Re-Anime : Les Ailes d’Honnéamise (de Hiroyuki Yamaga)

Re-Anime : Les Ailes d’Honnéamise (de Hiroyuki Yamaga)

Note de l'auteur

Les_Ailes_d_HonneamiseDu studio Gainax, on retient essentiellement le mythique et cultissime Neon Genesis Evangelion. Pourtant, avant cela, le studio a sorti un premier film, que beaucoup ont tendance à oublier : le très réussi, Les Ailes d’Honnéamise. Nous sommes alors en 1987 et ce premier long-métrage d’animation, qui sera aussi le plus cher à son époque, fait preuve d’une incroyable ambition, tant sur le fond que sur la forme. Retour sur une petite pépite de la japanimation.

 

Presque dix ans avant que Shinji ne prenne contrôle de son EVA, le génial studio Gainax faisait déjà preuve d’une richesse d’idées et d’un savoir-faire incroyable. Avec son budget de plus de 360 millions de yens (hors promo), Les Ailes d’Honnéamise, sorte d’uchronie sur la conquête spatiale, était un premier projet imposant et risqué ; et lors de sa sortie japonaise, le film fut un échec assez cinglant. Pourtant, ses qualités sont nombreuses et il augurait à l’époque d’une très grande carrière pour le studio. Aux commandes du navire, on retrouve Hiroyuki Yamaga, l’un des fondateurs de la Gainax, qui nous offrira quelques années plus tard le barré Abenobashi.

 

L’histoire prend place dans le royaume d’Honnéamise, au sein de la section aérospatiale de l’armée. Elle a pour but d’envoyer le premier homme en orbite dans l’espace mais la chose n’est pas aisée. La Royal Space Force est raillée par la section aérienne et victime de nombreux échecs. Ses financements s’amoindrissent à vue d’œil. Lorsque est lancée la mission de la dernière chance, Shiro se porte volontaire, malgré les recommandations de ses camarades. C’est sa rencontre avec Riquinni, une jeune femme pieuse, qui va le conforter dans son envie de conquérir l’espace. Mais très vite, les ennuis s’accumulent pour Shiro et sa bande de têtes brûlées car le royaume traverse une grave crise socio-économique et militaire.

 

the-wings-of-honneamise-4Sur le fond, Les Ailes d’Honnéamise fait preuve d’une grande finesse et d’une vraie justesse. En dressant un parallèle entre élévation spirituelle et ascension physique, le film cible clairement un public adulte et lui offre plusieurs niveaux de lecture sur l’évolution de l’homme, son envie de tutoyer Dieu et son irrépressible besoin de faire la guerre, quitte à la faire dans l’espace. A la fois, fable politique, spirituelle, humaniste et sociale, le film fascine par son ampleur. La maturité du propos ainsi que l’exigence et le souci du détail apportés à l’univers, le rendent parfaitement crédible et palpable. Ce n’est pas notre monde – les coutumes, la religion ou encore les tenues vestimentaires diffèrent des nôtres – mais il est un parfait reflet de notre société. L’immersion est totale et on se laisse vite porter par ce cadre vraiment fascinant. Côté personnages, le film reste essentiellement focalisé sur Shiro, ce mec un peu je-m’en-foutiste et désabusé qui va enfin retrouver un sens à sa vie. On le suit au plus près dans sa quête existentielle, on l’observe évoluer, douter, parfois se perdre, quitte à devenir un outil de propagande pour un gouvernement peu scrupuleux. Ce personnage toujours bien dosé et jamais caricatural porte sur ses épaules un récit à la richesse incroyable.

 

Techniquement, alors qu’il a bientôt 30 ans, le film reste toujours aussi réussi. Le dessin ainsi que l’animation sont tout bonnement magnifiques. Sous la houlette du directeur de l’animation Hideaki Anno, l’ensemble est parfaitement fluide. La mise en scène est inspirée et les cadrages sont savants. Bref, le film n’a pas pris une ride et reste le porte-étendard d’une réelle maîtrise de l’animation, au même rang qu’un Akira qui débarquera 2 ans plus tard. Avec Les Ailes d’Honnéamise, Gainax a risqué gros et a failli ne pas s’en remettre. Mais force est de constater, trois décennies plus tard, qu’il a eu raison. L’ambition démesurée du film préfigure le trip existentialiste d’Evangelion et l’assoit définitivement comme œuvre fondatrice du studio, à côté de laquelle, on ne peut pas passer.

 

Les Ailes d’Honnéamise de Hiroyuki Yamaga (1987) – Studio Gainax

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