Rage 2 : La vie en rose (fluo)

Rage 2 : La vie en rose (fluo)

Note de l'auteur

Sept ans après sa sortie sur la génération précédente, le mal-aimé Rage avait annoncé un comeback inattendu peu de temps avant l’E3 2018. Oublié de tous, Rage était un FPS ultra ambitieux qui avait malheureusement connu un développement chaotique à cause de l’utilisation de technologies innovantes mais non maîtrisées (Megatexture du moteur id Tech 5). Dopé aux amphétamines et au LSD, Rage 2 semblait faire table rase du passé et nous promettait beaucoup (trop peut-être) en associant des gros noms de l’industrie comme Avalanche Studios et id Software au développement. 

On the fury road again!

S’inspirant largement de titres comme Mad Max et Fallout, Rage 2 se déroule dans un univers post-apocalyptique (et oui, encore un…). Suite à la chute de l’énorme météorite « Apophis » en 2029, l’humanité a presque connu le même destin que nos amis les dinosaures. En réponse à la menace imminente d’extinction de notre espèce, les organisations internationales lancèrent juste avant l’impact un plan de survie appelé « Projet Eden» destiné aux meilleurs représentants de l’humanité. Cryogénisés et enfouis profondément sous terre dans des capsules (les fameuses Arches), les heureux élus patientèrent dans une sorte de longue hibernation dans l’espoir de reconquérir un jour notre planète bleue.

Afin de maximiser les chances de survie pendant l’hibernation, les habitants des Arches bénéficièrent également de l’injection de Nanotrites, une technologie ultra-avancée de nano-robots améliorant considérablement les capacités et résistances physiques de l’hôte. Mais dans ce nouveau monde toujours aussi impitoyable, certains humains avaient trouvé un moyen de survivre à la surface sans l’aide des Arches. Certains avaient reconstruit un semblant de civilisation, tandis que d’autres avaient sombré dans la violence et la folie.

Dans le premier Rage, le joueur se retrouvait dans la peau du silencieux Nicholas Raine, un ancien commando américain, choisi pour protéger les survivants de l’Arche 437. On devait alors faire face à des gangs de bandits, des mutants et surtout l’Autorité. Véritable dictature militaire aux relents nazis et disposant d’une technologie avancée, l’Autorité sous le commandement du Général Cross cherchait à restaurer l’ordre dans le Wasteland en imposant brutalement son hégémonie et en éliminant tous les survivants des Arches. Au cours de l’aventure, le joueur apprenait que l’Autorité était en réalité une faction renégate de l’US Army ayant pris le contrôle d’une Super Arche juste avant la catastrophe. Le Général Cross, l’ennemi principal dans Rage 2, sabota alors le Projet Eden pour que seules les Arches sélectionnées par l’Autorité s’ouvrent comme prévue. À la fin du premier épisode (attention spoilers), Nicholas Raine réussit à prendre le contrôle du Projet Eden et ouvra toutes les Arches. Face à cette nouvelle armée de survivants et la résistance, l’Autorité fut finalement battue.

Dans Rage 2, des dizaines d’années ont passé depuis la victoire contre l’Autorité. Cependant les Archéens ont abandonné le contrôle du Wasteland pour se retrancher dans des villes fortifiées. Durant ces trente années, le monde grisâtre de Rage a retrouvé des couleurs (flashy) et des nouveaux biomes comme des jungles luxuriantes, des marais poisseux et même la toundra. Comme on pouvait s’y attendre, l’Autorité et le Général Cross n’ont évidemment pas vraiment disparu et attaquent au début du jeu Vineland, la principale base Archéenne. Nous sommes désormais aux commandes de Walker (ça ne s’invente pas), un héros cette fois-ci tout sauf silencieux. Promu dernier Ranger du Vineland, Walker jure de venger la mort de son mentor et la destruction de sa ville. Mais tuer le Général Cross ne sera pas suffisant, le joueur devra également activer le mystérieux Projet Dague censé mettre un point final à l’Autorité.

Malgré son univers plutôt sympathique (que vous pouvez d’ailleurs retrouver dans des livres et comics) mais aussi clairement déjà vu, Rage 2 souffre d’un scénario prétexte qui tient sur un (mini) post-it. Le nouveau FPS de Bethesda échoue là où la série des Borderlands a toujours excellé avec son humour noir, car le jeu mise ici beaucoup trop sur le côté série Z bourré de clins d’œil à la pop culture. Alors certes, l’aspect délirant de Rage 2 vous arrachera souvent des sourires et parfois même un rire, mais toujours avec le sentiment que l’humour omniprésent est en réalité un cache misère pour une écriture extrêmement faible.

Un très bon FPS dans un mauvais open world

Pas de doute possible, Rage 2 est un shooter ultra nerveux et bourrin dans la plus pure tradition des jeux id Software. Clavier et souris en main (les FPS sur console c’est pour les hérétiques), les sensations sont bien là et réjouiront certainement les amateurs de FPS à l’ancienne comme Quake ou Duke Nukem. Habité par l’esprit du premier Rage (le windstick est de retour !) mais surtout du dernier Doom, le nouveau titre de Bethesda ne fait clairement pas dans la dentelle avec ses gunfights sanglants et terriblement jouissifs. Pour pimenter le tout, les développeurs ont rajouté deux mécaniques de gameplay, l’overdrive et des pouvoirs donnés par les Nanotrites, qui dynamisent encore plus les combats. Le premier est un boost temporaire débloquant une attaque dévastatrice pendant quelques secondes tandis que les Nanotrites ressemblent aux pouvoirs de notre combinaison dans la trilogie Crysis. En ayant cette impression d’être un superhéros quasi invincible, le joueur ressent vraiment une sensation de (sur)puissance, trop peut-être. J’ai trouvé Rage 2 un poil trop facile, surtout par rapport à son concurrent direct Far Cry New Dawn qui m’avait donné un peu plus de fil à retordre.

Si la partie purement FPS de id Software est sans surprise une réussite, le constat est plus mitigé sur le reste du jeu et notamment la partie open world dont s’est occupé Avalanche Studios. Faute d’une campagne trop courte (environ 8-10 heures) et clairement reléguée au second plan, Rage 2 souffre du même défaut que les anciens open world d’Ubisoft, à savoir le remplissage bête et méchant. Beaucoup trop grand, pas assez maîtrisé et surtout pas assez vivant (manque de NPC), le monde ouvert générique de Rage 2 m’a curieusement fait penser à celui de Sniper Ghost Warrior 3.

En accomplissant un nombre conséquent de quêtes annexes répétitives à la manière d’un Far Cry (nettoyage de camps, attaque de convois, courses de véhicules, recherche des Arches, loot de coffres…), Avalanche Studios a clairement privilégié l’aspect bac à sable avec énormément de grinding pour améliorer nos armes et les compétences de Walker plutôt que des missions scénarisées inévitablement plus linéaires mais ô combien plus enthousiasmantes pour le joueur.

Histoire de coller encore plus à l’ambiance Fury Road, le premier opus avait la particularité d’inclure la conduite (souvent pénible) de véhicules. En confiant une partie du développement au studio responsable de la bonne adaptation vidéoludique de Mad Max et surtout de la série Just Cause, Bethesda semble avoir eu une fausse bonne idée. En plus du véhicule principal que vous pouvez customiser, le joueur peut certes conduire à peu près tout ce qui roule ou vole mais les sensations de vitesse sont quasi inexistantes (les motos sont atroces…) et plombent au final tout l’aspect exploration du jeu.

C’est beau de loin mais…

S’il y a bien une chose qui détonne considérablement avec le précèdent opus, c’est la nouvelle direction artistique qui abandonne le filtre grisâtre au profit de couleurs flashy et de tons saturés. Pour faire simple, Rage 2 ressemble curieusement à du cyberpunk à la sauce post-apo, un résultat au final assez différent de Far Cry New Dawn.

Côté réalisation technique, Rage 2, développé sous le fameux APEX que nous avons déjà vu dans Just Cause 4 souffle le chaud et le froid. Le nouveau moteur maison de Avalanche Studio propose en effet de beaux effets de lumière et des explosions impressionnantes. Le jeu est loin d’être laid et même plutôt joli, le cycle jour/nuit est bien fichu et les décors variés nous offrent souvent de magnifiques panoramas. Mais tout comme le premier Rage, cette suite présente des textures pas très nettes ou baveuses, du clipping pendant la conduite de véhicules ainsi que des micro-freezes qui entachent la qualité globale du titre.

Sur les consoles Xbox One X et PS4 Pro, les graphismes tiennent facilement la comparaison avec la version PC qui reste évidemment la meilleure, et affichent sans problème le sacro-saint et indispensable duo 1080p/60 fps. À l’opposé, les versions PS4 et Xbox One de base sont beaucoup moins fluides (handicapant pour un fast-FPS) avec en prime des textures encore plus grossières, des gros ralentissements et un effet de flou assez dérangeant.

Conclusion

Rage 2 nous prouve une fois de plus que la formule classique du open world ne s’adapte pas à tous les genres. Sur le papier, ce mélange entre Mad Max, Borderlands et Doom aurait pu donner quelque chose d’excellent. En réalité, Rage 2 fait moins bien que chacune de ses inspirations. Faute de temps, d’argent ou d’ambition, le jeu souffre d’un manque de contenu intéressant avec une campagne solo beaucoup trop courte et une formule Far Cry qui commence sérieusement à s’essouffler. Au fil des heures, on se demande pourquoi Bethesda a imposé un fastidieux open world à un jeu qui n’en avait clairement pas besoin. Au lieu d’essayer de copier le génie des Borderlands, Rage 2 aurait gagné énormément en qualité et intérêt si les développeurs nous avaient livré une expérience plus linéaire à la manière des récents Wolfenstein.

Malgré tous ses défauts et une sensation de déjà-vu, Rage 2 reste un jeu plutôt correct avec des bases solides qui plaira sûrement aux fans de shooter hyper bourrin. La partie FPS réalisée par id Software est franchement amusante, les combats sont aussi jubilatoires que sanglants et nous feront patienter jusqu’à la sortie de Wolfenstein Youngblood et Doom Eternal.

Rage 2
Développeur : Avalanche Studio et id Software
Éditeur : Bethesda
Prix : 60 euros
Plate-formes : PS4 / XBOX ONE / PC

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