#Rencontre avec… Gore Verbinski pour A Cure for Life

#Rencontre avec… Gore Verbinski pour A Cure for Life

Note de l'auteur

Réalisateur d’une série de blockbusters avec un supplément d’âme (Rango, Pirates des Caraïbes ou Lone Ranger), Gore Verbinski était à Paris, avec son acteur Dane DeHaan, pour la promo de A Cure for Life, un film fantastique, puissant et visionnaire, objet vénéneux qui distille un parfum d’inquiétante étrangeté.

 

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Dane DeHaan se sert un verre d’eau : J’espère qu’il n’y a pas d’insecte dedans ? (rires).

C’est de l’eau de Paris.

Dane DeHaan : Vous savez ce que devient Evian épelé à l’envers ? Naïve !

Rires

 

Gore, vous avez réalisé des films de pirates, des westerns, un film d’animation avec un lézard, un film d’horreur. Pourquoi changez-vous constamment de genre ?

Gore Verbinski : Ce n’est pas intentionnel. J’essaie de faire des choses que je ne sais pas faire, j’essaie d’apprendre. C’est cela la vie : essayer de faire des choses. Dès que vous maîtrisez votre sujet, il est temps de passer à autre chose.

 

Pourtant, vous avez déjà réalisé un autre film d’horreur, The Circle.

G. V. : Celui-ci est différent. Nous avons essayé de faire quelque chose d’autre, d’emprunter une nouvelle voie. La narration elle-même est une forme de maladie. Je voulais explorer la maladie comme un moyen narratif, un cancer. C’est ça qui m’excitait. Dans ce film, tous les éléments – image et son – sont réunis en vue de soumettre les gens à une expérimentation psychologique dans une chambre noire. On y voit le personnage de Dane suivre un traitement lorsqu’il devient l’un des patients du sanatorium, mais en réalité, le vrai patient, c’est vous, le spectateur lui-même. C’est ce qui me plaît dans ce genre cinématographique. On se retrouve plongé dans un univers onirique dont la logique n’est pas nécessairement celle du monde éveillé, si cela veut dire quelque chose.

 

378935259Le titre original de votre film est A Cure for Wellness. Le titre français est A Cure for Life. Qu’en pensez-vous ?

G. V. : Cela n’a pas le même sens, mais ce n’est pas moi qui prends ce genre de décision, c’est le marketing. Qu’en pensez-vous ?

 

C’est un très mauvais titre !

G. V. : A Cure for Wellness est plus ambigu. Je n’y peux rien (il affiche à ce moment un air de dépit).

 

Pourquoi avez-vous décidé de situer l’action en Europe, dans un sanatorium allemand ?

G. V. : Mon scénariste et moi sommes des gros fans de La Montagne magique de Thomas Mann. Nous avons imaginé un endroit qui est quasiment un personnage, un lieu où les ordinateurs, les portables n’ont pas cours. Quand nous arrivons dans cet endroit, l’ordinateur de Dane, son téléphone, tout s’arrête, et nous pénétrons dans un état de rêve, un autre monde. Cela ne fonctionne plus comme dans la réalité, cela se passe comme dans un rêve.

 

Je crois même que l’on voit brièvement un infirmier lire La Montagne magique de Thomas Mann.

G. V. : Oui, c’est un petit clin d’œil (il sourit).

 

Vous avez tourné en Allemagne ?

G. V. : Oui. J’ai fait de nombreux repérages en Autriche, à Prague, en Allemagne, en Suisse… Je cherchais un château. Celui du film est une mosaïque constituée de plusieurs châteaux. Les intérieurs proviennent d’un château à l’extérieur de Berlin, nous avons filmé les piscines dans différentes provinces… C’est dur pour les acteurs car vous filmez une scène et vous tournez la scène suivante un mois plus tard, dans un autre décor, un autre lieu. C’était un challenge pour Dane car il est dans tous les plans. Son personnage est un trou du cul, mais plus il a des doutes, plus le public a de l’empathie pour lui.

 

Dane, comment ça fait de jouer un « trou du cul » comme celui-ci ?

928219476Dane DeHaan : (rire) C’était un challenge. Comme l’a dit Gore, j’étais dans presque tous les plans du film. Le film, c’est le voyage de mon personnage. C’était dur car il s’en prend plein la gueule, il subit pas mal de choses et il fallait que le spectateur soit empathique mais pas trop. J’étais toujours sur la corde raide. Plus le personnage est complexe, plus il est intéressant à interpréter. Un trader de Wall Street évolue dans un environnement très agressif, vicieux. Il bosse 24 heures sur 24, dans un univers très concurrentiel, à la merci de son patron, de sa compagnie. Il faut se sacrifier pour avoir une chance d’évoluer au sein de la compagnie. Ce n’est pas un boulot qui enrichit la société ; l’idée est devenir de plus en plus riche, de plus en plus puissant.

 

Est-ce que votre film est un hommage à The Shining ?

G. V. : The Shining est un film magnifique, mais je pense que mes influences sont multiples. Il y a aussi Le Locataire de Roman Polanski, un des films que je préfère, Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg ou The Servant de Joseph Losey. Tous ces films évoquent la présence d’une force parallèle au récit, une idée d’inéluctabilité, comme si « quelque chose » était à l’œuvre et tirait la caméra. Mais il faut rester en permanence au service de l’histoire que l’on raconte. Chaque détail est doté d’une intention, comme dans les films de Kubrick. Tout y est intention. Je suis un fervent admirateur d’Hal Ashby, pour des raisons complètement différentes, et précisément pour cette absence d’intention. Cela dépend de l’histoire. Dans ce film, nous cherchions à inscrire la maladie au cœur du récit, en tant que force inéluctable, comme ce point noir qui apparaît sur une radiographie, qui est là à jamais.

 

Pourquoi avez-vous employé ces anguilles qui sont vraiment très angoissantes ?

G. V. : L’idée, c’était de partager nos cauchemars avec le public. Le serpent qui rampe sur le sol, son côté visqueux, c’est viscéral, cela parle à tout le monde. Rien à voir avec un petit chiot (rires). J’aimais aussi beaucoup l’idée qu’il y a quelque chose à l’intérieur de vous, qui est tout petit au départ et qui grandit. J’ai également des cauchemars avec des noyages, des cauchemars avec des dents… Moi, ce que je voulais, c’est que trois ou quatre jours après la projection, mon spectateur ressente toujours les effets secondaires de la cure.

 

Les cauchemars monstrueux du film sont donc les vôtres.

G. V. : Oui, vraiment. Pour que ça marche, il faut trouver quelque chose de très spécifique. Pendant le film, j’ai eu mal à une dent et il a fallu que je consulte un dentiste allemand, ce qui était assez ironique quand il m’a passé le masque et qu’il a mis en marche la roulette. J’étais en train de vivre mon cauchemar…

 

Dane, le tournage a t-il été difficile ?

a-cure-for-life-trailer-gore-verbinski-972956D. D. : J’ai vraiment été torturé tout au long du film. J’ai été placé dans le caisson d’isolation, puis sur le fauteuil du dentiste. J’appelle ces moments ma semaine de torture. Le caisson a été une expérience très forte car je passais des séances de 25 à 30 minutes sous l’eau. Je n’avais pas de lunettes et je n’y voyais rien car il faisait noir, j’étais plâtré et des câbles me retenaient à l’horizontale. C’est à dire que je ne pouvais même pas sortir. Il ne me restait plus qu’à me parler mentalement et m’assurer que j’avais bien la certitude que tout irait bien. C’est censé faire peur et ça faisait vraiment peur !

 

Vos projets ?

G. V. : J’ai plusieurs projets en développement mais je ne sais pas ce qui va arriver en premier.

 

D. D. : Je fais pas mal de promo en ce moment, puis j’entamerai celle du Luc Besson, Valérian. Et puis, je vais bientôt devenir père pour la première fois.

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A Cure for Life
Réalisé par Gore Verbinski
Avec Dane DeHaan, Jason Isaacs et Mia Goth
Sortie le 15 février 2017

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