Phoolan Devi, reine des bandits de Claire Fauvel
Immersion dans l’Inde de la fin du XXe siècle avec le parcours hors norme de Phoolan Devi qui rend la fiction bien mièvre par rapport à sa réalité. Souillée et esclavagisée, elle se relèvera de chaque ignominie pour épouser la cause des bandits avant de devenir une représentante politique du peuple. Jusqu’à y laisser sa vie. Édifiant.
L’histoire : Phoolan Devi campe autant un personnage de légende que sa propre existence. Celle d’une jeune fille dans cette Inde conservatrice qui ne cessera depuis sa tendre enfance de fuir le danger que représentent les hommes. Violée à de multiples reprises, mariée de force, elle deviendra bandit pour se venger et rendre au peuple ce qu’on lui spolie. Un destin hors du commun qui la mènera même à la députation avant d’être assassinée à Delhi.
Mon avis : C’est une vraie découverte que cette biographie en bande dessinée d’une femme qui aura marqué le pays le plus peuplé au monde. Une découverte qui se base sur les propres mots de l’héroïne pourtant analphabète. Des mots d’enfant d’abord, puis d’adolescente et enfin d’adulte, des mots qui se font de plus en plus durs et engagés. Des mots qui ne sont pas la vérité mais sa vérité. Ce qui donne à ce récit ce caractère si introspectif et si sincère.
C’est aussi un manifeste féministe de l’extrême puisque Phoolan ira jusqu’à tuer ou estropier pour la vengeance certes mais aussi pour montrer aux hommes agresseurs ce qu’elle leur réserve. Victime de toutes les avanies, elle se montrera un rempart ultime face à l’ignominie de certains. Voire de beaucoup, poussés par un système indien qui hiérarchise depuis des millénaires sa société. Avec ses castes, ses centaines de communautés, son patriarcat borné et tout en bas de chaque strate la femme.
Il paraît que l’on revient changé d’un voyage en Inde. Celui symbolique opéré grâce à ses bulles ne laisse pas non plus indemne. L’histoire de ce héraut de la nation de Gandhi est à tel point extraordinaire que l’on pourrait la croire inventer. Mais elle est bien réelle. Elle montre aussi la naissance du côté très politique de sa démarche qui se terminera par les urnes. Un peu Guevara, un peu Robin des bois mais surtout beaucoup elle-même.
C’est une bande dessinée à ne pas manquer parce qu’elle est dure, parce qu’elle est enivrante, parce qu’elle incarne une forme de justice, pas toujours immanente, parce qu’elle est touchante et instructive. On sort moins bête de la grosse demi-heure qu’on y a consacrée.
Si vous aimez : l’œuvre de Louis Dominique Garthausen, aka Cartouche, bandit du XVIIIe siècle. Et notamment le film éponyme avec Bebel et Claudia Cardinale.
En accompagnement : India of My Dreams du Mahatma Gandhi.
Autour de la BD : Illustratrice de formation, Claire Fauvel a élargi sa palette pour se lancer dans la bande dessinée. C’est son deuxième ouvrage en solo après Une saison en Égypte. Ses couleurs jouent un rôle d’accompagnement important pour son récit. Elle a du talent plein les mains.
Extraits : « C’est vrai que tu sais parler anglais ? »
« Yes, Mam’ ! »
« Apprends-moi des mots ! »
« Mmh… I love you. »
« Alavyou ? »
« Arrête de lui dire des bêtises ! Il y a un seul mot d’anglais à connaître : motherfucker ! »
Phoolan Devi, reine des bandits
Écrit et dessiné par Claire Fauvel
Édité par Casterman
