
Portrait : Columbo
Le mois de Mars a été baptisé Mois du Polar sur le DailyMars. Entre analyses, retours critiques ou témoignages, il était également important de dresser quelques portraits d’enquêteurs célèbres. Aujourd’hui, c’est un homme qui mentionne souvent sa femme que l’on ne verra jamais (non, la série Mrs Columbo n’a jamais existé. Répétez après moi : la série Mrs Columbo n’a jamais existé…).
Peut-on se sentir impressionné face un homme qui radote, machouille un vieux cigare, porte un imper usé, conduit une vieille peugeot et semble avoir pour seule compagnie un chien apathique ? Peut-on se sentir en danger face un lieutenant de police qui vous parle de sa femme, s’attarde sur des choses insignifiantes quand vous, en machiavel du crime, vous avez commis le meurtre parfait ? Ce petit homme, un peu négligé, se voit confier les enquêtes dans les milieux aisés de Los Angeles, et on voudrait nous faire croire qu’il va les résoudre ?..
Les apparences sont importantes dans COLUMBO. Le riche est souvent coupable quand le prolétaire apporte la justice. Les apparences, c’est l’arme ultime du lieutenant Columbo. Un complexe jeu de rôle où le matador qui met à mort sa proie n’est pas celui que l’on croit. Le triomphe de l’intelligence, de l’observation dans un univers où les signes extérieurs de richesse prévalent. A ce niveau et autant répété, cela tiendrait presque du discours politique. De gauche, de préférence.
L’homme qui n’a pas de prénom officiel (Franck ou Bob) est entré dans l’inconscient collectif. Tout le monde connaît Columbo. Chacun y va de sa petite imitation, gestuelle ou voix (excellent doublage de Serge Sauvion) parce que la création de William Link et Richard Levinson, magnifiée par l’interprétation de Peter Falk possède ce pouvoir de fascination. Columbo est devenu une icône. A tel point que le personnage a fini par posséder l’acteur aux yeux du monde.
La recette est minimaliste. Un épisode, une enquête. Signe distinctif : nous connaissons le meurtrier avant même de rencontrer le policier. Le suspense va à l’opposer du classique whodunit. Ce n’est pas le coupable que l’on cherche mais comment Columbo va le débusquer, l’exposer, le pousser à l’erreur. Nous assistons à la lente progression d’une torture psychologique menée par un enquêteur habile dans l’art de faire tourner les têtes. Et pourtant, les auteurs auront coutume de l’opposer à des adversaires de choix mais rien n’y fera, Columbo triomphera toujours.
Il y a quelque chose d’animal chez Columbo. Une fois ferré sa proie, il ne démord jamais. Un acharnement salutaire pour que la justice et la morale veillent. Sous ces airs inoffensifs, Columbo est un colosse, une machine, un élément perturbateur dans un univers trop propre sur lui mais qui transpire la sérénité. le policier ne sort jamais son arme, ne violente jamais son interlocuteur, n’élève jamais le ton. Tout repose sur un esprit affûté, de la persévérance, et de la patience.
Ce refus du spectaculaire explique (en partie) la longévité du lieutenant Columbo. Le cadre rassurant, la construction, des invités de luxe devant ou derrière la caméra, sont des marqueurs qui permettent de regarder un épisode de temps en temps, sans soucis de chronologie mais avec la sécurité d’une intrigue policière bien construite et le petit numéro d’un lieutenant de police insignifiant. Méfiez-vous des apparences…
On a jamais fait mieux.
En fait, notre bon lieutenant lève la voix au moins deux fois : dans le pilote, où il s’emporte sur la maîtresse du meurtrier et dans l’épisode avec Leonard Nimoy où il s’énerve sur ce dernier.
Columbo peut être très franc, n’hésitant pas à dire ce qu’il pense et croit aux meurtriers : qu’il sait que c’est eux qui ont commis le crime.
Chers amateurs du genre,
Vous nous livrez ici un portrait très juste du personnage de Columbo. Sous ses airs affables qui cachent un esprit de déduction puissant et une grande empathie, c’est un limier tenace dont les traits particuliers (grande politesse, maladresse, sens de la précision et du détail, distraction, charme…) se retrouvent d’un épisode à l’autre, faisant le sel de cette série singulière dans le paysage des séries policières. Pourtant, certains épisodes appuient en effet sur l’une ou l’autre de ces caractéristiques, ces épisodes font saillie tels que le pilote diffusé en 1968 (EU) que vous mentionnez très justement, ou par exemple, de mon point de vue, Sos Scotland Yard qui insiste sur la cocasserie du personnage, ou Colubmo change de peau, seul épisode où le lieutenant troquera son vieil imperméable contre divers accoutrements, ou encore, Grandes manoeuvres et petits soldats, dans lequel Columbo mène son enquête avec une rigueur extrême dans un très grand respect des étiquettes… C’est un policier hors norme dont j’ai aimé faire le portrait moi aussi à travers une analyse de la série (https://lehorlart.blogspot.fr)
Je suis ravie de rencontrer votre site et cet article car j’aime beaucoup la série Columbo, et les fictions policières en général. Merci pour cet événement autour du polar que je ne connaissais pas.