
#Recap : Fin de non-recevoir (Fargo 3.10 / FX / Netflix)
Cet ultime volet de Fargo confirme combien Noah Hawley a pris ses distances cette saison avec les canons de l’univers défini par le film des frères Coen. Il conclut un troisième acte qui déborde avantageusement de son Midwest immuable pour exprimer une position politique forte. Une transmutation certes inattendue, mais ô combien pertinente !
Attention : Ceci est un récapitulatif détaillé. Il s’adresse à un lecteur ayant vu ledit épisode !
Tous les récaps de cette saison sont accessibles ici !
Nous avions quitté Gloria (Carrie Coon) alors qu’elle en avait gros sur le cœur (voir épisode précédent). La voir déposer sa démission sur le bureau de son chef au tout début de ce final n’était donc pas vraiment une surprise. Mais le destin en décida autrement. Alors qu’elle quittait son bureau avec ses affaires personnelles, un coup de fil allait la remettre en selle. Larue Dollard — le contrôleur des impôts si bien nommé et interprété par Hamish Linklater — lui apprenait qu’il avait mis au jour une vaste conspiration financière à base d’évasion fiscale accompagnée d’un zeste de détournements de fonds. Surtout, il apprenait à Gloria qu’un certain V.M. Varga (David Thewlis) apparaissait sur les registres !
All right, wipe everything, we were never here.
Contrairement à ce que pouvait laisser entendre la petite note accompagnant les preuves reçues par l’agent Dollard, ce n’est pas Gloria, mais bien Nikki (Mary Elizabeth Winstead) qui avait ainsi mouillé Varga. Sauf que Nikki, toujours accompagnée de M. Wrench (Russell Harvard), prépare toute autre chose pour l’entrepreneur interlope.
Varga s’est d’ailleurs préparé. On ne l’a jamais vu à ce point entouré de sbires armés jusqu’aux dents, alors qu’il s’apprête à quitter définitivement la résidence Stussy. Un Emmit (Ewan McGregor), toujours à côté de ses pompes, lui signe une ribambelle de documents vierges sans se demander ce qui sera imprimé plus tard par dessus. Il tente bien de se rebeller après, mais sa naïveté abyssale a une fois de plus raison de ses maigres espoirs.
À croire que cette naïveté a toutefois une dimension contagieuse. Comment expliquer sinon que Varga se jette dans le piège grossier tendu par Nikki & Wrench, à l’encontre des recommandations de Meemo (Andy Yu) de surcroît ? Sans surprise, le massacre a bien lieu, mais Varga parvient à s’en tirer par une trappe. Nikki n’insiste pas, car son objectif principal reste celui qui est responsable de la mort de Ray.
You’ll need to file for chapter 11 immediately.
Et d’Emmit il est justement question ensuite, alors qu’il retrouve ses esprits dans sa demeure désertée. Avant de monter dans sa voiture, il se débarrasse négligemment du timbre qu’on lui avait collé sur le front (Varga ?). Le geste est pourtant symbolique. Rappelez-vous : il l’avait conservé en souvenir de ses premiers profits qui lui permettront plus tard de créer sa fortune.
Ce n’est donc plus illogique de le voir découvrir que la société Stussy, son empire du parking, est désormais entre les mains de la veuve Goldfarb (Mary McDonnell). Cette dernière était de mèche avec Varga et, magnanime, elle lui conseille de se déclarer en faillite. Selon elle, ses juteux profits ont été cachés en lieux sûrs…
Quand on retrouve Gloria, elle a rassemblé les dernières pièces du puzzle. L’agent Dollard lui a expliqué le stratagème financier de Varga et Winnie lui décrit la situation qui a coûté la vie aux sbires de Varga, Meemo compris.
Elle se doute aussitôt que Nikki va désormais s’en prendre à Emmit, mais elle arrive de nouveau après la guerre. Contre toute attente, l’ex-roi du parking a gardé une once de chance et échappé à un échange de coups de feu entre Nikki et un policier qui passait par là. Ce n’est toutefois que partie remise puisque, cinq ans plus tard, il est abattu par M. Wrench devant un frigo, soit pour le symbole, tout comme Ennis avait trouvé la mort !
Pendant ce laps de temps, Gloria a changé de badge. Elle est désormais affectée à la sécurité intérieure et quelle n’est pas sa surprise de voir arriver en provenance de Belgique un certain Daniel Rand, commercial en logiciel comptable — qui n’est autre que V.M. Varga bien sûr – alors qu’il tente de revenir sur le sol américain.
Gloria a le dossier copieux qu’il faut pour le coincer, mais Varga ne se démonte pas. Il lui promet qu’un de ses supérieurs va venir et lui dire de relâcher l’anguille. L’épisode se termine avec un plan sur la porte définitivement close. L’ambiguïté de cette fin qui rompt avec la conclusion habituellement heureuse de la série laisse tout de même penser que Gloria a eu gain de cause, son petit sourire en coin semble même le confirmer.
But there’s violence to knowing the world isn’t what you thought.
Juste avant l’ultime saut temporel, Gloria vient trouver son fils pour le prévenir de la violence du monde. Après tout, il s’agit du motif principal de Fargo. Mais les paroles de cette mère inquiète ont valeur d’avertissement. Au-delà des agissements néfastes de son antagoniste, elle tient à le prémunir face à sa philosophie pernicieuse.
Alors qu’il est pourtant accablé par les preuves, Varga trouve encore le moyen de contester ses fautes, en fin d’épisode. Toute la saison, il n’aura eu de cesse d’enfumer la réalité, la discréditant par tous les moyens à sa disposition.
Ce faisant, Noah Hawley s’attaque de toute évidence à Donald Trump et consorts. Il prend toutefois bien la précaution de ne pas le dénoncer sur un terrain partisan. Sa démonstration fait pourtant mouche alors que son personnage malfaisant emprunte le chemin glissant d’une pseudo post-vérité. En dénonçant ses stratagèmes pour créer un écran de fumée perpétuel, Hawley dresse un portrait cinglant d’une présidence hermétique à toute forme de prise de responsabilité, tout en ne perdant pas de vue sa détestable complaisance vis-à-vis d’un capitalisme sans foi ni loi.
Sans avoir l’ampleur de la saison passée, le casting était à nouveau remarquable cette année. Aux côtés de prestations attendues des Carrie Coon (Gloria) et Ewan McGregor (Ray + Emmit), Mary Elizabeth Winstead (Nikki) s’est imposée progressivement dans un rôle splendide qui déjouait toutes les attentes. Mais c’est surtout David Thewlis, magistral dans l’imperméable de l’infect Varga qui aura retenu l’attention. Il faudra faire très fort pour surpasser cette performance tout en sournoiseries et vomissures ! Sa nomination aux Emmy Awards n’est que juste récompense.
Alors était-ce la fin de la série ? tout comme le final de cette saison, la réponse est ambiguë ! Hawley semble vouloir continuer, mais il n’a pas forcément l’idée directrice en tête. Surtout, il a moult projets sur le feu. Jugez plutôt : un film sur Docteur Doom, la série The Mastermind pour FX (même s’il ne serait que producteur), une minisérie toujours pour FX adaptant Le Berceau du Chat de Kurt Vonnegut, la saison 2 de Legion (FX) ainsi que deux adaptations de ses propres romans…
Cela fait beaucoup pour revenir ne serait-ce qu’à moyen terme du côté de Fargo. Rappelons toutefois que FX ne s’en formalise pas. Louie se trouve également dans cette situation de hiatus indéterminé.
Remarque :
- Comme promis à Paul Marrane (Ray Wise), Nikki récite les vers qu’il lui avait demandé de dire avant sa revanche (3.08).
- Du côté du Minnesota, « aller chercher la salade » est une expression véridique qui consiste à rapporter un dessert gélatineux du frigo…
- Ce dernier épisode marque la fin de cette série de récapitulatifs. Merci d’avoir pris le temps de les lire ! Espérons qu’il y aura une saison 4.
Musique :
- « Fargo North Dakota » par Carter Burwell, extrait de la bande son du Fargo original après l’échange meurtrier entre Nikki et le policier.
- l’épisode se termine avec deux extraits de la pianiste bulgare Plamena Mangova interprétant ses variations de Beethoven (éditées chez Fulga Libera).
FARGO (FX) épisode 3.10 Somebody to Love
Disponible chez nous sur Netflix.
Série créée par Noah Hawley.
Épisode écrit par Noah Hawley.
Épisode réalisé par Keith Gordon.
Avec Carrie Coon, Ewan McGregor, Mary Elizabeth Winstead, David Thewlis, Olivia Sandoval, Russell Harvard, Hamish Linklater, Mary McDonnell, Graham Verchere, Michael Stuhlbarg, Linda Kash et Andy Yu.
Musique originale de Jeff Russo.
Visuels : Fargo © MGM & FX
Merci pour ces récapitulatifs et tes analyses.
N’hésite pas si d’autres séries te titillaient.
Ravi de lire tes encouragements ;o)
(je fais actuellement Twin Peaks s3)