
Re-Anime : Afro Samurai: Resurrection (de Fuminori Kizaki)
Attention, faites place, le Re-Anime du jour envoie du très, très lourd. Burné, méchant, badass, les qualificatifs ne manquent pas lorsque l’on parle d’Afro Samurai. Après la série en cinq épisodes, voici la suite, sous forme de long-métrage. Et autant vous le dire, il restera longtemps imprimé dans vos rétines de cinéphiles déviants. Car oui, Afro Samurai: Resurrection est complètement dingue. Des samouraïs black, de la science-fiction, du hip-hop, du sang et du stupre, bref voici ce que la japanimation peut nous offrir de plus barré.
Si Quentin Tarantino s’adonnait aux joies de l’animation nippone, il aurait pu réaliser Afro Samurai: Resurrection. Un mash-up des plus casse-gueule entre chanbara, blaxploitation et sci-fi pour un résultat hautement jouissif qui nous en fout plein la tronche. Sortie en 2007, la série Afro Samurai, adaptation du manga éponyme de Takashi Okazaki, embrassait sans complexe sa thématique sur la vengeance avec un grand «V». Alors qu’il n’est qu’un enfant, Afro voit son père se faire tuer sous ses yeux par un assassin portant le bandeau de numéro 2. Seul celui qui le porte peut défier le détenteur du bandeau du numéro 1. A compter de ce jour, Afro n’a qu’un seul et unique objectif, retrouver celui qui a tué son père afin de laver son honneur et récupérer la place du numéro 1. Cette suite se base sur le même schéma, en allant toujours plus loin. Alors qu’il est considéré par beaucoup comme un véritable démon, avec des dizaines de morts sur la conscience, Afro semble avoir pris sa retraite. Mais quand la tombe de son père est profanée par la splendide et vénéneuse Sio, il se voit obligé de reprendre les armes, en l’occurrence son katana, pour que la mémoire de son patriarche ne soit pas salie. Une « revenge story » classique dans son approche mais complètement tarée dans sa mise en scène et dans son univers.
Dans un déferlement de violence, Afro, toujours aussi monolithique, arborant un coupe de cheveux hors norme, est prisonnier de sa croisade vengeresse. C’est bien connu, la vengeance appelle la vengeance et Afro Samurai l’illustre de manière radicale. Ce samouraï d’un autre genre, avance inexorablement vers son destin sur une route jonchée de cadavres et sur laquelle la mort rôde à chaque carrefour. Pour l’accompagner, son pote Ninja Ninja qui, par son bagout argotique, apporte une vraie dose d’humour et de décontraction dans ce monde oppressant et crépusculaire. Un Japon 2.0, cruel et violent, rempli de bordels et de prostituées où les traditions ancestrales et la voie du samouraï côtoient la technologie la plus avancée.
Ce qui change considérablement la donne avec Afro Samurai, c’est qu’il se paye un casting vocal de première classe. En effet, pour la série, comme pour le film, le trop rare studio Gonzo a fait appel à des acteurs américains pour la version originale et pas des moindres : Samuel L. Jackson, Lucy Liu ou encore Mark Hamill. Oui, oui, Luke Skywalker prête ici sa voix à deux personnages. Mais celui qui brille par sa prestation, c’est sans conteste Jackson. Il double également deux personnages et bizarrement ce n’est pas celui d’Afro, quasi mutique, qu’on retiendra mais bien celui de Ninja Ninja. L’acteur s’en donne à cœur joie et réussit une réelle performance. Ces deux personnages sont au final les deux faces d’une même pièce et Samuel L. Jackson leur donne vie avec brio. Pour compléter le tableau, la bande-son originale est signée RZA du Wu-Tang Clan. Ses compositions hip-hop injectent une bonne dose de coolitude et de groove et assoit définitivement l’aura OVNIesque du film. Bien évidemment, on songe à la série Samurai Champloo, greffe parfaitement réussie entre chanbara et culture hip-hop, mais Afro Samurai est plus radical et jusqu’au-boutiste dans son approche. On pense également au film Sword of the Stranger et surtout à Ninja Scroll auquel il fait un clin d’œil avec sa scène d’ouverture sur le pont.
Côté bad guys, Afro Samurai: Resurrection n’est pas en reste. On retrouve Jinno, découvert dans la série d’origine, toujours aussi flippant et troublant. Affublé d’un casque cybernétique/tête d’ours surdimensionnée, il apporte une bonne dose de what the fuck à l’ensemble. A ses côtés, Sio (la suave Lucy Liu) joue la bombasse psychopathe, prête à tout pour se venger d’Afro et elle fait preuve d’un sadisme et d’une perversion démente. Cela donne lieu à des confrontations délicieusement tordues, parfois solennelles et souvent émouvantes, à l’image de l’affrontement entre Afro et Shichogoro, détenteur du bandeau du numéro 2, lors d’une parade de rue. Le film ne manque pas de moments iconiques et la mise en scène de Fuminori Kizaki, qui s’est fait la main sur la série, donne une ampleur considérable à un récit relativement basique. Il fait preuve de nombreuses fulgurances graphiques et esthétiques et propose une expérience d’animation dont seul le Japon en a le secret. Avec un dessin agressif qui n’hésite pas à jouer avec les perspectives et son animation ultra-stylisée, Afro Samurai: Resurrection s’impose comme une bombe de la japanimation. Radical, barré et unique, il trouve une place de choix parmi les délires graphiques nippons tels que Redline et Dead Leaves. Putain que c’est bon !
Afro Samurai: Résurrection de Fuminori Kizaki (2009) – Studio Gonzo
Afro Samurai n’est malheureusement qu’une jolie coquille vide, pas la moindre profondeur, des personnages unidimensionnels médiocres, scénario inexistant qui n’est qu’une succession de combats sanglants sans la moindre cohérence, pas la moindre tension ou enjeu. Du vide recouvert de coolitude avec des productions values élevées, des noms connus américains, une animation à mi chemin entre anime et cartoon qu’on a vu dans de nombreux clips, en gros, un vrai blockbuster américain sans saveur.
Si ça c’est un anime radical, barré, unique (et pas juste un film de Vandamme fait avec le budget d’un James Bond, se prenant pour du Tarantino), que pense Mattieu Poitier d’oeuvres comme Kurozuka, Katanagatari, Texhnolyze ou Casshern Sins, des anime qui non seulement éblouissent visuellement, mais ont en commun d’avoir cette profondeur qui a toujours distingué l’anime du cartoon américain.