
Portrait : Remington Steele
Le mois de Mars a été baptisé Mois du Polar sur le Daily Mars. Entre analyses, retours critiques ou témoignages, il était également important de dresser quelques portraits d’enquêteurs célèbres. Aujourd’hui, c’est un personnage qui n’existe pas qui a le droit au feu des projecteurs : Remington Steele.
Au départ, Remington Steele est un concept. Une identité créée pour donner le change. Le symbole d’une société qui ne croit pas à l’égalité homme/femme et dont la naissance est forgée sur ce principe : Afin qu’une agence de détectives privés puisse fonctionner, elle doit être tenue par un homme, aussi factice soit-il, Remington Steele. Le patron imaginaire devient celui que l’on ne voit pas, toujours coincé quelque part, en réunion ou sur une autre affaire. Des lors, plutôt cocasse qu’une supercherie trouve incarnation chez un faussaire. La venue d’un voleur, anonyme mettra un physique sur un nom et permettra ainsi de rendre visible l’invisible.
Remington Steele devient ainsi une page blanche ou un écran sur lequel seront projetés la matrice de nombreux personnages :
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Sa relation avec Laura Holt sera le brouillon de la dynamique de Claire de Lune (Glenn Gordon Caron a conduit la première saison) et figurera ce syndrome très connu aujourd’hui qui imagine que la concrétisation de la relation de deux personnages principaux conduit la série à la faillite.
- L’homme sans nom est un grand cinéphile, aime emprunter au septième art ses noms d’emprunt, puiser dans les nombreux scénarios, la résolution possible des enquêtes. Comme s’il fallait remplir le vide laissé par son anonymat en jouant personnages comme situations. L’omniprésence du cinéma comme référent majeur et sa nature très charmeur (ainsi que ses rapports avec Laura) rappelleront les principaux traits de Anthony DiNozzo (NCIS).
- Dans la dynamique de la série, imposé par Remington Steele, apparaîtront deux autres modèles en filigrane. La fiction comme source aux théories les plus extravagantes, la fantaisie de son attitude figureront le futur Richard Castle. Laura apporte la raison, le pragmatisme quand Remington, par ses élucubrations aberrantes remplie le rôle de carburant à réflexion. Une énergie que l’on retrouve dans Castle comme principal motif. Autre trait, les petits jeux qui permettront de dévoiler le coupable. Steele résout les enquêtes à titre officiel mais c’est Laura, le plus souvent, à qui incombe cette tâche. Pour la prestation publique, il faut savoir faire preuve d’un vrai talent d’acteur, de manipulation qui évoqueront Patrick Jane (The Mentalist).
C’est la force de la fiction qui se joue à plusieurs niveaux avec ce personnage. D’une simple projection théorique (et quelque part, politique) est devenue la matrice à de nombreux personnages, de dynamiques, de style. Grâce à une écriture fine, ludique et rythmée, au jeu de Pierce Brosnan tout en subtilité, utilisant son charme naturel sans excès, Remington Steele, s’il ne s’est pas imposé dans l’imaginaire collectif, voire est un peu tombé dans l’oubli, aura façonné de nombreuses créations dans le genre policier.