Re-Anime: Memories (œuvre collective)

Re-Anime: Memories (œuvre collective)

Note de l'auteur

da49357d89Dans la famille des omnibus (compilation de courts-métrages animés), je demande le troisième fils! Robot Carnival (Re-Anime ici), Manie Manie (Re-Anime ), Short Peace, Memories… Tout ces projets omnibus ont un point commun, une sorte de géniteur créatif hors-norme, le vénérable Katsuhiro Ôtomo. Ici, il s’affirme en chef d’orchestre, en supervisant les trois segments qui composent Memories et accouche d’une œuvre aux multiples facettes et renversante de maîtrise.

 

Qui dit omnibus, dit concentration potentielle de talents. Ce format permet à différents studios de prestige de coproduire des projets et à des sensibilités artistiques diverses de collaborer ensemble. Pour l’occasion, Memories sort le grand jeu puisque autour du studio 4°C, on retrouve également Ghibli, Madhouse et Gallop. Du côté du staff technique et artistique, les grands noms se bousculent: Satoshi Kon, Yoko Kanno, Koji Morimoto, Tensai Okamura et bien entendu, Katsuhiro Ôtomo, bref comme souvent sur ce type de projet, on a droit à la dream-team. Adapté d’un manga du papa de Akira, Memories se découpe en trois segments distincts avec un réalisateur différent pour chacun d’entre eux.

 

Le premier, intitulé La Rose Magnétique, est réalisé par Koji Morimoto, un grand habitué de ce format et écrit par Satoshi Kon (Paprika, Perfect Blue). Il nous projette en 2092, à bord d’un vaisseau-poubelle qui reçoit un étrange signal de détresse d’une gigantesque épave métallique. Une fois rentrés à l’intérieur, ces éboueurs de l’espace s’improvisent aventurier et se retrouvent en prise avec le fantôme d’une cantatrice déchue. Entre science-fiction et histoire de manoir hanté, ce premier court est d’une incroyable beauté visuelle. Le graphisme est d’une redoutable précision et l’animation, malgré ses 20 ans, est toujours aussi fluide et impeccable. Long de 45 minutes, il parvient à installer une véritable ambiance à travers ses somptueux décors, sa réalisation léchée et sa magnifique bande-son lyrique. Mais pouvait-il en être autrement avec une compositrice de la trempe de Yoko Kanno (portrait ici)?! On retrouve également la patte de Satoshi Kon dans ce récit où passé et présent, rêve et réalité ne font plus qu’un. Il y injecte son onirisme si particulier, fait de mirages et de songes parfois plus réels que la réalité elle-même. On se retrouve assez vite happé dans ce trip spatial et baroque qui allie maîtrise technique et créativité.

 

Stink bombLe second segment nous ramène les pieds sur Terre et n’a rien à envier au premier. La Bombe Puante est réalisé par Tensai Okamura, qui a notamment travaillé sur Ghost in the Shell, Ninja Scroll et Jin-Roh. Il nous offre un délire aussi absurde que génial autour d’un employé dans un laboratoire qui, après avoir ingérer une pilule test, se transforme en véritable bombe puante. Tuant absolument tout ce qui l’entoure, à l’exception des fleurs, le voilà seul face à toute l’armée prête à tout pour l’arrêter. Là encore, le film brille sur le plan artistique et parvient à mettre à l’amende beaucoup de productions récentes. L’histoire qui s’articule autour de cette confrontation invraisemblable d’un pauvre homme seul et victime des circonstances face à une armée entière nous offre 40 minutes pleines d’humour et menées tambour battant. Tout l’arsenal militaire mis en œuvre afin de protéger les populations, fait en définitive plus de dégâts que la menace elle-même. Complètement décalée et artistiquement maîtrisée et aboutie, cette seconde partie enfonce considérablement le clou d’une œuvre sans faille apparente.

 

943610cannon-fodder-2Arrive enfin Chair à Canon, le dernier segment, réalisé par Ôtomo, qui certainement, est le plus ambitieux et hallucinant d’un point de vue de la réalisation. Construit sous la forme d’un plan-séquence de 22 minutes, cette partie est un vrai défi technique et une prouesse artistique de haute-volée. Le mangaka nous plonge dans une cité organisée autour d’une seule et unique activité: tirer au canon sur un ennemi inconnu. De la S.F surréaliste et barré qui épingle l’absurdité de la guerre et aborde des sujets comme la propagande et le règne d’une terreur invisible. L’immersion est totale et la découverte de cette ville dédiée au culte du canon est carrément passionnante. Le soucis du détail en ce qui concerne les différentes machineries est incroyable et bien que le graphisme diffère de celui auquel on à l’habitude, on reconnaît instantanément la marque Ôtomo. Il délivre une fable pleine de folie et d’inventivité dans laquelle le regard d’un enfant se heurte à l’incompréhension d’un monde déshumanisé qui tourne à vide. Magistral!

 

Tout comme ses aînés, Manie Manie et Robot Carnival, Memories est un concentré d’animation, le confluent de sensibilités diverses qui aboutissent à une petite perle de la japanimation. Je dois l’avouer, les omnibus sont pour moi, de véritables objets de fascination. Déjouant tout les pièges et détournant tout les codes, ils sont des terrains infinis d’expression et de création. Ne se posant aucune limite sur la forme comme sur le fond, ils portent haut les couleurs de l’animation japonaise. Vive les omnibus, vive Memories.

 

 

 

Memories (1995) – Studio 4°C

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