
Replay sur… The Elder Scrolls Online
The Elder Scrolls, un titre qui résonne chez les joueurs comme une invitation pour un voyage épique dans un monde fantastique. Au fur et à mesure des épisodes, la série de Bethesda s’est taillé dans le roc du temps une réputation légendaire. Si la trilogie Mass Effect représente parfaitement le Star Wars du jeu vidéo, les Elder Scrolls n’ont pas à rougir de la comparaison avec les œuvres de Tolkien et Peter Jackson pour la grande richesse de leurs univers. Fer de lance du RPG occidental, The Elder Scrolls proposait déjà bien avant tout le monde un open world gigantesque à découvrir. Après cinq opus jouables uniquement en solo, The Elder Scrolls Online a enfin permis aux joueurs de vivre leurs aventures ensemble et de se forger à coup d’épée des souvenirs qu’ils ne sont pas près d’oublier.
C’est fait par qui ?
Seulement un an après la sortie de The Elder Scrolls IV : Oblivion en 2006, Bethesda confie à Zenimax Online Studios un projet ultra ambitieux et potentiellement casse-gueule. Sous la direction de Matt Firor, ancien lead designer de Dark Age of Camelot, le studio commence le développement d’un MMORPG dans l’univers de The Elder Scrolls.
Transposer une expérience solo en un MMO n’est pas une tâche facile, d’autant plus que la série jouit d’une énorme fanbase méfiante qui ne voit pas d’un très bon œil ce projet. Le développement s’avère difficile et long, très long même puisqu’entre-temps Bethesda sort en 2011 le cinquième opus solo, le désormais cultissime The Elder Scrolls V : Skyrim. Acclamé par la critique comme l’ultime RPG occidental et véritable phénomène chez les joueurs, Skyrim finit de propulser définitivement la licence au panthéon du jeu vidéo. Mais la réussite de ce dernier est à double tranchant, la pression sur les épaules de Zenimax en étant décuplée. Surfer sur une vague à succès est déjà assez compliqué, mais cela l’est encore plus quand la vague en question est un véritable tsunami.
Les premières informations officielles tombent en 2012 et font déjà face à une première levée de boucliers : The Elder Scrolls Online adoptera un système d’abonnement mensuel payant similaire à celui déjà en place dans le mastodonte du MMO, World of Warcraft. Si cela n’avait rien de choquant pendant l’âge d’or des MMO, il est plus difficile de faire passer la pilule dix ans plus tard à l’heure des free-to-play. The Elder Scrolls Online débarque enfin en avril 2014. La sortie du jeu est poussive et malgré les très nombreuses qualités du titre, quelques défauts viennent ternir le tableau. Techniquement très inégal, le moteur HeroEngine souffre de bugs d’animations déjà aperçus dans un autre MMO, Star Wars The Old Republic. Mais le principal souci de The Elder Scrolls Online c’est qu’il souffre d’un paradoxe. Les joueurs de MMO trouvent que cet opus ressemble beaucoup trop à un épisode solo, tandis que les fans de la série Elder Scrolls trouvent que le côté multijoueur déforme trop ce qui faisait la force de la licence. L’abonnement à 15 euros par mois achève de rebuter les autres joueurs potentiels qui pourraient venir explorer les terres magiques de Tamriel.
Zenimax loin d’avoir dit son dernier mot n’abandonne pas pour autant. En repartant des très bonnes bases et des qualités indéniables du titre, le studio ressort un an plus tard une version améliorée, The Elder Scrolls Online – Tamriel Unlimited et laisse tomber par la même occasion le système d’abonnement en devenant un buy-to-play. Clairement, Zenimax respecte sa communauté de fans et prend en compte les avis positifs, mais aussi les négatifs. À travers les nombreuses améliorations et autres mises à jour, le studio parvient à gagner de plus en plus la confiance des joueurs. Après un premier petit DLC relativement timide qui se concentre sur la capitale impériale, le studio enchaîne avec trois gros DLC de qualité centrés autour de la race des orcs, de la guilde des voleurs et de la Confrérie Noire. Mais l’opération reconquête ne s’arrête pas là, puisqu’après avoir revu son jeu pour en faire aujourd’hui l’un des meilleurs MMO sur le marché, Zenimax se lance enfin dans le développement de grosses extensions (appelés Chapitres) pour chaque région de Tamriel.
Ça parle de quoi ?
En mélangeant plusieurs sous-genres de la fantasy, Bethesda a créé un univers atypique. En s’inspirant à la fois de l’heroïc fantasy médiévale, de l’Antiquité et de ses mythologies et même des mythes orientaux, Ken Rolston et Michael Kirkbride ont réussi à imaginer un lore ultra riche et cohérent. Toute la série des Elder Scrolls se déroule dans le monde de Nirn et plus particulièrement dans le vaste continent de Tamriel. Plusieurs races humanoïdes se partagent les grandes régions, mais les principales restent les Hommes, les Orsimers (les Orcs), les Khajits (des hommes-félins), les Elfes et les Argoniens (des hommes-lézards). Certaines races comme les hommes et les Elfes ont également de nombreuses sous-races. Les hommes se divisent parmi les puissants Nordiques, les Impériaux, les Rougegardes et les Bretons (demiElfes) tandis que les Elfes se répartissent parmi les Altmers (les hautsElfes), les Bosmers (Elfes des bois) et les Dunmers (Elfes noirs). Chaque race présente non seulement des caractéristiques qui lui sont propres, mais également une culture et une religion différentes. Par exemple, les Impériaux ont beaucoup de ressemblances avec l’Empire Romain tandis que les Dunmers résultent d’un mélange subtil entre le Japon féodal et le Moyen-Orient. La série des Elder Scrolls à travers la représentation des différentes cultures n’hésite d’ailleurs pas à tacler des problèmes contemporains à notre société moderne comme les génocides, le racisme, l’extrémisme religieux et bien d’autres encore.
Les scénaristes de The Elder Scrolls Online ont voulu éviter de froisser les fans hardcores de la série et ont donc situé les événements du jeu environ mille ans avant l’histoire de Skyrim et huit cents ans avant ceux relatés dans Morrowind et Oblivion. La Deuxième ère est une période de trouble pour Tamriel. La longue dynastie des Reman a disparu sans laisser d’héritier plongeant le Second Empire de Cyrodiil dans le chaos et la guerre, c’est le temps de l’Interregnum. Juste avant le début du jeu, un noble impérial répondant au nom de Varen Aquilarios lance une rébellion contre l’Empire décadent et tente de se saisir du trône. Mais si prendre la capitale impériale et Cyrodiil n’est pas impossible, faire plier les autres provinces sans vraie légitimité est impossible. Dans cette logique, Aquilarios essaye de se faire reconnaître en tant qu’enfant de dragon (des souvenirs les fans d’Oblivion et Skyrim ?). Pour simplifier, les enfants de dragons sont les héritiers légitimes et incontestés de l’Empire. Entouré d’une équipe de compagnons légendaires, Varen Aquilarios est à deux doigts de réussir son pari, mais il est trahi pendant la cérémonie et laissé pour mort par l’un de ses plus proches conseillers, le puissant mage et maître nécromancien Mannimarco.
Dans sa quête d’immortalité, Mannimarco a mis au point un plan machiavélique en faisant un pacte avec Molag Bal, dieu démoniaque de la domination, du viol et père des vampires. En échange des faveurs de ce dernier, Mannimarco déclenche l’Eruption ouvrant des ancres magiques reliant le plan démoniaque d’Havreglace au monde de Nirn. Les deux mondes fusionnent petit à petit, chaque mort dans Nirn affaiblissant la barrière entre les deux plans tout en renforçant le contrôle de Molag Bal. Aquilarius mort, l’Empire de Cyrodiil se retrouve dans les mains de la famille Tharn et plus précisément de l’Impératrice Régente Clivia Tharn. En échange de l’aide de Mannimarco qui lui fournit une armée de morts vivants pour faire face aux provinces en révolte, l’Impératrice décrète la nécromancie légale et l’Université des Arcanes est placée sous l’autorité du Culte du Ver.
Tamriel se déchire alors dans une guerre totale et sans merci. En plus de l’Empire et du Culte du Ver de Mannimarco, trois grandes alliances aux motivations diverses se forment pour la conquête du trône : le Premier Domaine Aldmeri, l’Alliance Daguefillante et le Pacte Coeurèbène. En tant que joueur, vous aurez le choix de prendre part à la guerre sous la bannière de l’une des alliances tout en essayant de déjouer les plans de Molag Bal et son serviteur Mannimarco avant qu’il ne soit trop tard.
Le point de vue d’un joueur MMO
Pour être franc, je n’ai jamais vraiment joué à un MMO auparavant et je ne suis pas particulièrement friand des expériences multijoueurs mis à part les jeux en coopération. J’ai donc abordé le titre en tant qu’amoureux de la série Elder Scrolls et forcément mon point de vue est assez différent d’un spécialiste des MMO. Le titre de Zenimax a été vivement critiqué à sa sortie, parfois justement et d’autres fois injustement. Comme beaucoup de ces critiques ne faisaient pas de sens pour moi, j’ai demandé à l’un de mes amis, grand amateur de MMO, ce qu’il pensait du jeu. Kallim a consacré douze ans de sa vie de joueur aux MMO et en particulier à World of Warcraft depuis sa version vanilla. Fort de son expérience, il a une vision très critique des MMO contemporains et des jeux en général.
The Elder Scrolls Online serait pour les habitués des MMO « un jeu trop facile », affirme Kallim. Ceux qui sont familiers des épisodes solos comme moi le savaient déjà, la série des Elder Scrolls n’a jamais vraiment brillé pour sa difficulté à la manière d’un Dark Souls. Au contraire, puisque la licence nous met toujours dans la peau d’un élu d’une prophétie ou d’un champion des dieux. Si cela marche sans problèmes dans un RPG solo, il est plus compliqué de justifier ce statut dans un MMO. Malgré le fait de jouer avec des milliers d’autres personnes, The Elder Scrolls Online nous donne lui aussi le « sentiment d’être un héros surpuissant » ce qui est incompatible avec une certaine vision du MMO. En effet pour beaucoup de vieux joueurs, l’attrait de ce genre, c’est qu’au bout du compte, il se rapproche énormément des RPG sur table Donjons et Dragons où l’on commence comme une personne lambda avant de forger petit à petit sa légende. On nous oblige donc à être un personnage important de l’histoire, en d’autres termes un héros, quand d’autres comme Kallim auraient voulu jouer « un simple soldat, un aventurier, un marchand ou même un contrebandier faisant partie d’un tout beaucoup plus grand. » Le souci avec The Elder Scrolls Online c’est qu’il a toujours « le cul entre deux chaises » m’explique le vieux gamer avant de poursuivre « storytelling et MMO ne sont pas compatibles, ce sont des oxymores ! Mélanger les deux et ça donne un jeu trop confus avec ce sentiment constant que quelque chose ne va pas. Essayer de tout fourrer dans un seul et même jeu, et bien ça ne marche jamais. On ne peut pas plaire à tout le monde ! »
Mais le plus gros problème selon lui reste le même mal qui affecte World of Warcraft, c’est-à-dire la « casualisation du MMO via le dunjon finder ou le quest helper ». Ce dernier faciliterait grandement l’accomplissement des quêtes en donnant toutes les positions sur la carte et en faisant par conséquent « passer à la trappe tout le côté Roleplay ». L’argument selon lequel nous ne sommes pas obligés de l’utiliser ne tient pas comme aime me le répéter mon camarade puisque « The Elder Scrolls Online est avant tout un MMO et propose donc une compétition entre les joueurs. » Les quêtes s’enchaînent trop rapidement alors que dans les anciens MMO il fallait parfois des mois avant que quelqu’un en accomplisse une seule.
« Le MMO à l’ancienne vit probablement ses dernières heures, et c’est pour cette raison que de nombreux vieux gamers se remettent à Donjons et Dragons. J’ai toujours cette impression d’être un vieux con exigeant quand je joue aux nouveaux jeux à part quelques exceptions » ajoute Kallim. Le Beta testing et la démocratisation d’internet auraient profondément changé la nature du MMO. Aujourd’hui « tout est déjà terminé, expliqué et balancé sur YouTube avant même la sortie du jeu ». Mais comment expliquer cette nouvelle approche du MMO et des jeux en général ? « C’est simple », me répond le vieux briscard, « les jeux vidéo s’adressent avant tout à un public jeune (les 12-22 ans) qui ont du temps à investir là-dedans. C’est le public visé et cela se reflète énormément dans le game design. Chaque génération a des attentes différentes puisque sa culture vidéoludique n’est pas la même. Quelqu’un qui a été élevé avec les Final Fantasy ou même les premiers jeux Pokémon sur Gameboy n’a pas la même vision du jeu vidéo qu’un adolescent qui a fait ses armes sur League of Legends ou des jeux smartphones ».
Pourquoi ça vaut quand même le coup ?
The Elder Scrolls Online reste comme son nom l’indique un Elder Scrolls et cela veut déjà tout dire. Malgré quelques différences minimes du fait d’être un MMO, le soft de Zenimax propose une expérience de jeu très proche des opus solo. J’ai retrouvé à ma grande surprise ce sentiment d’évoluer librement dans un monde vaste et incroyable à la fois magique et réaliste. À la frontière entre un Game of Thrones et Le Seigneur des Anneaux, The Elder Scrolls Online met en scène un univers fantasy envoûtant d’une beauté indiscutable. Le continent de Tamriel se pose comme un reflet de notre propre monde dans toute sa diversité, chaque région dégageant une ambiance et une personnalité qui lui sont propres. Et si le cadre de The Elder Scrolls Online est particulièrement maîtrisé, le fond l’est tout autant.
Le gameplay reprend les bases de la série tout en les adaptant légèrement à son statut de MMO. Plus proche d’un Skyrim que d’un Oblivion, le jeu accorde une grande liberté au joueur auquel il laisse le soin d’évoluer en fonction de son style de jeu. Contrairement à beaucoup d’autres MMORPG, The Elder Scrolls Online avec ses classes hybrides ne cloisonne pas le joueur dans un rôle bien précis (tank, healer). Tout a été fait pour que le titre soit jouable tout seul ou avec une petite équipe d’aventuriers téméraires et c’est justement selon moi la grande force de The Elder Scrolls Online. Plutôt qu’un MMO traditionnel, le jeu se veut vraiment comme une expérience coop ou, autrement dit, un RPG en multijoueur. Parcourir Tamriel avec ses potes pour en percer les secrets et poutrer des monstres sanguinaires dans les donjons a toujours été un rêve, un rêve qui est maintenant enfin à notre portée.
Mais s’il y a bien une chose qui m’a impressionné, c’est le nombre monstrueux de quêtes et la qualité globale d’écriture. On ressent clairement l’énorme travail des quest designers qui transpire la passion pour cet univers à la richesse phénoménale. Si vous êtes un amoureux de la fantasy et à condition bien sûr d’aborder le jeu comme un RPG en privilégiant le Roleplay plutôt que la course aux niveaux, vous allez passer un superbe moment. La myriade de quêtes vous fera voyager aux quatre coins de Tamriel pour vivre des aventures hautes en couleur. Avec cet opus multijoueur, nous sommes littéralement plongés dans l’univers imaginé par Bethesda et finalement, c’est ça le plus important. La série des Elder Scrolls est avant tout une affaire d’immersion comme très peu de licences ont su le faire, et de ce côté-là The Elder Scrolls Online ne trahit pas ses origines et respecte parfaitement cette longue tradition.
The Elder Scrolls Online
Développeur : Zenimax Online Studios
Editeur: Bethesda
Prix : 20 euros