
Re-Anime: The Sky Crawlers (de Mamoru Oshii)
The Sky Crawlers est un étrange objet beau et contemplatif mais quelque peu désincarné. Mamoru Oshii nous convie à une uchronie introspective sur fond de combats aériens spectaculaires, pour ce qui reste à ce jour, son dernier film d’animation au cinéma. Quand Top Gun passe sur le divan…
Sorti en 2008 et tiré d’une série littéraire de Hiroshi Mori, The Sky Crawlers (Sukai Kurora dans la langue de Tezuka) est construit sur un futur alternatif dans lequel le monde est en paix. Mais afin de ne pas oublier la guerre et la souffrance, des sociétés militaires privées organisent des combats (dogfight) dans lesquels de jeunes pilotes prodiges assurent le spectacle au péril de leurs vie, pour divertir la population. Kanami est une jeune recrue de la compagnie militaire Rostock et fait la rencontre des autres pilotes avec qui il «jouera» à la guerre. A partir de ce pitch, on s’imagine des dogfights endiablés et de grosses montées d’adrénaline dans des scènes épiques, et si le scénario était tombé entre de mauvaises mains (coucou Hollywood), ça en serait certainement resté au niveau du simple pop-corn movie décérébré… Oui mais voilà, c’est Mamoru Oshii, réalisateur des cultes Patlabor et Ghost in the Shell et du cybernético-soporifique Avalon, qui est aux commandes. Et très clairement, lui ce qui l’intéresse c’est moins les scènes d’action que les scènes d’inaction. Mamoru Oshii est un metteur en scène de l’inaction, s’échinant à capturer les scènes en creux, là où il ne se passe pas grand chose. Ses personnages tentent de tromper l’ennui dans l’attente fatidique de prendre possession du cockpit de leurs avions. Alors, oui, il y a des scènes de combats aériens saisissantes de réalisme et à la mise en scène impeccable et racée mais pour un auteur comme Oshii, le réel intérêt ne réside pas là. Il préfère s’approcher de ses personnages, les observer, les décortiquer, capter leurs comportements afin de les comprendre.
Si on ne peut pas lui reprocher cette approche systématique dans son œuvre, elle trouve peut-être ici sa limite. Et oui, à se vouloir trop auteurisant et trop cérébral, on finit par frôler l’ennui. Contemplatif ne veut pas dire soporifique et autant être honnête c’est parfois le cas. La faute est en partie due à des personnages placides et désincarnés. Comme toujours chez Oshii, les protagonistes sont introvertis et la plupart du temps inexpressifs ce qui ne facilite pas l’identification, voir l’empathie. On essaie en vain de voir plus loin que ces masques figés mais rien n’est acquis de base. Ça n’enlève certes rien à la beauté et la précision du dessin mais c’est réellement dommage que les personnages n’est pas une plus grande palette d’expressions. Ils semblent subir les événements et deviennent acteurs de l’inaction. A ce titre, The Sky Crawlers est un objet intéressant mais froid, auquel il manque un supplément d’âme. Parfois hypnotique mais trop souvent frustrant, le film avance certaines cartes mais ne les utilise pas. On pense notamment au Professeur, pilote de renom appartenant à l’armée ennemie, présenté comme une légende, dont la seule évocation fait frémir mais malheureusement son temps d’apparition est proportionnel à l’attention que lui porte Oshii, aux alentours de 15%. Vraiment dommage de nous présenter un personnage vraisemblablement emblématique et à fort potentiel, si c’est pour ne pas l’exploiter plus.
Oshii n’arrive pas à trouver le juste équilibre entre scène d’introspection et phase d’action pure. En résulte une œuvre à la beauté glacée, difficilement abordable pour le grand public. Le graphisme ainsi que l’animation toute en fluidité sont une totale réussite. Toutefois, on est surpris au premier abord par le chara-design très épuré qui contraste avec les décors ou avec les engins s’inspirant de ceux de la Seconde Guerre Mondiale, aux designs très détaillés et précis. Les scènes de dogfights sont étourdissantes et intègrent à merveille la 3D à la 2D. The Sky Crawlers est destiné aux connaisseurs ou aux aventuriers de la japanim’. Mamoru Oshii continue de façonner une filmographie à son image, unique, complexe, saisissante et qui prend son temps à l’heure où tout le monde tente d’aller plus vite. A méditer…
The Sky Crawlers de Mamoru Oshii (2008) – Production I.G.