
Pilote Automatique : Selfie – « Pilot » (ABC)
L’histoire : Eliza Dooley (Karen Gillan) est une jeune femme dans la vingtaine qui ne vit que par et pour son image sur les réseaux sociaux. Après être devenue la risée de ses collègues, Eliza demande de l’aide à l’expert en marketing de l’entreprise pour redorer son image.
Autour de l’histoire : Selfie est la nouvelle série d’Emily Kapnek, créatrice de Suburgatory.
L’avis : Avec le pilote de Selfie, Emily Kapnek revendique à fond son idée de départ : surfer allégrement sur la mode des réseaux sociaux pour revisiter My fair lady. L’idée aurait pu être drôle mais le pilote se prend les pieds dans le tapis et on a déjà peur de la suite.
Parlons d’abord de ce qui saute aux yeux dès la première minute : Comme son nom l’indique clairement, Selfie veut faire le buzz en se moquant du buzz. C’est parti pour analyser notre dépendance à la vie par écrans interposés. A fond. On sort les images incrustées de nos réseaux sociaux préférés. La musique qui parle du selfie. Les comptes Twitter (https://twitter.com/The_Doolio) et Instagram (https://instagram.com/the_doolio) de la belle sont bien sûr d’ores et déjà en place. Le commentaire de la série est osé et sans appel : Les réseaux sociaux c’est bien mais avec modération. Modération que la série a pour l’instant du mal à appliquer elle-même. Comme dans beaucoup de pilotes de comédie, la problématique vient du dosage et les producteurs ont eu la main lourde. Pour donner du punch aux dialogues, les personnages font leurs monologues en vers. La vraie amitié, ce sont des filles qui chantent ensemble des chansons pop. Les gros clins d’œil aux adeptes de la vie connectée et les blagues lourdingues s’enchainent. Le message, s’il est fort et clair, en devient indigeste.
Eliza est une victime consentante de la mode version 2.0. Traumatisée par une adolescence difficile, elle est tellement obsédée par son image que sans être méchante elle est devenue superficielle, égoïste et égocentrique. Ce cocktail pourrait bien nous la rendre drôle et finalement sympathique. Malheureusement, Eliza est présentée comme inexplicablement mais totalement stupide. Karen Gillan, qui l’incarne, avait déjà montré un potentiel comique dans Doctor Who. Malheureusement pour être au niveau du reste du show, elle en fait des tonnes jusqu’à être carrément irritante.
De son côté, Henri Higgs est un expert en marketing de la vieille école. Il exècre le narcissisme découlant des relations virtuelles. Son entourage le perçoit comme quelqu’un d’ennuyeux, avec pour seule preuve qu’il est célibataire… Il est interprété par John Cho, qu’on avait vu récemment dans la jolie série Go on. Comme sa collègue, il essaie de faire le boulot mais les limites du personnage se font pour l’instant sentir. A n’être qu’ennuyeux, Henri n’a d’existence qu’à l’état de contre-point d’Eliza. C’est peu.
Un habillage trop présent, des personnages très caricaturaux donc. En même temps, dans une comédie c’est classique de commencer par la caricature. C’est d’ailleurs là-dessus que Kapnek avait déjà joué avec succès dans Suburgatory. La série pourrait bien dans les prochains épisodes trouver sa forme et son rythme. Mais cela suffirait-il à relever le niveau ?
Sans doute pas, parce que c’est sur le fond que l’intérêt de la série va se jouer.
L’idée de départ est loin d’être inintéressante. La vie des femmes a bien changé depuis les années 50 mais le propos risque bien d’être éternel. L’apparence, subie et/ou travaillée à l’excès, reste centrale dans la construction de l’individu. C’est sur cette image projetée que les autres nous jugent et que par conséquent nous trouvons notre place dans la société.
Comme l’avaient déjà montré Pygmalion et My fair lady, cette problématique peut être traitée sous deux angles opposés. En effet ces deux versions de la même histoire ne différent quasiment que par leur fin mais portent, comme les deux faces d’une même pièce, des messages très distincts. My fair lady a fait de l’histoire une comédie romantique. Eliza est transformée par un homme éduqué. Reconnaissante, elle découvre en Henri malgré son côté bourru un homme aimable. C’est donc en acceptant de s’adapter à l’autre qu’on peut évoluer.
Pygmalion, l’originale, était une critique du marionnettiste. En transformant Eliza, Henri lui façonne l’image d’une jeune fille aisée. N’ayant pas les moyens financiers de cette classe sociale, Eliza y perd son indépendance et sa liberté. Dans cette version c’est l’obligation de se conformer au regard des autres qui nous emprisonne et nous limite.
Comme ce fut déjà le cas pour Pretty Woman en 1990, Kapnek choisit pour l’instant comme référence My fair lady. Ce choix est aussi valable que l’autre du point de vue du message. Mais sont-ils aussi valables l’un que l’autre dans le cas d’une série ? Le côté comédie romantique semble déjà enfermer le propos, on imagine déjà l’évolution et la fin de la série et c’est à cause de ça que cette comédie risque de manquer de surprises. On peut espèrer que Selfie saura s’ouvrir à plus, saura prendre des chemins de traverse pour gagner en complexité sur le fond. Mais on en doute.
Episode 2 : Non.
Selfie, Saison 1, Episode 1, Pilot (ABC)
Ecrit par : Emily Kapnek
Réalisé par : Julie Anne Robinson
Avec : Karen Gillan (Eliza Dooley), John Cho (Henri Higgs), David Harewood (Sam Saperstein)
J’ai regardé ce pilote par nostalgie pour Amy Pond, il faut reconnaître que c’est assez mauvais, la présence de John Cho aurait du m’aiguiller, en général on le retrouve sur des séries qui ne durent pas bien longtemps, ce qui semble être le destin programmé de ce truc.