PJ Harvey – The Hope Six Demolition Project (Island / Vagrant)

PJ Harvey – The Hope Six Demolition Project (Island / Vagrant)

Note de l'auteur

En 2011, elle faisait trembler l’Angleterre. Aujourd’hui, PJ Harvey s’attaque au reste du monde. Au confluent du rock, de l’art contemporain et de la protest song, The Hope Six Demolition Project, son neuvième album studio prend tour à tour la forme d’une collection de pamphlets un brin naïfs, d’un carnet de voyage… et d’un best-of.

Pochette de l'album "The Hope Six Demolition Project" de PJ HarveyS’il y a bien deux choses que Polly Jean Harvey sait faire, ce sont dans l’ordre : 1°) arriver à la fois à surprendre et à satisfaire ses fans avec chaque disque et 2°) se faire ardemment désirer entre chacun d’eux. Après avoir passé ses quinze premières années de carrière à explorer à peu près tout le continent rock alternatif, Harvey prenait le large en 2007 avec l’expérimental et éthéré White Chalk. Suivait, quatre ans plus tard, la pop tendance, ancien régime aux sonorités baroques de Let England Shake.

Aussi, lorsqu’elle annonce, à la fin de l’année 2014, que les sessions d’enregistrement de son prochain album auront lieu en public, il y a de quoi piquer la curiosité de tous ses fidèles. Cette démarche intrigante aurait pu aboutir à un grand n’importe quoi. Or, le résultat est d’une étonnante « sagesse ». Comme si, se sachant observée, Harvey avait préféré s’appuyer sur ses acquis et ne laisser l’expérimentation que dans les marges de l’album (comme sur le dernier morceau, Dollar, Dollar).

On retrouve ici beaucoup d’anciens compagnons de route de la rockeuse du Dorset : le multi-instrumentiste John Parish, le producteur Flood, son homonyme (et ancien acolyte de Nick Cave) Mick Harvey, entre autres. À la première écoute, The Hope Six Demolition Project ressemble effectivement à une réunion d’anciens élèves. Harvey nous livre une sorte de synthèse de sa discographie. Le titre d’ouverture de l’album, The Community of Hope, rappelle Stories from the City, Stories from the Sea (paru en 2000), tandis que d’autres, comme A Line in the Sand a d’étranges échos de The Words That Maketh Murder, un titre de l’album précédent.

PJ Harvey à l'O2 Apollo, Manchester, le mardi 8 septembre 2011

© Man Alive!

Ce disque est également le fruit des échanges avec le photographe et réalisateur Seamus Murphy1. Après avoir réalisé une série de films pour son album précédent, Murphy a accompagné Harvey dans une série de voyages en Afghanistan, au Kosovo et aux États-Unis (à Washington). Les textes de l’album sont autant de petits poèmes ou de cartes postales du vaste monde. Si leur qualité n’est pas en cause – pour comparaison, ils sont moins patauds que ceux de Neil Young sur The Monsanto Years – leur caractère frontalement politique finit presque par desservir l’album, en mettant le fond trop en avant par rapport à une forme qui manque d’originalité. À tout le moins, l’album aura fait réagir, ce qui constitue en soi la preuve d’une certaine pertinence de son propos. Par ailleurs, il est difficile de ne pas éprouver de la sympathie pour la chanteuse, aidée en cela par les commentaires méprisants des principaux architectes du projet HOPE VI2 à l’endroit de la chanson The Community of Hope3.

Après tout, ce qui rachète toutes ses lacunes et sa relative nonchalance, c’est l’énergie et la spontanéité qui porte The Hope Six Demolition Project de bout en bout. La voie d’Harvey n’a jamais été aussi fluide et agile. Ce qu’il lui manque d’originalité, l’album le compense par la grande attention et l’exigence qui est portée à son exécution. Au final, il s’agit effectivement d’un disque mineur dans la discographie de son auteur. Un album social, décroissant et en partie recyclé… mais ne serait-ce pas là la dernière malice de Mrs Harvey et une façon, encore plus intelligente qu’il n’y paraît au premier abord de mettre en adéquation le fond et la forme de son projet ?

1 dont le site Internet, extrêmement bien achalandé vaut la peine d’y jeter un œil
2 plan d’urbanisme initié par le Gouvernement américain pour la réhabilitation des quartiers pauvres dont la mise en œuvre et les résultats ont essuyé de vives critiques
3 Kurzius, Rachel (15/03/2016), Ward 7 Council Candidates Respond To PJ Harvey’s New Song, DCist

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