
Quand Harry rencontre son lit (Harry Quebert / TF1)
Voilà une minisérie qui entreprend résolument de vous faire glisser vers un profond sommeil en convertissant un roman pourtant efficace. Une prouesse « king-size » signée Jean-Jacques Annaud !
Avant d’être un somnifère télévisuel, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert est un roman publié en 2012 par le suisse Joël Dicker, qui sera notamment distingué pour l’occasion d’un grand prix du roman de l’Académie française ainsi que du Goncourt des lycéens. Un polar réussi à défaut d’être un récit brillant, un bon « page-turner » pour reprendre l’appellation anglo-saxonne. On y trouve surtout une habile mise en abîme sur le travail de l’écrivain par l’intermédiaire d’une confrontation entre deux générations d’auteurs face à leurs turpitudes… agrémentée, bien sûr, d’une affaire de meurtre.
Marcus Goldman est un jeune romancier qui a connu le succès dès son premier roman. Seulement voilà, il ne parvient plus à écrire et décide de retrouver Harry Quebert, son mentor et ancien professeur, lui-même auteur de best-seller, en espérant qu’il saura le guider vers l’inspiration. Quelques jours après leurs retrouvailles, le cadavre d’une adolescente disparue dans les années 70 est retrouvé dans le jardin de Quebert, lequel est aussitôt arrêté. Persuadé de l’innocence de son ami, Goldman se rend sur place, bien déterminé à le disculper.
La vérité sur cette adaptation, c’est que l’univers est méthodiquement retranscrit à l’image. L’essentiel de l’intrigue qui se déroule dans une petite ville côtière du New Hampshire a été soigneusement transposé, pour les besoins du tournage, au Québec. L’ambiance de petit patelin où tout le monde se connaît est adroitement reproduite. Annaud s’attarde sur une nature luxuriante qui ajoute le sel nécessaire pour relever le goût si particulier de cette région chère à Stephen King.
La composition du tableau est une chose. Encore faut-il y insuffler de la vie. Or notre Jean-Jacques Annaud national se perd dans de langoureux plans interminables et se prend les pieds dans le traversin de dialogues à dormir debout. Le montage est si monotone et dérisoire qu’il aura raison de la moindre once de vitalité du téléspectateur ou de la téléspectatrice en un temps record. Soulignons néanmoins qu’à sa décharge, Annaud doit meubler la bagatelle de dix épisodes, soit une durée bien trop longue pour un matériau original qui n’est pas si conséquent.
Au milieu de cette léthargie prolongée, Patrick Dempsey (Quebert) et Ben Schnetzer (Goldman) font ce qu’ils peuvent pour garder l’œil vif/ouvert. Les deux acteurs s’agitent tant bien que mal pour dissiper le marasme mais, sans remettre en question leurs talents respectifs, ils ne font pas vraiment illusion dès lors qu’ils prétendent pratiquer la boxe amateur. Leurs attributs capillaires prononcés devaient sans doute avoir plus d’importance que leur souplesse aux yeux des producteurs.
Les mauvaises langues diront que cette Vérité sur l’affaire Quebert s’inscrit idéalement dans la programmation déjà assommante des soirées (pas seulement) hivernales de la première chaîne. Plus honnêtement, il faudrait aussi relever la difficulté inhérente à l’exercice de l’adaptation d’un ouvrage littéraire. Certes, sauf qu’il suffit de se brancher sur MyCanal, de s’envoyer The Little Drummer Girl (conversion du pourtant délicat John Le Carré) et d’en prendre plein les mirettes pour se rappeler que c’est possible et accessoirement oublier sur le champ ce Quebert comme un mauvais rêve.
LA VERITE SUR L’AFFAIRE HARRY QUEBERT (TF1) Minisérie en 10 épisodes.
Diffusée sur TF1 à partir du 21 novembre.
Minisérie écrite par Lyn Greene & Richard Levine.
D’après le roman de Joël Dicker.
Minisérie réalisée par Jean-Jacques Annaud.
Avec Patrick Dempsey, Ben Schnetzer, Kristine Froseth, Damon Wayans Jr., Victoria Clark, Wayne Knight, Matt Frewer et Virginia Madsen.
Musique originale de Simon Franglen.
Visuel : La Vérité sur l’affaire Harry Quebert / Takashi Seida TM © MGM, Barbary Films & Muse Entertainment Enterprises.