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[rediff]Super-héros et télé – le mariage pour tous
Troisième saison pour Arrow, deuxième saison pour Agent of S.H.I.E.L.D., lancement de Gotham et de Flash, les aventures de Daredevil et de l’agent Carter arrivent bientôt sans oublier les autres projets plus ou moins avancés tel que Supergirl, etc etc. Cette profusion de super-slips auraient tendance à ravir le petit fan qui sommeille en nous (ou dans la cave) et pourrait nous faire croire à une sorte d’âge d’or pour les séries de ce type. L’enthousiasme est présent que ce soit chez nous ou chez nos confrères. Mais si on ne peut nier que cet état fait plaisir peut-être pouvons nous prendre également un peu de recul et se demander si la télévision est-elle un bon support pour les super-héros ?
Le mariage entre les super-héros de comic-books et la télévision a passé le cap des noces d’or depuis un petit moment et les deux s’aiment comme au premier jour malgré des hauts et des bas. Même avant que la fiction télévisuelle devienne une industrie rodée, les super-héros fricotaient avec ses ancêtres : la radio et le serial. Dans les années 40, Superman et Batman y vécurent des aventures qui passionnèrent les gosses de l’époque. Leurs popularités fut telles que certains éléments furent repris dans les comic-books tel que les personnages de Jimmy Olsen ou se virent modifié tel que le look d’Alfred Pennyworth.
Le rapprochement entre ces des formes de fictions nous apparaît très vite comme tout naturel. Tous les deux tirent leurs forces du rendez-vous régulier qu’il donne à leurs lecteurs et spectateurs permettant ainsi de créer un vaste univers et des histoires sur le long terme. La fiction télévisée pourrait donc être le réceptacle idéal pour la transposition des histoires de super-héros chères à notre coeur pourtant si elle permet de reproduire la récurrence et le rendez-vous inhérent aux comic-books, il apparaît aussi qu’elle lui est très difficile voire impossible d’en restituer le caractère épique et incroyable des histoires.
Que cela soit un problème de budget ou de vision artistique plus difficile à tenir sur une oeuvre faisant intervenir de nombreux postes que sur une bande dessinée créée par quelques personnages, le fait est qu’une série télévisée ne fait pas le poids face aux aventures sur papier des super-héros quand il s’agit d’exprimer leurs puissances divines ou leurs combat homériques (ce qui est tout de même l’adn même de ces personnages). Est-ce pour autant un problème insurmontable ? Pas si sur.
Bien avant que la fiction télévisuelle se dote de budget confortable voire considérable, des adaptations furent des succès publics et critiques justement parce qu’elles furent des adaptations. En prenant en compte les spécificités de leur média, elles purent ainsi contourner certaines difficulté. Chose amusante avec le recul, elles apparaissent aussi comme des révélateurs des tendances de leurs époques respectives. Si on regardent les séries célèbres diffusées jusqu’à la fin des années 90 on remarquera que la plupart d’entre elles se construisent sur un schéma déjà existant. Les voyages du docteur Banner à travers l’Amérique dans la série Hulk diffusée à partir de 1977 font écho à ceux de Richard Kimble le héros de la célèbre série Le fugitif tout en étant fidèle au comic-book. Lancée en 1993, la série Loïs et Clark : Les nouvelles aventures de Superman posent le ton de la série dès son titre. Ce n’est pas Superman, ni même son alter-ego mais bel et bien le personnage de Loïs Lane qui arrive en premier.
Et si la série offre son lot d’actions (toutes proportions gardées) dans lesquelles Superman met à profit ses pouvoirs c’est bel et bien le vaudeville entre Loïs et Clark qui tient en haleine le spectateur de la même manière que celui-ci était scotché à la romance entre David Addison et Maddie Hayes dans la série Clair de Lune. Toujours en restant dans l’univers du Kryptonien on remarquera que la jeunesse de Clark Kent est traitée différemment entre la série Superboy (1988) et Smallville (2001), il faut dire qu’entre-temps les aventures d’une tueuse de vampire influença grandement les séries fantastiques pour un public adolescent. Bien qu’elle réponde à un impératif de la Warner (pas de Batman « live » en dehors du cinéma) et que son univers s’y prête totalement (comme Ed Brubaker, Greg Rucka et Michael Lark l’ont parfaitement montrés), il est intéressant de voir que la série Gotham s’inscrit dans le genre le plus populaire de la fiction télévisée à savoir le policier.
Enfin le cas de la série Wonder Woman est intéressant. Contrairement à Hulk, elle ne repose pas sur un schéma établie, ainsi les aventures de l’amazone prennent pour contexte la Seconde Guerre Mondiale. Elle lutte contre les nazis au coté de Steve Trevors et dispose d’une identité secrète sous le nom de Diana Prince. Un vrai pitch de comic-books de super-héros digne de la série Batman de 1966. Toutefois suite aux coûts jugés trop onéreux, les producteurs décidèrent de faire évoluer Wonder Woman dans le monde contemporain à partir de la deuxième saison. Passant d’ABC à NBC, la série va alors se retrouver en concurrence avec deux autres séries soeurs lancée la même année : Super Jaimie et Charlie’s Angels. Bref en 1977 c’est girl powers et Wonder Woman s’inscrit totalement dans cette lignée.
Existe donc t-il des séries de super-héros adaptant fidèlement son matériau de base sans passer par la reproduction d’un modèle télévisuelle existant ? Difficile à dire. L’adaptation est difficile (pour cause de budget principalement) mais pas impossible. Une série comme celle de Flash en 1990 prouva qu’on pouvait traiter un super-héros de manière sérieuse (du moins en respectant l’idée de faire une série de super-héros) mais là encore on peut constater que celle-ci est très influencé par le succès cinématographique de l’époque à savoir le film Batman de Tim Burton que par le comic-books de l’époque. Pour bien souligner l’affiliation, le générique de la série fut d’ailleurs composé par…Danny Elfman.
Dans les années 2000, on assista à une mécanique parfaitement huilée où chaque blockbuster devenait la composante de la sacro-sainte trilogie. Les Batman de Christopher Nolan et les Spider-man de Sam Raimi s’inscrivent dans cette logique commerciale et artistique. Mieux, depuis quelques années la vitesse supérieur est passée avec Marvel Studios qui applique son principe d’univers partagée sur le grand écran. Toujours construit dans une logique de trilogie (ou plus), les films consacrés aux différents héros sont devenus également les composants d’un grand tout prenant forme dans un blockbuster collégiale. La formule est tellement gagnante que celle-ci sera reproduite à la télévision via les séries commandés par Netflix. Ainsi les personnages des séries Daredevil, Iron Fist, Luke Cage et Jessica Jones se retrouveront tous dans une cinquième série, Les Défenseurs.
Et si, contrairement à ce qu’on pourrait penser, le cinéma, et non la télévision, était la seule solution pour une adaptation fidèle d’un univers super-héroïque ? Deux voies pourtant ont montré que la fiction télévisuelle possède de sérieux atouts. D’une part, et depuis longtemps, la télévision a su créer des super-héros et des univers qui lui sont propres (chose que le cinéma a bien du mal à faire actuellement). Nous parlions plus haut de Super Jamie, citons également sa série-mère L’homme qui valait trois milliard ou bien encore L’homme de l’Atlantide. Même s’ils sont respectivement l’adaptation d’un feuilleton radiophonique et d’un célèbre comic-book, Le Frelon vert et la série Batman de 1966 sont des pures créations télévisuelles. Les années 80 virent l’arrivée de séries de héros qu’on qualifiera de « mécaniques » et qui furent le bonheur de nos après midi (K-2000, Supercopter, Tonnerre Mécanique). Surfant sur le succès de Ghostbusters, la série Misfits of Science nous montre la formation d’un proto groupe de super-héros.
Et si nous évoqueront poliment la série Heroes ne serait-ce que pour l’enthousiasme qu’elle provoqua durant la diffusion de sa première saison, il est certain que la série qui reste la plus brillante démonstration de la capacité de la télévision à créer des figures super-héroïque reste Buffy, The Vampire Slayer créée par Joss Whedon. Toutefois même en arrivant à nous offrir une fin de série dantesque et épique, ce dernier resta limité par les moyens dont il disposait quand il s’agissait de mettre en image des grandes batailles. Serait-ce donc là l’échec, encore aujourd’hui, du format télévisuelle ? Pas si on estime que la fiction télévisée n’est pas composée que de série-live.
5 septembre 1992 une date marquante dans l’histoire de l’animation et des super-héros. C’est en effet ce jour-là que le premier épisode de la série Batman : The animated serie fut diffusée. On ne va pas revenir sur les immenses qualités de la série vu que notre camarade martien Dominique Montay l’avait très bien fait il y a quelques temps. En repoussant les limites de l’animation tant sur le plan technique que sur ce qu’il était possible de montrer dans une série de ce genre, Bruce Timm et son équipe offrirent ce que beaucoup espéraient : l’adaptation ultime de Batman qui, encore aujourd’hui, reste inégalée. Grâce à l’animation, cette adaptation pu restituer un univers visuel incroyable et des combats homériques tout en conservant les caractéristiques du feuilleton que le format télévisuel pouvait apporter.
Car même si la série animée Batman est composée d’histoires uniques, il y clairement la volonté de mettre en place un univers avec des arcs scénaristiques, des personnages récurrents et une évolution de ceux-ci. Cette volonté deviendra plus preignante avec le projet suivant Superman, The Animated Serie et parviendra à son apogée avec la série Justice League Animated et sa suite Justice League Unlimited dans lesquelles les auteurs construisirent des arcs sur plusieurs saisons, durent gérer de multiples personnages et, enfin et surtout, offrirent des batailles incroyables que même le cinéma n’a pas encore offrir. Citons simplement la bataille finale de la série qui voit la Justice League s’allier à la Secret Society (composée des plus grands vilains de l’univers DC) afin de combattre les armées de Darkseid envahissant la Terre entière. Le pole animation de Warner/DC est encore aujourd’hui très actif. Une série récente tel que Young Justice nous l’a démontrée. De son coté après des essais loupée, Marvel su nous offrir d’excellentes choses.
La télévision est-elle un bon support pour les histoires de super-héros ? A l’heure où le cross-médias est la clé de la réussite commerciale pour les studios et à l’heure où les luttes entre ceux-ci pourraient influencer les décisions artistiques d’un média à l’autre (comme ce que certains redoutent avec l’arrêt du comic-books Fantastic Four et la mise en retrait des X-men afin de ne pas faire de la promo à la Fox) peut-être est-il temps d’admettre certaines limites et reconnaître le potentiel de chaque support afin d’en tirer le meilleur. Le passé nous a montré que la fiction télévisuelle pouvait donner son meilleur quand elle prenait conscience de ses atouts. Que l’avenir puisse nous le montrer à nouveau.