
Revue de Presse : House of Cards, sur Netflix
David Fincher, Kevin Spacey, Netflix. Un attelage inédit à la tête d’une série pour un diffuseur qui l’est tout autant. Netflix, c’est le gros poisson de la VOD aux Etats-Unis. Et, avec ce projet, le fournisseur de contenu va devenir un lieu de création qui compte.
Netflix a tapé fort: un réalisateur A-list, des stars (Spacey, donc, mais aussi Robin Wright Penn), une adaptation d’un roman anglais de David Dobbs (qui a déjà bénéficié d’une adaptation par la télévision britannique par Andrew Davies, pour la BBC en 1990). L’histoire: alors que le nouveau président des Etats-Unis vient d’être intronisé, Frank Underwood attend dans l’ombre que le nouveau chef du monde libre lui donne un poste à sa mesure. Comme il l’a promis. Mais le président revient sur sa promesse et laisse Frank sur le bord de la route. Frank est alors bien décidé à se venger. En déboulonnant le président. Rien que ça.
Ça donne envie. C’est superbe. On reconnaît la patte Fincher, qui réalise le pilot (et pose les bases de la réalisation de la série). En regardant cette vidéo, on pense un peu à Zodiac. Mais on pense aussi à Profit, avec les apartés du personnage face caméra. On pense à plein de chose excitantes.
Et à d’autres, qui questionnent.
A quoi va ressembler House of Cards ? Traditionnellement, une série américaine est traitée comme un ensemble d’épisodes. Chacun tentant d’avoir sa propre identité, de générer chez le téléspectateur une sensation de clôture, mais lui donner envie de revenir la semaine suivante. Recette complexe, que les séries feuilletonnantes ne réussissent pas toutes. On le constate de plus en plus sur le câble: certaines séries sont pensées comme de longues histoires morcelées. Des histoires qui sont passionnantes quand l’écriture est maîtrisée, ou qui peuvent s’avérer plombantes et tirant sur la longueur quand ça n’est pas le cas.
Ici, pas de problèmes de diffusion sur 13 semaines. La série sera, logiquement (c’était le cas sur la création netflix précédente, LilyHammer), disponible entièrement d’un bloc. Les auteurs n’ont plus la structure imposée par la diffusion, ils peuvent encore plus composer une longue histoire de 13 heures morcelée, pas de souci : la série pourra être binge-watchée dès son premier jour d’exploitation.
Le succès de la démarche pourra peut-être continuer d’élargir le gouffre entre télé payante et télé gratuite. La première se concentrera sur les longs récits ambitieux (ou ampoulés, c’est selon), la seconde sur les procedurals sans intérêt (ou passionnants, c’est selon).
On espère juste que House of Cards sera une bonne série. Même si elle n’est pas, à proprement parler, une série télé. Rendez-vous le 1er février 2013.
Je suis peut-être vieux jeu mais entre les séries du câble qui oublient souvent de découper leur récit en épisodes (et préfère « couper » toutes les 45min) et cette nouvelle production diffusée d’un seul bloc, on perd ce qui faisait la nature et le charme de la série.
J’aime aussi bien la sensation de rendez-vous hebdomadaire que celui d’une récit séquentiel. La série est un art de la redondance, programmée pour revenir cycliquement. Casser cette routine, c’est un peu refuser le principe. Je sais bien qu’un genre doit évoluer, qu’il peut muter, oser une approche différente (quelque part, ce que fait des séries comme In Treatment ou Plus Belle La Vie) mais le bloc, j’ai souvent l’impression que c’est une tentative de combler une faiblesse dans la construction générale du récit(ex : certaines saisons de 24 s’en sortent bien mieux en mode marathon qu’au rythme de diffusion classique, la sensation de surplace artificiel est très atténuée).
Des séries comme ER, Buffy ou X-Files sont parvenus à ménager deux styles narratifs (loners vs mythologie). C’est devenu très rare aujourd’hui, des récits aussi maîtrisés, où l’on a la sensation d’avancer dans le récit, sans jamais courir après lui.
Cela ressemble quand même pas mal à un commentaire de vieux grincheux nostalgique…
En tous cas, la juxtaposition In Treatment/Plus belle la vie est vachement osée.