
P’tit Quinquin L’Bêt’Humaine (1×01) & Au Coeur du Mal (1×02)
P’tit Quiquin c’est qui ? Un garçon à la gueule cassée. Petite teigne qui joue les durs à cuire et capable de gestes d’une tendresse incroyable. P’tit Quinquin c’est quoi ? La dernière œuvre de Bruno Dumont, l’homme derrière L’Humanité, Flandres ou La Vie de Jésus. Une vraie personnalité à l’identité bien marquée. Dumont, ce sont des acteurs amateurs dans une forme naturaliste. Une façon de tordre le réel, de jouer avec la réalité, d’organiser l’inattendu. Et dans P’tit Quinquin, tout pousse vers une comédie étrange.
Étrange, le mot est lâché. Singulier, atypique : autant de synonymes qui caractérisent ces deux premiers épisodes, diffusés hier soir sur Arte. Le spectateur semble mis face à un dilemme, une alliance contre-nature : voir évoluer un spectacle dont les ficelles de fabrications seraient trop évidentes. Pourtant, l’ombre du réalisateur est bien là, derrière ce jeu hésitant, un peu faux et capable de provoquer le rire par dépit. Il y a une manipulation du récit. Une conduite brusque comme celle de Carpentier, dans un paysage familier (l’enquête policière). Le résultat est une piste d’auto-tamponneuse : chaotique.
Il y a dans P’tit Quinquin une emprise du réel sur la fiction. Et cette infiltration créé ce résultat étonnant. Le véhicule, c’est le commandant Van Der Weyden. Cet homme est une abstraction. Un corps convulsant dans un cadre rigide. Celui qui devrait incarner la rigueur (le gendarme) est l’instrument d’une comédie brutale par son irruption dans un contexte dramatique. C’est tout le principe d’intrusion qui semble être au coeur de la série. Intrusion de corps démembrés dans des vaches, intrusion d’anomalies dans le paysage (les majorettes, l’homme cagoulé à l’enterrement, Chti’derman), intrusion de la comédie dans le drame, intrusion de l’amateur dans le professionnel, intrusion du réel dans la fiction (les fous rires, prises ratées).
P’tit Quiquin serait la réponse détraquée d’un auteur français au True Detective de Nic Pizzolatto. Un duo d’enquêteurs dans une voiture, sillonnant une région, face à l’horreur et une communauté excentrique naturellement. Une version désaxée de la recherche du mal, hantée par le spectre de la comédie. Une œuvre étrange et bordélique comme la célébration de l’enterrement. Seulement si la série cultive sa différence, elle ne le fait jamais au détriment de son histoire. L’invitation à rire est peut-être saugrenue mais le résultat, un peu inconfortable, offrira tout ce qu’une comédie peut apporter.
Bonjour,
Merci pour cette critique d’épisodes que j’ai découvert et apprécié avec un certain enthousiasme.
J’ai rarement vu une telle série, une « comédie étrange » comme vous la désignait, en France. Son côté « bordélique », la présence d’acteurs amateurs et des prises ratées rend chaque scène légère et imprévisible. Ce qui donne envie de voir la suite.
Je voulais aussi ajouter que, pour ma part, la série évite de tomber dans le pur vulgaire, et laisse émerger quelques moments très beaux (notamment lors du concours de chant) mais également très dur (l’enfant mutique jouant avec son arme vrai/fausse par exemple). Et les paysages du Pas-de-Calais sont mis en valeur.
Ca hypnotise, ça surprend, ça amuse, ça prend son temps, ça afflige…
C’est totalement cocasse et on se surprend à se dire, vivement la semaine prochaine pour voir ou tous cela va aller.
Bref, c’est broadchurch chez les ch’tis.
Petit regret: Des cours de diction ou des sous-titres n’auraient pas été du luxe par moment.