Récap : Godspeed (The Handmaid’s Tale 2.01 & 2.02 / Hulu / OCS)

Récap : Godspeed (The Handmaid’s Tale 2.01 & 2.02 / Hulu / OCS)

Note de l'auteur

C’est bien peu de dire que cette saison 2 de The Handmaid’s Tale était attendue de pied ferme. Mais l’impatience s’envole bien vite alors qu’intensité et émotion fusent dès les premières minutes. Récapitulatif de ce retour à Gilead.

Attention : ceci est un commentaire détaillé des deux premiers épisodes de la saison 2. Il s’adresse à une lectrice ou un lecteur ayant vu lesdits épisodes.

Nous avions laissé Offred (Elisabeth Moss) dans un camion en route vers une destination inconnue. Il y avait même toutes les raisons d’être pessimiste sur l’issue de ce voyage puisqu’elle venait de s’opposer à tante Lydia (Ann Dowd) en refusant de lapider Janine (Madeline Brewer). Se faisant, ce sont toutes les servantes qui avaient suivi son exemple dans un formidable affront qui ne pouvait rester sans suite.
Il n’est donc pas étonnant de voir Offred et ses camarades servantes réunies, molestées et poussées vers la pelouse d’un stade laissé à l’abandon. Ce qui est plus surprenant par contre, c’est de découvrir qu’un échafaud assorti de cordes à pendaison les y attend. Après coup, on se dira qu’il aurait été absurde pour le régime de Gilead de se séparer de son trésor (ses femmes fertiles), mais sur le moment, la surprise et le désespoir des femmes en rouge se transmettent si puissamment qu’il n’y a pas de place pour le doute. Le subterfuge fait son effet et tante Lydia peut venir parader, micro en main, pour réaffirmer son autorité. Quelques minutes à peine se sont écoulées et l’asphyxie nous paralyse déjà, quelle reprise !

Let this be a lesson to you.

L’une des grandes questions soulevées par la saison 1, également très survolée par le roman de Margaret Atwood, consistait à savoir comment la mouvance des « Fils de Jacob » est arrivée au pouvoir. Une série de flash-back centrée sur June, son mari Luke (O. T. Fagbenle) et sa fille Hannah (Jordana Blake) vont se charger d’introduire l’événement charnière. Mais avant cela et alors que le couple envisage d’avoir un autre enfant, de petits détails viennent hérisser notre échine. June ne peut plus librement accéder à la pilule contraceptive et doit fournir la signature de son mari. Puis, lorsque sa fille est découverte fiévreuse à l’école, elle doit également subir un véritable interrogatoire, remettant ainsi en cause de manière pernicieuse son droit à être une maman active.
Lorsque mère et fille retrouvent Luke à leur domicile, les événements se bousculent sur les chaînes d’information. Washington DC est touchée par des attentats, plusieurs tireurs faisant feu du côté du Capitol et une explosion secouant la Maison Blanche. On devine (et l’épisode suivant semble le confirmer) que ces événements vont déclencher le basculement institutionnel.

L’usage des allers et retours dans le temps prend tout son sens dans cette série. Ils permettent de fixer le décalage de mode de vie subit par ces personnages et nous ramènent par la même occasion au plus près de la fiction. Car l’exercice de la dystopie peut également créer une distance et faire oublier son sens premier de réalité déformée. Les multiples repères temporels servent ici à nous remettre au contact de The Handmaid’s Tale, à nous rappeler sa cruelle proximité.
Cruelle comme cette séance de lavage de cerveau durant laquelle les servantes sont tenues de brandir une pierre à bout de bras sous la pluie, périodiquement rappelées à l’ordre par une tante Lydia et sa matraque-taser (ce qui, en passant, est limite absurde dans ces conditions météorologiques).

She has been filled with His divine light.

Mais tante Lydia est interrompue. Elle apprend qu’Offred est enceinte. Cette dernière est automatiquement extraite du chemin de croix et à droit à son plateau repas. Offred, sentant le vent tourner, pense alors pouvoir faire tourner en bourrique sa tortionnaire en refusant son potage. Mais tante Lydia en a vu d’autres et l’accompagne jusqu’à une ex-servante enceinte, tout simplement enchaînée pour s’assurer qu’elle ne nuise pas à son futur enfant. Offred doit se résigner et trouver l’appétit alors qu’Ofrobert est littéralement attachée à une gazinière…

On rejoint ensuite Offred lorsqu’elle retrouve Serena (Yvonne Strahovski) et le commandant Waterford (Joseph Fiennes) lors d’une échographie. Le couple peut se réjouir de voir que « leur » enfant se porte bien. Mais la fin de l’épisode réserve une belle surprise : après l’examen, alors qu’Offred se rhabille, un infirmier quitte la pièce et la salue en l’appelant par son vrai prénom. Elle trouve ensuite une clé dans sa chaussure et un chemin balisé par des marques rouges. Au bout de ce périple, elle retrouve Nick (Max Minghella) qui avait donc orchestré son extraction et se sépare de ses attributs de servante, y compris de l’anneau greffé à son oreille, au prix d’une incision pour le moins sanglante.

May He bless us with…

Le souffle court, vous enchaînez sans transition sur l’épisode 2, en ramassant vos émotions éparpillées, ou peut-être vous faut-il digérer, laisser le temps faire son œuvre, avant de passer à la suite. Vous suspectez que ce qui va suivre sera du même tonneau et le visionnage va confirmer votre intuition. L’intensité émotionnelle ne faiblit pas mais ce second volet est un tout autre animal.
Voici venir Les Colonies, ce no woman’s land dans tous les sens du terme, puisque les travailleuses qui y sont condamnées sont déchues de leur statut. Les Unwomen (titre de l’épisode) tentent d’extraire, à la pelle, une pollution de surface, dont on ne connaît pas la nature pour l’instant.
On y retrouve Emily (la formidable Alexis Bledel) qui prend le temps le soir venu, en plus des journées de labeur, de soigner ses congénères avec les moyens du bord.

Son dévouement est admirable et semble ne pas avoir de limite, notamment lorsqu’elle prend soin d’une épouse (Marisa Tomei), condamnée pour adultère, qui vient de les rejoindre. On comprendra plus tard que le dévouement d’Emily était, dans ce cas précis, un leurre. C’est finalement un empoisonnement en bonne et due forme qu’elle a administré à la nouvelle. Mais bientôt une autre condamnée la remplacera, cette fois-ci bien plus chère au cœur d’Emily. L’arrivée de Janine indique à coup sûr que nous n’en avons pas fini avec les colonies…

So you thought it was time to hide the dykes.

À la manière d’un miroir, ce deuxième épisode introduit « la vie d’avant » d’Emily comme l’épisode précédent le faisait pour June. On la découvre elle aussi sur son lieu de travail — elle est professeur de biologie à l’université. Elle est également mariée et mère d’un enfant. Mais l’histoire d’Emily emprunte une autre forme d’oppression. Elle nous apprend que la photo de famille en fond d’écran de son téléphone, ces deux mères avec leur fils, oblige son supérieur, Dan (le toujours excellent John Carroll Lynch), à lui intimer d’arrêter l’enseignement pour l’isoler (traduisez : la mettre au placard) dans un laboratoire de recherches.
Plus tard, la suite de ces flash-back nous feront comprendre que la situation des gays et lesbiennes est devenue intenable. Dan est retrouvé pendu à l’université et la séquence suivante voit Emily, sa femme (Clea DuVall) et son fils tenter de prendre un vol pour fuir le pays. Mais le passeport d’Emily ne lui permet pas de voyager et elle doit faire ses adieux dans une scène proprement bouleversante.

Bouleversée, c’est aussi l’état d’esprit de June quand elle comprend la vraie nature de sa nouvelle planque. Nick a fait en sorte qu’elle soit déplacée dans les anciens locaux du Boston Globe. Le vaste lieu n’est d’emblée pas de nature à la rassurer. Mais en explorant ses confins et en particulier la chaîne d’imprimerie, elle s’aperçoit que l’endroit a servi à exécuter ses anciens occupants à la fois par des pendaisons, dont il reste les cordes, mais aussi par des exécutions, un mur criblé de balles étant parfaitement explicite pour l’indiquer.
Alors, quand Nick vient prendre de ses nouvelles, June ne peut retenir ses émotions. Elle lui réclame ses clés de voiture, démarre le véhicule mais n’ira pas plus loin. Comment s’extraire d’une ville où elle se doute bien qu’elle est activement recherchée ? Peut-elle quitter le pays en laissant sa fille derrière elle ? Peut-elle aller la chercher sans vraiment savoir où elle se trouve ? Elle cherche ensuite le réconfort dans les bras de l’œil/espion, et décharge toute sa frustration en exerçant sur lui des gestes de domination (elle empoigne les cheveux de sa nuque).
On quitte June alors qu’elle improvise un autel à la mémoire des défunts le long du mur des exécutés, ainsi qu’une prière. Vivement la semaine prochaine.

After a while, crocodile.

Ces deux épisodes aux accents brutaux et émotifs replacent immédiatement The Handmaid’s Tale sur les bases de la première saison. Au centre de cette réussite et au-delà du sujet très fort — j’y reviens juste après —, il y a ces performances d’actrices remarquables. Le travail d’Elisabeth Moss, dont la propension à passer subrepticement du regard de défiance à la résignation (les scènes avec Tante Lydia) n’est rien d’autre qu’un tour de force.
Mais il faut aussi se réjouir du retour d’Emily dont Alexis Bledel impulse une touchante émotion. L’actrice de Gilmore Girls n’avait laissé personne indifférent en quelques scènes seulement durant les premiers épisodes. Elle brille considérablement dans ce deuxième épisode pour entretenir l’idée qu’elle n’est plus un simple personnage secondaire.

N’était-ce toutefois pas trop intense ? Le tableau n’est-il pas trop saturé de noir (certains évoquent une « torture pornographique ») après deux épisodes très anxiogènes ? Après tout, la dystopie ne fonctionne-t-elle pas mieux lorsqu’elle laisse également transparaître une dose d’espoir ?
Ces questions se posent évidemment dès lors que la série embrasse un récit qu’il faut bien associer avec le genre de l’horreur. On a sans doute trop vite fait d’oublier que The Handmaid’s Tale n’est pas forcément la plus accessible possible. Il est certain que l’on ne pourra pas qualifier cette entame de second opus de vouloir ratisser large.
On sera tout de même ici un peu pointilleux sur les choix de mise en scène. Si Reed Morano (qui réalisait les premiers épisodes de la série et qui ne participe pas à cette saison 2) avait su créer une atmosphère propice, les effets employés n’étaient pas toujours très inspirés (des ralentis complaisants et même quelques effusions de sang en postproduction assez grossiers).

Quoi qu’on pense de la forme, la série est plus que jamais connectée avec notre réalité. La tenue des servantes écarlates est devenue un symbole vestimentaire de protestation assez unique, notamment pour le combat des femmes (essentiellement aux États-Unis mais pas uniquement) contre les limitations de l’avortement.
La parade des agents de l’immigration (les gilets estampillés ICE) à l’aéroport rappellent avec force les différentes problématiques migratoires qui concernent régulièrement notre actualité.
Le choix des mots employés touche juste également. Le compagnon de Dan qui parle de lui comme d’un « collaborateur » nous renvoie forcément à une réflexion sur nos propres comportements quotidiens face aux libertés à défendre.

Mais l’expansion de la série (avec l’ajout des colonies) doit aussi permettre d’en développer les enjeux. The Handmaid’s Tale doit aussi être un sujet environnemental et social de manière plus générale. C’est tout l’intérêt de la dystopie que de pousser les curseurs et de montrer l’étendue des conséquences écologiques envisageables.
La série peut-elle également se priver à nouveau d’ignorer le caractère raciste du Gilead original dépeint dans l’œuvre d’Atwood ?
Enfin, et c’est peut-être un vœu pieux, il y aurait aussi une forme de logique à amplifier une critique, ou tout du moins une remise en cause de la lecture religieuse défendue par la secte. C’est une position qui se signale plus nettement dans le roman de Margaret Atwood, même si en filigrane, et qui pourrait ici trouver un écho face aux prêches des « Fils de Jacob ».

Voilà donc matière à espérer pour le reste de la saison. Mais que cette entrée en matière fut de toute beauté !

 


 

Musique :

La supervision musicale change avec cette saison 2. Michael Perlmutter laisse sa place à Maggie Phillips (Legion, Counterpart) et la transition est déjà très significative puisque l’on peut y entendre des artistes comme le vénézuélien Arca ou encore l’américaine Grouper en lieu et place d’une utilisation un peu convenue des Simple Minds ou Nina Simone.

  • This Woman’s Work par Kate Bush
  • Going Back to Where I Belong par Sugar Pie Desanto (générique de fin du 2.01)
  • Piel par Arca
  • I’m Clean Now par Grouper

 

Remarques :

  • Le stade dans lequel les servantes sont amenées au tout début du premier épisode n’est pas n’importe quel stade. Il s’agit de Fenway Park, lieu dédié à l’équipe de baseball des Red Sox. Vous me direz que le choix d’y imposer cette scène est assez logique compte tenu du fait que l’action se déroule à Boston. Mais le stade est un symbole, notamment parce que c’est la plus vieille enceinte en activité dans le championnat de la MLB.
  • Le principe de la fausse exécution est très tristement un cérémonial qui n’a rien d’imaginé par les auteurs de la série. Bruce Miller commente pour le Harper’s Bazaar les différentes recherches effectuées sur des mise sen place équivalentes bien réelles.
  • Les colonies font donc leur apparition dans le deuxième épisode. Peu de détails accompagnent ce paysage de fin du monde dans le livre de Margaret Atwood. C’est à peine si l’on peut imaginer là une référence à l’empire anglais qui envoyait ses prisonniers dans les colonies, en particulier l’Australie. La série, quant à elle, est tournée au Canada, du côté de Toronto et Vulture d’expliquer comment une ancienne carrière a été transformée pour l’occasion avec de nombreuses photos de tournage.
  • Ici commence ainsi cette série de récapitulatifs pour une deuxième saison de The Handmaid’s Tale qui démarre intensément. N’hésitez pas à commenter. Bonne saison à toutes et à tous.

 

Liens :

  • Bruce Miller, showrunner de la série, commente les débuts de cette saison 2 pour le LA Times.
  • Le producteur de la série, Warren Littlefield (qui produit également Fargo, tout de même) commente le rapport de la série à l’actualité pour The Wrap.

 

THE HANDMAID’S TALE (HULU) saison 2 en 13 épisodes,
Diffusée en US+24 et VM sur OCS depuis le 26 avril.
Épisodes 2.01 (June) & 2.02 (Unwomen).
Série créée par Bruce Miller.
D’après le roman de Margaret Atwood.
Épisodes écrits par Bruce Miller.
Épisodes réalisés par Mike Barker.
Avec Elisabeth Moss, Joseph Fiennes, Yvonne Strahovski, Alexis Bledel, Madeline Brewer, Ann Dowd, Max Minghella, Clea DuVall, Tattiawna Jones, Nina Kiri, Soo Garay et Jordana Blake.
Musique originale d’Adam Taylor.

Visuels : The Handmaid’s Tale © George Kraychyk / Hulu

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