterpart). Mais avec The Rook, la chaîne se perd ostensiblement dans une adaptation à oublier. Présentation.
The Rook est avant tout un premier roman (Au service surnaturel de sa Majesté, de son titre français) signé de l’australien Daniel O’Malley (2012). Un livre notamment repéré par Stephenie Meyer, l’auteure de la saga Twilight, qui décide d’en imaginer une conversion au format série. C’est elle qui développe l’adaptation au départ. Elle est rejointe par Stephen Garrett (The Night Manager) à la production lorsque Starz (via Lionsgate) s’offre le projet en 2017.
Mais coup de théâtre l’année dernière : Meyer claque la porte en raison de “différences créatives” alors que le tournage vient de débuter. Dans ce genre de situation, il est toujours difficile de spéculer sur la teneur des divergences en question. Le roman original étant très orienté fantasy, on devine toutefois que Stephenie Meyer devait défendre cette tendance qui devait représenter un certain nombre de contraintes (en particulier budgétaires).
L’univers mis à part, la trame centrale du roman est conservée. On nous présente Myfanwy Thomas qui reprend connaissance entourées de cadavres, sous le Millenium Bridge de Londres. Elle est d’autant plus prise de panique qu’elle souffre d’amnésie. Mais comme Myfanwy est une femme organisée, une série de notes (qu’elle s’est adressées à elle-même) la guide dans la tâche à suivre. Doit-elle retrouver son ancienne vie, synonyme de danger, ou tenter d’y échapper ? Quelle est la fonction de la mystérieuse agence dans laquelle elle travaille ?
De nombreuses questions formulées par une équipe pour le moins brillante, à commencer par l’actrice Emma Greenwell (Shameless, The Path) pour le rôle principal, très juste dans un registre de la fébrilité pour lequel elle excelle. Mais aussi Joely Richardson (Nip/Tuck) pour une prestation délicieusement ambivalente. Et Olivia Munn (The Newsroom, Six) pour un personnage, à contrario, relativement ordinaire.
Les deux premiers épisodes et la signature visuelle de The Rook sont à mettre au crédit de Kari Skogland (Banshee, Vikings, The Handmaid’s Tale). La réalisatrice canadienne dresse une ambiance de thriller paranoïaque franchement classique mais à la photographie soignée. On regrettera surtout une lecture londonienne sans personnalité, bien loin du subtil caractère rétro (de Berlin) d’une Counterpart par exemple.
Et c’est finalement à l’image d’une série qui se contente de ces quelques fondamentaux. Bien que l’ensemble soit fignolé, l’absence d’ambition ne devrait pas l’empêcher de sombrer dans l’oubli. Ainsi délimité, le récit n’est qu’une proposition d’aventures plus ou moins super-héroïque parmi tant d’autres. Une série, en outre, qui se complaît bien trop rapidement dans le terne et la monotonie des ensembles tertiaires.
Alors, bien sûr, comme tout thriller qui se respecte, il faudra le juger définitivement à l’aune des futurs rebondissements déployés. Mais dans le contexte et l’offre pléthorique actuelle, on ne sera pas surpris que le ou la sériephile souffre de perte de mémoire lorsqu’il ou elle lui faudra se remémorer la découverte de The Rook.
THE ROOK (Starz) saison 1 en 8 épisodes
à voir via Starzplay (Apple TV) dès le 30 juin.
Série dirigée par Stephen Garrett, Karyn Usher et Lisa Zwerling.
D’après un roman de Daniel O’Malley.
Visuel © Lionsgate / Starz.