
Récap : Papaya (The Handmaid’s Tale 2.05 / Hulu / OCS)
C’était l’un des grands enjeux de cette saison 2. Comment la série allait-elle prolonger l’œuvre au delà du roman de Margaret Atwood ? Ce cinquième épisode démontre justement que le matériau original de l’auteure canadienne a encore de quoi nourrir la série, notamment via cette cérémonie marquante. Récapitulatif.
Attention, ce qui suit est un commentaire détaillé ; il s’adresse à un.e lect.eur.rice ayant vu ledit épisode.
Nous avions laissé une Offred (Elisabeth Moss) marquée (voir récap précédent) par son retour chez les Waterford et le discours tordu d’une tante Lydia (Ann Dowd) particulièrement en verve ! On la retrouve ici dans la continuité de cet état d’esprit alors qu’elle commence à brûler, en pleine nuit, dans l’évier de la cuisine, les lettres des servantes collectées par la résistance. Nick (Max Minghella) l’interrompt, récupère les traces écrites intactes et se fait du souci (on le comprend).
Le lendemain, on constate que tante Lydia ne va décidément plus lâcher Offred. Elle est déjà là aux premières heures pour peser la femme enceinte, mesurer sa hauteur fundale (voir rubrique remarques ci-dessous) et s’enquérir de ses passages au petit coin, ce que Serena (Yvonne Strahovski) semble savoir avec précision d’ailleurs ! Une Serena qui commence à saturer quant à la présence constante de la tante (on la comprend aussi) et ne se gêne pas pour le lui faire savoir en glissant qu’elle se fie plus à son médecin de famille.
She’s quite unlike herself.
D’autant plus que la suite va démontrer que les examens de la tante sont effectivement superficiels. Offred découvre qu’elle a des pertes de sang et semble s’en détacher de manière inquiétante. Serena remarque bien qu’elle a changé de comportement mais se contente de lui reprocher son manque de loquacité lors d’une promenade. En fait, c’est surtout Nick (Max Minghella) qui tente d’attirer l’attention de l’épouse sur la santé mentale de la servante.
Serena a sûrement ressenti le changement d’attitude d’Offred mais elle va d’abord réagir en réaction aux sentiments de Nick. Elle balance ainsi sournoisement, au nez et à la barbe du commandant (Joseph Fiennes), un sous-entendu concernant le chauffeur. C’en est trop pour Fred qui cherche alors à obtenir une promotion pour éloigner Nick. Pryce (Robert Curtis Brown) refuse mais les commandants ont un autre coup tordu en tête…
Dans les colonies, c’est Emily (Alexis Bledel) qui cherche à protéger Janine (Madeline Brewer) d’un coup tordu. Chaque matin, les ex-servantes comptent combien que leurs camarades d’infortune ne se réveillent pas. Emily tente de lui faire comprendre que la foi débordante de Janine ne lui évitera pas de souffrir ici. Cette dernière se croit pourtant à l’abri et explique à Emily que Dieu lui a déjà sauvé la vie deux fois.
We come here. We work. We die.
Dans cette opposition de philosophie de vie, difficile de ne pas soutenir la vision d’Emily, qui semble encore avoir la tête sur les épaules, même si ses dents se défilent. Pourtant, Janine va faire preuve de bienveillance en proposant à deux autres condamnées qu’elles s’unissent par le mariage. Kit (Novie Edwards) et Fiona (Soo Garay) convolent donc alors que la première est souffrante et décédera la nuit suivante. Emily, d’abord inquiète par une possible sanction des tantes suite à l’union, s’aperçoit finalement de l’importance de l’acte.
Il est aussi question de mariage à Gilead mais dans de toutes autres proportions. Toutes les strates de Gilead (Commandants, Épouses, Servantes et Marthas) viennent assister en ce jour de Thanksgiving à une « Festivoraison » (terme issu de la traduction du roman pour remplacer « Prayvaganza »). Pryce y célèbre tout simplement un mariage de masse durant lequel des gardiens triés sur le volet, dont Nick, se voient mariés à des jeunes femmes / adolescentes, tout d’abord voilées.
Prayvaganza, not one of the commander’s better efforts, if you ask me.
On fera ensuite la connaissance de la nouvelle femme de Nick. Elle se nomme Eden (Sydney Sweeney) et vient d’un milieu rural. Le commandant est aux anges et fait péter le champagne. Plus tard, whisky en main, il ne manquera pas de pérorer pour bien faire comprendre à Nick que c’est bien lui qui a « intercédé » en sa faveur ! Pendant ce temps-là, une Serena glaciale installera la nouvelle femme de la maison en prenant bien soin de s’assurer qu’elle est prête à « accueillir » son mari.
Toute la séquence du mariage collectif fait son petit effet mais l’épisode va se terminer par un rebondissement encore plus bouleversant. L’ensemble de l’épisode est constellé de passages durant lesquels Offred s’enfonce dans une fragilité de plus en plus alarmante. Il y a bien sûr ce passage où on l’aperçoit dans une baignoire ensanglantée. Rita (Amanda Brugel) remarque également qu’Offred est sujette à des vertiges lorsqu’elle se redresse. Mais face à tout cela, elle semble s’abandonner à une finalité qui s’installe progressivement de manière inévitable, pour s’achever à l’extérieur de la maison. Nick trouve en effet Offred inanimée sous la pluie.
You’re tough, aren’t you?
Il ne peut s’agir que d’une fausse couche. C’est en tout cas l’essence même de ce que les auteurs ont cherché à nous instiller dans la conscience. Le retournement de situation peut alors nous cueillir avec une désarmante facilité. Offred (ou bien peut-être pouvons-nous à nouveau dire June) ressent toujours la présence de son enfant. Et, dans un retour de combativité que l’on n’attendait plus, June trouve là une cause à défendre et promet à son futur enfant qu’elle va les sortir de là !
Voilà qui donne enfin un peu d’espoir après une descente aux enfers, en deux temps, mentalement puis physiquement (dans cet épisode) pour June. Ce retour de bâton à Gilead pose la question de la direction narrative de la série. Après nous avoir fait goûter à la révolte de June, The Handmaid’s Tale peut-elle revenir indéfiniment au chaos de l’oppression perpétuelle ? Je ne crois pas, et c’est toute la difficulté qui se présente face aux auteurs : comment distiller l’absurdité de ce régime sans obstruer toute possibilité d’une lueur d’espoir, à long terme, de surcroît.
Dans cette optique, le mariage de Nick a le mérite de rebattre les cartes. Les positions bien installées de chacun des personnages au sein de la demeure des Waterford avaient cruellement besoin de cette nouvelle arrivante pour imposer enfin une nouvelle dynamique. L’arrivée d’Eden va forcément tout changer et c’est, sans conteste, un joli coup des auteurs.
On surveillera notamment l’évolution du commandant qui a perdu toute l’ambiguïté qui l’animait en saison 1. Il n’est plus la figure patriarcale, représentant l’absurdité de Gilead. Il a également perdu sa relation officieuse avec Offred et se complait dans une jalousie franchement pathétique.
Enfin, remarquons que c’est un épisode sans flash-back. Le procédé, fondamental pour la série, ne manque pas dans un épisode qui est suffisamment lesté par des séquences d’ores et déjà cruciales. Son absence pose toutefois la question de la forme de la série. Est-elle déjà installée sur une structure ronronnante ou peut-elle s’offrir des embardées qui sortent des canons de la série ? La saison, allongée à 13 épisodes, doit en principe offrir la place pour des volets différents.
Musique :
- Un seul titre mais quel titre que ce Heading Home issu du troisième album de Julianna Barwick. Une très belle découverte que cette artiste née en Louisiane et désormais basée à Brooklyn.
Remarques :
- Serena bave un peu lorsque Tante Lydia utilise un cahier et un crayon. Il faut croire que l’écriture est bannie même pour les épouses.
- Parmi les mesures qu’elle note concernant la grossesse d’Offred, Tante Lydia y inscrit la Hauteur Fundale. C’est une mesure (ou plutôt une estimation dans le cas présent) de la taille de l’utérus. Cela donne effectivement une indication de la croissance du bébé, tout en sachant que la donnée n’est pas toujours significative en fonction des morphologies.
- Question à 10 000 : si vous savez pourquoi les épouses semblent avoir deux teintes de couleur bleu-verte pour leurs tenues, je suis preneur ?
- C’est une ancienne rabbin qui pratique la cérémonie unissant Kit et Fiona dans les Colonies. La série n’évoque pas trop les autres confessions, mais dans l’œuvre de Margaret Atwood, les juifs qui ne renoncent pas à leur religion sont expulsés vers Israël.
- Le commandant cherche dans un premier temps à éloigner Nick, ce que lui déconseille Pryce. Il faut se rappeler que c’est ce dernier qui a placé Nick en tant que gardien. De là à imaginer que Nick espionne les Waterford pour le compte de Pryce, il n’y a qu’un pas que nous avons franchi depuis bien longtemps.
Liens :
- Madeline Brewer (Janine) revient plus en détails sur son personnage du côté de Teen Vogue.
- Nous avons donc fait connaissance avec Eden. l’actrice Sydney Sweeney qui l’interprète se confie chez Vanity Fair.
- Et le petit clin d’œil “people” de Marie Claire qui nous apprend qu’Yvonne Strahovski (Serena) est enceinte, soit bien loin de son personnage de fiction !
THE HANDMAID’S TALE (HULU) saison 2 en 13 épisodes,
Diffusée en US+24 et VM sur OCS depuis le 26 avril.
Épisodes 2.05 (Seeds).
Série créée par Bruce Miller.
D’après le roman de Margaret Atwood.
Épisode écrit par Kira Snyder.
Épisode réalisé par Mike Barker.
Avec Elisabeth Moss, Ann Dowd, Yvonne Strahovski, Joseph Fiennes, Madeline Brewer, Alexis Bledel, Amanda Brugel, Max Minghella, Ever Carradine, Robert Curtis Brown, Soo Garay, Novie Edwards et Sydney Sweeney.
Musique originale d’Adam Taylor.
Visuels : The Handmaid’s Tale © George Kraychyk / Hulu