
On a vu… le pilote de Ray Donovan

« Ray Donovan, le monsieur Propre le plus prisé de LA. Bientôt dans votre salle de bains »… Photo Showtime
Ann Biderman, créatrice de Southland, est de retour (ouais !). Avec Ray Donovan, une nouvelle série dramatique qui réunit Liev Schreiber, Paula Malcomson et Jon Voigt (ouais !). Une création diffusée sur Showtime (houlà…). C’est un peu l’anti-Scandal : le premier épisode donne envie de donner sa chance à la suite.
Spécialiste des litiges en tout genre, préposé au sale boulot pour les plus fortunés, Ray Donovan travaille dans une Cité des Anges qui n’a jamais aussi mal porté son nom. Dans « son » Los Angeles, il n’y a presque que des paumés. Des gens parfois bouffés par la solitude, souvent privés de repères. Des hommes et des femmes qui errent, se défoncent, couchent à droite et à gauche. Et qui multiplient les conneries plus ou moins graves.
Dans cette espèce de jungle où personne n’est vraiment le bienvenu, Donovan (Liev Schreiber, solide) n’est pas le plus stable. Mais c’est peut-être celui qui connaît le mieux ses démons. Victime d’un pédophile quand il était gamin (comme ses deux frères, Terry et Bunchy), Ray est du genre taiseux. Il préfère les actes aux paroles, et c’est ce qui fait qu’il a autant de succès auprès de ceux qui l’emploient.
Parfois, il lui arrive de faire des mauvais choix, d’être happé par le troublant trou noir qu’est cette ville… mais il s’efforce de rester debout. Coûte que coûte.
La raison : Ray a une femme, Abbie (Paula Malcomson, excellente comme d’habitude) et deux enfants, et c’est ce qui compte le plus pour lui. C’est auprès d’eux qu’il trouve son équilibre : ils sont, à ses yeux, ce qui lui permet de ne pas complètement flancher. Du coup, quand Mickey, son père (Jon Voigt, en bonne forme), sort de prison et veut se rapprocher d’eux, Ray serre encore plus la mâchoire.
Pour lui, si son enfance fut un cauchemar, si sa sœur s’est suicidée à cause de leur histoire, c’est la faute du paternel. Pas question donc, de le laisser entrer dans sa maison. Sauf que Mickey est malin. Tordu et violent, aussi. Et qu’il est déjà trop tard.
Apparemment, Ann Biderman a un truc avec Los Angeles. Après en avoir exploré les quartiers les plus pauvres dans Southland, la voici qui part à l’assaut des zones les plus fortunées, tout aussi torturées. Ray Donovan pourrait s’imposer comme un très bon deuxième tome de sa radiographie de la mégalopole californienne. Mais pour cela, elle devra éviter un écueil de taille.
Lequel ? Ne pas tomber dans le piège des séries Showtime, qui donnent parfois trop dans la forme et pas assez dans le fond.
Je refuse de donner une lecture simpliste des choses, façon « HBO et AMC, c’est les nobles, Starz et Showtime, la plèbe ». Principalement parce que c’est facile. Ensuite parce que c’est partiel et partial.
Mais il faut dire ce qui est : sur Showtime, les séries ont parfois plus de mal à vieillir qu’ailleurs. Weeds, Dexter, Nurse Jackie l’ont montré. Et certaines créations ont parfois tendance à faire dans la transgression creuse, plus souvent branchouilles et horripilantes que solides.
Ray Donovan est un peu au carrefour de tout ça : on sent la patte Biderman, la maîtrise d’un auteur qui sait a priori où il veut aller. On est à des années-lumière de la posture faussement provocatrice de Matthew Carnahan dans le pilote de House of Lies par exemple. Dans Ray Donovan, on arrive à croire à cette nouvelle variation du héros sur un fil – et pas seulement parce que c’est une série dramatique là où House of Lies est une comédie.
La description de l’univers dans lequel se débat Donovan est aussi réussie : dans ces vies, il y a surtout du vide. Pas franchement de sens, peu de symboles auxquels s’accrocher. Le sexe est une monnaie comme une autre, la drogue circule partout… mais les conséquences de cette situation ne sont pas éludées de façon vaine. Et toutes les pièces d’un vrai drame familial sont bien posées dans le pilote.
Maintenant, la scénariste et sa bande devront faire attention. Ne jamais perdre de vue le propos de leur projet (une famille qui essaie de rester unie au milieu de la capitale des désaxés) et éviter les effets ringards. Sur le papier, la scène onirique dans laquelle Ray toise un portrait de Marilyn Monroe est une bonne idée. Dans les faits, c’est assez raté.
Qui plus est, le contexte décrit dans le pilote est bien chargé (1) : mieux vaudrait ne pas trop en rajouter côté « squelettes dans le placard », sous peine de virer assez vite au récit grand guignolesque.
Pour l’instant, l’ensemble tient. Il tient même bien. Pourvu que ça dure pendant treize épisodes, et même un peu plus.
(1) : La scène de l’arbre généalogique, dans la cuisine avec les enfants, rappelle que Biderman est parfois balourde dans son exposition des choses. C’était déjà le cas dans le pilote de Southland, quand Sherman lit des recommandations dithyrambiques dans le rapport de Cooper à son sujet, en fin de service… après un jour de travail.
Le pitch de base me fait tout de même penser à Michael Clayton.