
Portrait : Stefan Derrick
Il est un des policiers les plus célèbres et le plus raillés. Le commissaire Stefan Derrick, rien que d’énoncer son nom inspire le sourire moqueur, de ceux qui ont souffert, les après-midi chez la grand-mère, coincé entre une diffusion de Santa Barbara et de Derrick.
Pourtant, si l’on se penche d’un peu plus près, on aperçoit que la série recèle une richesse thématique intéressante dont le commissaire est le parangon. Derrick incarne la droiture absolue. Il est l’incarnation physique de la rigueur, l’expression de la morale. Avec cette volonté indéfectible dans la véracité de son geste. Policier est une profession de foi, la justice sa croyance pour rendre notre quotidien un peu moins corrompu. Derrick devient un cri silencieux, une tempête nonchalante, un oxymore dans un paysage policier où l’immobilisme et la lenteur ne sont pas les armes favorites des scénaristes.
La création de Herbert Reinecker repose sur une méthode simple mais jamais simpliste. Corps dévoué, nous ne verrons de Derrick que sa vie professionnelle. Aucune mention ou presque ne sera faite à son intimité. La froideur du jeu de Horst Tappert participe à cette manifestation quasi robotique du personnage. La répétition entraîne le caractère implacable du fardeau que porte Derrick : corriger une société avariée. Discours légèrement réactionnaire quand la série et le personnage prendront soins de ne jamais évoluer dans le temps. Le temps est une notion abstraite dans DERRICK. Jusqu’à rendre le personnage quasi prométhéen ou une figuration de Sisyphe.
Dans son essaie « De Superman au Surhomme », Umberto Eco prête à Derrick les vertus du héros des romans-feuilletons et en fait un des modèles d’une nouvelle inclinaison du public pour des héros proche d’eux. Elle peut être là, la réaction épidermique face à DERRICK, aujourd’hui. La série se veut reflet d’un quotidien, le nôtre. Et sa représentation tout en couleurs ternes devient anxiogène par l’effroyable vérité qu’elle communique : déchéance de la morale (des crimes commis pour des raisons pathétiques), bassesse de l’être humain. Et triomphant au-dessus de ce spectacle médiocre, un homme, engoncé dans un costume sans pli, cravate bien nouée, représentation de la raideur, jusqu’à paraître effrayant de banalité frigide. Les enquêtes se suivent et se ressemblent ad nauseam et Derrick, en bon petit soldat, les résout comme on écope la mer.
En filigrane, il y a tous les préceptes de CSI dans Derrick. Et ce dernier, de se révéler en brouillon de ce que sera Horatio Caine : l’illustration du surhomme.
Pourquoi le Dr No ne s’est pas chargé de ce portrait ??
SCANDALE!!