Re-Anime: Tekkonkinkreet (de Michael Arias)

Re-Anime: Tekkonkinkreet (de Michael Arias)

Note de l'auteur

Ça fait longtemps que je voulais lui accorder un Re-Anime et ça y est, c’est chose faite ! Initialement un manga de Taiyô Matsumoto, sorti en 1993, Tekkonkinkreet (Amer Béton en français) s’est vu adapté au théâtre avant de débarquer au cinéma en 2006. Aux commandes de cette bombe animée, on retrouve, une fois n’est pas coutume, un américain nommé Michael Arias. Cet ancien collaborateur de James Cameron, qui vit au Japon depuis de nombreuses années, nous balance un film virtuose à la finesse et la poésie infinie. Un incontournable !

 

Tekkonkinkreet fait partie de ces œuvres renversantes de maturité et grâce. Un voyage aussi imprévisible que déroutant, qui propulse le spectateur en immersion dans un univers parallèle. Ici, c’est celui de Trésor-Ville, gigantesque mégalopole laissée aux mains des gamins des rues et des yakuzas. Surnommés les «Chats», Noir (Kuro en VO) et Blanc (Shiro), sont deux orphelins un peu fantasques qui se sont donnés comme mission de protéger leur quartier. Lorsque les yakuzas décident d’en faire leur territoire, Noir et Blanc compte bien les en empêcher quitte à rentrer en guerre contre eux. Michael Arias aidé par le studio 4°C nous balance une fresque urbaine au propos intelligent et réaliste et à la puissance graphique incroyable. Je vous en avais parlé dans le dossier sur le sujet, le studio 4°C, résolument moderne, s’est fait une spécialité de produire des projets hybrides et expérimentaux. Pubs, clips, omnibus, il cherche toujours à aller de l’avant en termes d’animation et à montrer toute sa diversité. Tekkonkinkreet s’inscrit complètement dans cette dynamique en affirmant sa singularité tant sur le fond que sur la forme.

 

En mixant influences japonaises et occidentales, Arias montre qu’il y a encore la place dans l’animation pour des projets couillus et créatifs, assumant leur part de noirceur. Sous ces airs de conte urbain, le film se mue peu à peu en une espèce de polar teinté de fantastique. Plus on avance en compagnie de Noir et Blanc, plus on s’enfonce dans leurs esprits tourmentés et une certaine forme de psychédélisme. Les deux enfants sont véritablement le Yin et le Yang du récit. Cette surprenante variation autour de la dualité est parfaitement maîtrisée et d’entrée de jeu, on les prend en affection. Le personnage de Blanc, enfant de 11 ans, ultra-sensible, vit constamment dans son imaginaire et fait preuve d’une sorte d’hyper-empathie envers tout ce qui l’entoure. Une vision de l’enfance pleine de tendresse et de profondeurs qui vient se heurter à une réalité cruelle et violente. Les scènes de bastons et d’actions sont carrément efficaces, percutantes et sans filtre. Tekkonkinkreet oscille entre les genres et les ambiances avec virtuosité.

tekkon-kinkreet

Le travail du studio 4°C d’un point de vue technique est impressionnant. A partir d’un graphisme simple et d’un chara-design succinct, le film se retrouve sublimé par une animation parfaitement fluide et rapide. Le mélange 2D/3D, rarement convaincant dans la japanimation en général, est ici une totale réussite. Les décors ne sont pas en reste et constituent même une importante pièce du film. Conçus par l’artiste Imperial Boy (portrait ici), ils sont d’une incroyable richesse graphique et confèrent à la ville une réelle identité. Montrée sous tous les angles, c’est autour de ce personnage inerte mais omniprésent, que tout gravite et c’est pour lui que le sang coule. Le réalisateur utilise au mieux le talent de l’artiste et magnifie son travail à l’écran. La profusion de détails dans les arrière-plans évoque les œuvres de Katsuhiro Ôtomo, bref c’est vous dire le niveau du monsieur.

 

Tekkonkinkreet est un film d’animation comme on aimerait en voir plus souvent. Loin des conventions graphiques, il a su s’imposer comme une œuvre assurément mature et ambitieuse. La richesse et la rigueur du propos, mise en valeur par une animation racée et complètement maîtrisée, le film de Michael Arias a tout pour lui et plus encore. Juste incontournable !

 

Tekkonkinkreet de Michael Arias (2006) – Studio 4°C

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