
Rencontre avec David Chase (Séries Mania)
Du 15 au 24 avril se déroule la septième saison de Séries Mania à Paris, et comme chaque année, le Daily Mars vous offre une couverture du festival. Au programme, critiques, bilans de conférences et autres surprises…
Il existe toujours un risque à rencontrer ses idoles. Ou des monstres sacrés. Le risque d’être déçu. De ne pas reconnaître le génie qui s’est agité à travers son œuvre. David Chase, créateur des Soprano, est un vieux souhait du festival. Aujourd’hui exhaussé, le célèbre showrunner s’est confié au journaliste des Inrocks, Olivier Joyard, pendant plus d’une heure et demie.
C’est un sentiment paradoxal qui a soufflé sur cette rencontre. Le sentiment de ne pas avoir entendu des histoires pour la première fois, tout en étant passionné par la discussion. Il y avait quelque chose d’émouvant dans les silences entre les deux hommes. Ce moment où on laisse la parole infuser lentement ; l’idée se consumer dans une volute éphémère. David Chase, parfois tout en retenu et Olivier Joyard, non plus en commentateur mais dans un rapport horizontal. Il n’a pas guidé le showrunner mais l’a accompagné au fil d’une évolution chronologique. De son enfance dans un New Jersey encore sauvage à ses premiers pas à Hollywood. De Northern Exposure à Not Fade Away, en passant par The Sopranos, bien sûr.
Nous découvrons un homme qui a rencontré l’art pour la première fois dans des encyclopédies ; écrit une nouvelle sur le vol du corps du Christ amenant l’idée d’une résurrection ; fait ses premiers pas de réalisateur à Stanford (vocation découverte après une prise de LSD) avant de s’envoler à Hollywood. Nous sommes en 1971. Celui qu’Olivier Joyard a présenté comme « l’homme qui n’aimait pas la télévision, mais l’a révolutionné », finit pourtant sur la série Northern Exposure dont nous verrons un morceau choisi (l’analyse psychologique d’un rêve). La suite appartient à l’histoire. L’occasion manquée de travailler sur Millennium (série de Chris Carter) pour créer The Sopranos sur HBO.
Gros morceau de la master class, l’évocation de la série installe une soudaine intimité. C’est à cet endroit que l’on ressentira cette suspension, évoquée plus haut. David Chase un peu sur la défensive, usant du silence qu’il a essayé d’installer dans The Sopranos. Il éludera quelques questions (sur Le Parrain, notamment), s’épanchera sur d’autres jusqu’à raconter, un peu, les derniers plans de la série. Il faut évoquer l’excellent travail du journaliste des Inrocks dans le choix des extraits et leur agencement. Qu’il s’agisse de traiter du mythe du héros américain (Gary Cooper) ou du caractère éphémère de la vie. Il accompagne ainsi David Chase à nous raconter ces dernières images, du choix de la chanson (Journey – Don’t Stop Believing) à la façon de faire naître du suspens sans intrigue.
Enfin, il restera un peu de temps pour mentionner Not Fade Away, son premier film. S’y révèle une part autobiographique, importante dans son œuvre. Après sa mère pour les Soprano, c’est lui-même qui motive l’écriture. L’histoire d’un garçon qui voulait devenir un artiste, batteur dans un groupe de rock’n roll (poste qu’a occupé le showrunner dans sa jeunesse). On découvrira la dernière scène, celle dont il est le plus fier. Un geste fort, presque punk (avec les Sex Pistols en bande-son) qui rappellera l’intransigeance artistique de l’homme.
Ainsi s’éteignent presque deux heures de discussions, où l’auteur n’aura peut-être pas dévoilé de grandes révélations mais se sera montré affable dans l’évocation de ses souvenirs, de son œuvre, rappelant combien The Sopranos était une série triste.