Replay sur… Journey

Replay sur… Journey

L’occasion était trop belle : alors que Journey sort sur PS4 (ce qui n’apporte pas énormément de choses, hormis du 60 fps et moins d’aliasing), retour sur une des petites claques de l’ancienne génération qui a tout compris au jeu universel et épuré. Véritable phénomène à sa sortie, il fait partie de ces indispensables si vous avez une console Sony (PS3 ou PS4), une sorte d’expérience d’à peine trois heures qui se vit d’une traite, le casque vissé sur ses oreilles.

Journey_20150725144625C’est fait par qui ?

thatgamecompany, tel est le nom du studio derrière Journey. Jenova Chen, son créateur, est le chef des lieux et celui dont la vision inspire toute la philosophie du studio. Après avoir proposé de diriger un micro-organisme à travers Flow, puis le vent en utilisant la détection de mouvements pour faire bouger des pétales de fleurs (oui, oui !) via Flower, Journey est donc leur troisième jeu, bien plus ambitieux dans ses intentions et dans son approche, même si le concept de l’épuration, qui sied si bien au studio, est toujours aussi présent.

Ça raconte quoi ?

Journey narre le pèlerinage d’un petit être vêtu d’une cape, de deux yeux et de deux jambes, ainsi que d’une écharpe représentant son énergie. Lorsqu’il débarque en plein milieu du désert, il est appelé par une mystérieuse montagne au loin et décide d’entreprendre un long voyage pour l’atteindre. Il croise la route de mystérieuses créatures qui l’aident à gagner en énergie et en pouvoir pour franchir les obstacles. Ses capacités sont limitées : il peut voler le temps d’user l’énergie de sa cape (extensible grâce à des petits artefacts à trouver) et faire des bruits plus ou moins longs pour activer des mécanismes.

Journey_20150725143628Pourquoi ça vaut le coup ?

[SPOILERS] Tout d’abord, et je le répète, Journey est à vivre en une seule fois, bien isolé, sans coupures. C’est une véritable expérience, que l’on aime ou pas. Le jeu n’est franchement pas long et demandera deux-trois heures lors du premier run, peut-être plus si vous n’êtes pas habitués aux jeux vidéo. Toute la force du titre tient dans les lignes épurées du gameplay. Jenova Chen a toujours voulu pousser ses employés à imaginer des concepts originaux puis à se débarrasser de tout ce qui est superflu pour ne garder que ce qui est essentiel. C’est encore plus vrai ici. Mis à part les quelques messages de tutoriel au début, le jeu ne comporte absolument aucun texte. Comment savoir où se diriger, où aller pour ne pas se perdre ? Dès le début, la montagne est montrée comme un objectif évident à atteindre. Dans l’inconscient collectif, il représente souvent le but, la fin du voyage. On notera le lien avec la religion taoïste et les concepts des montagnes sacrées où les Immortels allaient s’élever. Le jeu n’est heureusement pas avare en mise en scène et joue avec la caméra pour montrer au joueur ce dont il a besoin pour s’orienter. Il est accessible, volontairement grand public, et se joue comme un trip contemplatif plutôt qu’un jeu d’aventure complexe et libre. La volonté de linéarité du jeu pour guider le joueur pourra saouler certains, mais elle est presque essentielle ici pour pouvoir amener le joueur dans la bonne direction, et surtout lui faire vivre les émotions voulues par les équipes. Musique constante, mise en scène appuyée, Journey est un vrai roller-coaster émotionnel : puisque le jeu se veut épuré, il ne reste au joueur qu’à se concentrer sur ce qui est proposé. Des graphismes et des couleurs vives et superbes, une musique divine signée Austin Wintory et une histoire qui se raconte au gré des niveaux. On force peut-être le pathos. Le fait est que ça fonctionne extrêmement bien, parce que le message n’est pas forcé et surtout parce que la composante multijoueur et coopérative est là pour donner un sentiment d’aléatoire et d’aventure.

Journey_20150725151138C’est la brillante idée du jeu : au détour d’une dune, on pourra tomber sur un personnage similaire au vôtre (un éclat blanc sur le bord de l’écran vous signale quand quelqu’un est dans les parages). Ce personnage est un autre joueur, mais rien dans le jeu ne le précise : il s’agit simplement d’un autre personnage. L’apparition est invisible, aucune mention du jeu en ligne n’est faite. Libre à vous de continuer le voyage ou de l’accompagner. Les seules interactions possibles sont les petits sons plus ou moins longs si vous laissez appuyer sur la touche. En se rapprochant, vous pouvez aussi recharger mutuellement l’énergie. Mais les contacts s’arrêtent là : aucun moyen de converser concrètement avec des mots. Les développeurs ont tenu à ne placer aucune violence dans le jeu (c’est pour ça que le personnage est dénué de bras), et tout en accédant à un moyen de communiquer universel (aucune barrière de langue – très malin), les joueurs s’inventent des systèmes malgré eux pour communiquer. Arrivé sur la montagne, c’est ici que tout se joue. Alors que dans les précédents niveaux il arrivait qu’un joueur abandonne son équipier pour aller explorer des ruines, la dernière ligne droite venteuse et enneigée force les deux personnages à se serrer les coudes et à se soutenir devant des intempéries qui paraissent impossible à surmonter. Marchant jusqu’au sommet, les bruits des petits êtres se font de moins en moins perceptibles, tandis qu’ils avancent difficilement dans la neige. Puis les deux êtres s’écroulent.

Mais, alors que tout paraît perdu, un miracle se produit et les deux personnages renaissent de mille feux et se retrouvent propulsés au sommet dans un déluge auditif et visuel, véritable plaisir pour tous les sens. Comme dans tous leurs jeux en somme : tomber pour mieux se relever. Sauf qu’ici, tout est partagé à deux. Et alors que l’objectif est là, face à eux, représenté par une écrasante lueur blanche, c’est à deux qu’ils pénètrent dans la lumière blafarde pour fermer le cycle et ainsi terminer l’aventure, le tout dans une mise en scène maîtrisée à la note près. On a beau s’y attendre, l’effet d’accomplissement est bien là, celui de partage aussi. Et c’est sur le dernier écran que l’on verra enfin le ou les noms des gens qui nous ont accompagnés. Et c’est assez formidable de constater à quel point les joueurs de Journey sont assez éloignés de l’image débilitante que l’on a des gamers connectés. Certains vous soutiennent, d’autres font des petits bruits pour vous montrer des secrets que vous auriez manqué. Il y a de l’entraide, de la communication dans sa plus pure forme. Sans insultes, sans pression. Tout est fait pour pousser le joueur à profiter de cette forme d’épuration pour communiquer comme il ne l’avait jamais fait.

Journey_20150725155554L’aventure arrive même à développer son background, certes très primaire : l’histoire d’une civilisation trop gourmande et trop portée sur la technologie. A travers les niveaux aux teintes délicates (certains passages sont juste sublimes) et aux différents gameplays (plate-forme, énigmes et même un zeste d’infiltration), Journey tient le joueur par la main à travers son récit mais le laisse profiter de toutes les merveilles qu’il a mises en place. Alors qu’on est généralement malmené par des objectifs d’accomplissements et de récompenses, Journey propose pour quelques heures de retomber dans l’émerveillement et le gameplay dans tout ce qu’il a de plus pur. Le jeu se fait facilement, on ne meurt jamais, on glisse, on vole, tout est fluide, efficace, relaxant, mais sans oublier d’insuffler de l’émotion dans ce qu’il raconte tout en fournissant un spectacle visuel grandiose. Le jeu est extrêmement conscient de son statut de jeu contemplatif et émotionnel, et offre au joueur tout ce qui lui est possible d’offrir. Ce n’est pas trop court ni trop long, et on ressort de cette expérience comblé d’avoir pu faire quelque chose de différent et de s’être évadé. Il est sûr que l’expérience est loin d’être subtile, mais qu’est-ce que c’est bon d’y retourner !

Journey
Développé par thatgamecompany
Edité par Sony
Prix : 15 euros (cross-buy)

 

 


Journey (PS4) – Trailer de lancement par PlayFrance

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