POINT VINYL (HBO) : critique des épisodes 1.2 & 1.3

POINT VINYL (HBO) : critique des épisodes 1.2 & 1.3

Note de l'auteur

Malgré un lancement décevant sur HBO et une impression de « too much » pour son dispendieux pilote, Vinyl n’a certainement pas fini de faire parler d’elle. En bien, espère-t-on et, heureusement, les 2e et 3e épisodes semblent indiquer qu’à défaut de faire date, la série creuse un sillon plus équilibré que l’ego-trip scorsesien lourdingue de son introduction bruyante. On décrypte !

À l’heure où ces lignes sont tapées, la hype Vinyl a clairement baissé le son. Le chef-d’œuvre tant attendu, fruit des amours créatrices de Martin Scorsese, Mick Jagger, Terence Winter et Rich Cohen, n’a pas fait pousser des cris de groupies à la critique, loin s’en faut. Pire : diffusé le 14 février sur HBO, l’ultra-médiatisé-boursouflé-tonitruant pilote de 112 mn réalisé par Scorsese a dû se contenter du score humiliant de 764 000 téléspectateurs. Un peu comme si les Rolling Stones se produisaient devant un Stade de France à moitié plein… Papy Marty a rassemblé en tout cas bien moins qu’avec son pilote de Boardwalk Empire, à l’époque suivi par près de 5 millions de fidèles.

vinyl-keyart-640x354La semaine suivante, Yesterday Once More, le second épisode de Vinyl, a perdu carrément 100 000 mélomanes et avec les chiffres encore à la baisse du 3e segment diffusé avant-hier, une chose est claire : cette première saison ne sera pas la bombe thermonucléaire espérée par HBO. Plutôt un gros pétard mouillé. Pour une série dont le pilote aurait coûté à lui seul 30 millions de dollars et la saison 1 autour de 100 millions, ça fait désordre. Mais cela n’a pas empêché la chaîne de commander illico une seconde saison (histoire de rentabiliser son investissement ?). Accessoirement, comme le rappelle cet excellent article du Hollywood reporter, cette sous-performance n’arrange pas les affaires d’un diffuseur récemment abonné aux fausses notes (gabegie Westworld ; projets avortés avec David Fincher ; arlésienne Lewis and Clarke ; renvoi du patron de la division drama Michael Ellenberg,…) et courant désespérément après un nouveau hit planétaire depuis Game of Thrones.

Les nuages s’accumulent dans le ciel de la reine du câble premium, encerclée désormais par les offres des plates-formes de VOD (moins chères) Amazon, Netflix, Hulu, sans oublier la concurrence toujours plus rude des chaînes du câble basique sur le terrain des séries de prestige. Des soucis à relier à ceux, plus globaux et inquiétants encore, de tout le groupe Time Warner, maison mère de HBO également à la peine avec sa branche cinéma Warner Bros – qui n’a ABSOLUMENT pas droit à l’erreur avec l’hyper onéreux Batman V. Superman, en salles fin mars. Mais ceci est une autre histoire (sur laquelle nous reviendrons éventuellement dans quelques jours, tiens, allez !).

Pour l’heure, après la déception d’un pilote trop larger than life pour être honnête, que valent les heures suivantes de Vinyl ? La série parvient-elle à trouver sa petite musique bien à elle, à défaut de s’imposer en classique instantané, ou bien continue-t-elle à se fourvoyer dans le show-off clinquant dessus, fantoche dessous ? Verdict plutôt rassurant : le disque peut continuer de tourner. Compte-rendu d’écoute.

vinyl ep2EPISODE 2 : Yesterday Once More
(Réalisateur & scénariste crédité : Allen Coulter).

Temps Forts :
–  Après avoir miraculeusement survécu à l’effondrement de l’immeuble abritant la salle du concert des New York Dolls, Richie Finestra (Bobby Cannavale), défoncé à la coke, a une révélation : plus question de vendre American Century aux Allemands de Polygram. AC restera indépendante, mais elle a désormais le couteau sous la gorge. Cette décision va bouleverser les employés, et notamment ceux du département “A & R”, sommés par Richie de trouver illico de nouveaux artistes à succès sous peine d’être tous virés en deux semaines.

Des flash-backs nous en disent plus sur la formation du couple Richie/Devon (Olivia Wilde) et sur les liens artistiques entre cette dernière et Andy Warhol. Les deux tourtereaux se sont rencontrés à un concert du Velvet Underground (feat. Lou Reed, donc).

Finestra (Bobby Cannavale) en plein trip table rase, face au pauvre Clark Morelle. A l'arrière plan : l'assistante Jamie Vine (Juno Temple) va avancer ses pions. (crédit : HBO).

Finestra (Bobby Cannavale) en plein trip table rase, face au pauvre Clark Morelle. A l’arrière plan : l’assistante Jamie Vine (Juno Temple) va avancer ses pions. (Crédit : HBO).

– Jamie Vine (Juno Temple) parvient à convaincre Richie de donner leur chance aux Nasty Bits, le groupe proto-punk dont elle entend bien se servir pour garantir son ascension au sein d’American Century. Richie accepte de laisser Jamie coacher le groupe, bien qu’elle conserve son titre d’assistante à tout faire dans la société. Julie Silver (Max Casella), le directeur du département A & R, trouve au contraire que les Nasty Bits jouent comme des casseroles et leur impose de se faire d’abord les dents sur une reprise du All Day and All of the Night des Kinks. Tout en ordonnant à Jamie d’aller chercher des sandwichs…

– Un enquêteur de la police de New York vient questionner chez lui Richie sur la disparition mystérieuse du DJ radio Frank “Buck” Rogers.

– Richie, confronté à l’urgence d’un succès pour sauver sa boîte, se décide à rendre visite à son ancien protégé, le bluesman brisé Lester Grimes (Ato Essandoh).

AVIS : 

Bonne nouvelle : la voix off de Bobby Cannavale a disparu. Débarrassée de cette redondance usée jusqu’aux cordes vocales, Vinyl se concentre sur ce qu’on lui demande : un héros qui se regarde moins le nombril, une intrigue qui avance et des dialogues qui nous parlent. Mieux dirigé par Allen Coulter, Bobby Cannavale se décoince pour enfin péter le feu à l’écran. Ça commence dés le prologue dans un ciné miteux où Finestra, en plein trip après avoir survécu au cataclysmique final du pilote, saccage une séance du film Opération Dragon. Régénéré par sa décision de ne finalement plus vendre American Century à Polygram mais encore plus flippé de ce revirement, Finestra replonge de plus belle dans la coke et la gnôle. “Je veux du neuf, du frais, du rapide, du palpitant !” éructe-t-il à ses troupes, sommées de débusquer les futures stars sous peine de se faire virer sous deux semaines.

Rien à dire : le cirque fonctionne, surtout quand un Finestra hors de lui (et bien rhino-poudré) brise sur ses genoux un album de Jethro Tull écouté deux secondes plus tôt par sa division A & R (“Artists and Repertoir”, découverte des talents). Au terme de cette pure scène de comédie, Finestra éjecte manu militari un de ses lieutenants récalcitrant, rhabillé par un : “Fous-moi le camp d’ici, putain de hippie, retourne à Woodstock et emporte ce putain de poster de Jefferson Airplane avec toi !”. Le reste est à l’avenant et, enfin, Bobby Cannavale semble avoir trouvé le ton juste. Finestra a beau s’affirmer, il n’est pour autant plus de toutes les scènes et laisse son entourage respirer. À commencer par son épouse Devon (attachante et plus sauvage que jamais Olivia Wilde lors d’une scène torride…) et Jamie Vine, mais surtout ses associés et notamment le génialement azimuté Julian « Julie » Silver, patron de la division “A & R”. Barbu, cassant, survolté, il est impayable lorsqu’il dézingue les Nasty Bits, le groupe punkoïde défendu bec et ongles par Jamie Vine.

En résumé : rythme plus alerte, dialogues plus enlevés, mise en scène moins ampoulée et surtout un mixage global qui augmente enfin le volume des seconds rôles. Sans pour autant révolutionner quoi que ce soit, Vinyl tourne dans le bon sens (vous l’aviez vu venir celle-là, ou bien ?).

 

 

 

 

Alice Cooper (Dustin Ingram) et Clark Morelle (Jack Quaid). Le second saura-t-il convaincre le premier de signer chez American Century ? (Credit: HBO/Macall B. Polay)

Alice Cooper (Dustin Ingram) et Clark Morelle (Jack Quaid). Le second saura-t-il convaincre le premier de signer chez American Century ? (Crédit: HBO/Macall B. Polay)

Episode 3 : Whispered Secrets
(Réalisateur : Mark Romanek. Scénaristes crédités : Jonathan Tropper, Debora Cahn, Adam Rapp).

Temps Forts :

– Richie Finestra tente désespérément de convaincre son ancien protégé Lester Grimes, de signer avec American Century pour chanter ses compositions blues originales. Il lui propose une nouvelle association mais Lester, dont la colère contre Richie n’a jamais disparu, l’envoie promener.

Zak Yankovich (Ray Romano), bras droit sage mais angoissé.

Zak Yankovich (Ray Romano), bras droit sage mais angoissé.

 

– Au bureau, Finestra (toujours sous coke et alcool pour mieux oublier ses emmerdes) et son état major font le tour des artistes d’American Century pour cibler les boulets dont il faut se séparer. Ils s’accordent, en guise de solution de facilité, sur la nécessité d’un nouvel album de chants de noël par le crooner Robert Goulet.

– Sur la sellette au sein d’American Century, le jeune producteur Clark Morelle (Jack Quaid) tente de convaincre Alice Cooper de signer avec la compagnie mais une vieille rancœur du chanteur contre Finestra va faire capoter le projet.

– Le truand Joe Corso (Bo Dietl) débarque au bureau de Finestra pour lui demander amicalement de produire une amie chanteuse de jazz & blues… « la prochaine Petula Clark » selon Corso.

– Comme le label Atco d’Atlantic, Richie souhaite qu’American Century se dote d’une sous-division exclusivement concentrée sur les futurs talents, afin de relancer l’image dégradée de la société.

– Les Nasty Bits, reconfigurés par Julie Silver de groupe punk agressif à gentil rock band reprenant les Kinks, donnent leur premier concert sous les yeux catastrophés de Finestra. Mais Jamie rattrape le coup in extremis.

– Finestra reçoit la visite menaçante du mafieux Corrado Galasso (Armen Garo) et de son confrère le patron de label Maury Gold (Paul Ben-Victor), qui veulent savoir ce que Richie a dit aux flics enquêtant sur la disparition de Frank Rogers.

– Un coup de fil de Joe Corso en fin d’épisode va plonger Richie dans un nouveau stade d’angoisse…

Jamie Vine et le frontman des Nasty Bits, Kip Stevens (James Jagger). (credit : HBO).

Jamie Vine et le frontman des Nasty Bits, Kip Stevens (James Jagger). (Crédit : HBO).

AVIS : un épisode dans l’exacte lignée du précédent. Sans sombrer dans la comédie, la série privilégie clairement l’humour et les dialogues de sniper, en tournant définitivement le dos à la grandiloquence du pilote. Et ça marche : les scènes hilarantes se multiplient, qu’il s’agisse de la réunion « Quel artiste on vire ? » entre Richie et ses lieutenants, du profond abattement du pauvre Clark devant une session d’enregistrement du ringardissime duo England Dan & John Ford Coley ou encore des sarcasmes désopilants du génial Jules « Julie » Silver sur les Nasty Bits.

Les choix musicaux fonctionnent à plein tube et, qu’il s’agisse de musique diégétique ou « hors champ », ils habillent Vinyl d’une véritable patte sonore, jamais trop envahissante et toujours efficace. Je continue de m’interroger sur la réelle utilité des apparitions incarnées de légendes du rock/blues pour des virgules d’ambiance plus ou moins signifiantes. Certes moins présentes que sur le pilote, elles restent toujours sur le fil du rasoir entre la bonne idée de narration symbolique et le gimmick superflu.

La plus belle scène de Whispered Secrets (et probablement le premier véritable moment où Vinyl n’est pas loin de nous arracher des larmes) surgit lorsque Devon, en manque désespéré de cash pour financer une troupe de danse dont elle s’occupe, renoue avec Andy Warhol pour lui demander de signer le tableau-portrait qu’il avait tiré d’elle, des années plus tôt. L’artiste repère immédiatement le subterfuge et Devon s’effondre. Une autre séquence également très forte montre les prémices de la création du hip hop, lorsque le DJ Kool Herc (joué ici par Dominique Johnson) entrelace deux morceaux de Kool and the Gang et James Brown sous les yeux et les oreilles de deux papys révoltés. Plaisant.

Le twist final de ce 3e épisode, engageant la série sur la voie d’une écriture définitivement plus traditionnelle qu’une Mad Men ou Les Soprano, relie plus nettement Vinyl à une logique de genre plutôt qu’une variation sur une certaine condition humaine. En ayant fait de Richie Finestra, dés la fin de l’épisode pilote, le complice plus ou moins actif d’un meurtre, Winter et sa troupe dirigent leur héros vers une logique expiatoire d’un pêché capital, à l’image d’un Vic Mackey dans The Shield. Se tirent-ils une balle dans le pied en risquant de tomber dans le piège du réchauffé maladroit (comment vraiment renouveler cet exercice après la perfection The Shield ?) ou vont-ils parvenir à « gérer » cette trame-là sans abîmer la crédibilité de la série ? Vrai suspens à suivre…

En résumé : un épisode aussi agréable, drôle et rythmé que le précédent. Pas de choc émotionnel particulier, si ce n’est une très belle scène pour Olivia Wilde. Vinyl semble toujours se chercher entre la description d’une époque, le petit jeu du « name dropping », la trajectoire d’un quadra en crise façon Tony Soprano ou Don Draper et un suspens de genre typique du « film de mafia ». Mais elle peaufine doucement l’alchimie entre ses personnages.

TO BE CONTINUED

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