
Re-Anime : Gyo : Tokyo Fish Attack! (de Takayuki Hirao)
On sait que le manga et la japanimation regorgent d’œuvres nawesques, absurdes ou dérangeantes mais autant vous dire que rien ne vous prépare à Gyo: Tokyo Fish Attack. Un OAV horrifique complètement taré, sorte de cousin éloigné et nettement plus glauque du crétin Sharknado, qui laisse sans voix. Après l’avoir vu, vous risquez d’avoir une légère aversion pour les sushis… Vous êtes prévenus !
La jeune Kaori termine ses études à Okinawa en compagnie de deux amies. Un soir, en rentrant chez elles, elles se retrouvent face à un poisson sur pattes et qui dégage une odeur pestilentielle de corps en décomposition. Le lendemain, c’est toute l’île, et très rapidement tout le Japon se retrouve envahi par des poiscailles de tous les gabarits. De la petite friture aux monstrueux requins, en passant par les poulpes gluants, ce sont tous les animaux marins qui se retrouvent à arpenter les terres, attaquant aussi bien les animaux que les humains. En peu de temps, un étrange virus se répand et le spectateur plonge doucement dans une indicible horreur et observe la pauvre Kaori tenter de survivre, accompagnée de Shirakawa, un journaliste rencontré en chemin. Pour se lancer dans Gyo, il est bien de savoir où l’on met les pieds. À l’origine, il s’agit d’un manga de Junji Itō, véritable maître de l’horreur, à qui l’on doit Spirale, Tomié ou encore La Femme limace. Fortement influencé par l’œuvre de Kazuo Umezu (L’École emportée) et celle de H.P. Lovecraft, le mangaka a développé un univers étrange et dérangeant. Entre mutations et déformations corporelles et comportements compulsifs et irrationnels, Itō a su imposer son style aussi bien sur le fond que sur la forme. Ah oui, histoire de compléter le tableau, sachez que le monsieur avant d’être mangaka, était dentiste… Je dis ça comme ça.
Si le manga, nommé en compétition officielle à Angoulême, est sorti en 2006, l’OAV de l’inconnu Takayuki Hirao est lui sorti en 2012. À la production, on retrouve le petit studio Ufotable qu’on a pu voir à l’œuvre sur les animes Weiß Kreuz Glühen et Fate/Zero et il s’en sort franchement bien. Gyo glisse doucement vers un trip oppressant et franchement glauque dans la plus pure tradition Itō. En dehors de cette idée aussi absurde que flippante de poissons qui marchent à l’aide de pattes mécaniques, la contamination virale revêt des aspects plutôt trashy et effroyables. Le corps saturé de gaz nauséabond, les hommes et femmes se transforment en énormes et immondes ballons de baudruche. Bref, je vous passe les détails car les mots ne rendront pas justice à l’imagerie si tordue de Junji Itō. Tout au long des soixante-dix minutes, Gyo déroule avec le plus grand sérieux, un récit improbable à base d’expériences effectuées pendant la Seconde Guerre mondiale et de sushis sur pattes. Mais sa grande force, c’est de parvenir à transcender son concept un peu grotesque grâce à une mise en scène léchée et à une ambiance poisseuse et insidieuse. Le dessin tout comme l’animation sont excellents techniquement et donnent vie au cauchemar imaginé par l’auteur. Gyo: Tokyo Fish Attack! est définitivement un drôle d’objet, un truc barré comme seuls les Japonais savent faire, à mille lieux de ce dont on a l’habitude. Un trip aussi absurde que cauchemardesque. En un sens, indispensable.
Gyo: Tokyo Fish Attack! de Takayuki Hirao (2012) – Studio Ufotable