Resident Evil 2 : Remaster chef

Resident Evil 2 : Remaster chef

Note de l'auteur

Quand Resident Evil premier du nom a eu droit à son remake il y a quinze ans de cela, Capcom pouvait être fier de son bébé, offrant une refonte totale du modèle original avec une pointe de modernité. Mais quand l’éditeur a paumé sa licence dans les fructueuses contrées de l’actionner décérébré, il a aussi multiplié les portages classiques, pour offrir au grand public la saga sur la majorité des plates-formes. En 2018, pourtant, le studio nippon s’est retroussé les manches et a offert avec Resident Evil 7 un retour aux sources aussi putride et sale que salvateur. Aujourd’hui, Capcom retente l’expérience du remake total en s’attaquant à Resident Evil 2, morceau culte pour beaucoup de joueurs.

Garrot zombie

Resident Evil 2 débarque en 1998 et il a une pression monstre sur ses épaules, celle de succéder au jeu qui a popularisé le survival-horror sur la nouvelle machine de Sony, ancrant définitivement l’ère de la 3D dans le jeu vidéo. Non seulement cette suite sera encore meilleure, en élargissant son terrain de jeu pour s’ouvrir sur la ville de Racoon City, mais il dédoublera l’aventure, toujours sur le principe des deux personnages du premier volet, mais pour offrir deux points de vue totalement différents. L’occasion d’approfondir la mythologie et d’ancrer définitivement la licence dans ses références au cinéma de George Romero et la jubilation d’évoluer dans une apocalypse zombie urbaine.

L’histoire débute lorsque Claire Redfield, à la recherche de son frère disparu, s’arrête à une station-service à quelques kilomètres de Racoon City. Silence total et luminaires défectueux auront raison de la méfiance de madame, puisqu’elle est très vite attaquée par des zombies aux intentions culinaires douteuses. Mais Leon S. Kennedy, jeune recrue fraîchement mutée à Racoon City, arrive in extremis pour la sortir de là avant de reprendre la route ensemble vers la ville. Une fois dans les rues infestées de zombies et de voitures brûlées, les deux compagnons se retrouvent séparés à cause d’un camionneur un peu trop zêlé, et se mettent d’accord pour se donner rendez-vous au commissariat de la ville, lieu hautement culte de la saga.

Premier constat : le titre affiche fièrement son RE Engine sans rechigner, le moteur développé pour le septième épisode et fleuron technologique des derniers jeux de la firme. Il est optimisé ici pour transformer un vieux classique aux décors précalculés en un écrin somptueux en full 3D, avec un commissariat resplendissant comparé au reste du jeu, qui demeure joli mais plus convenu. Les souvenirs émus d’hiver 98 remontent vite à la surface, sublimés par une foultitude de détails et d’ambiances stressantes à souhait. Capcom a profité du travail de restauration pour y greffer quelques pièces supplémentaires mais surtout pour modifier en profondeur l’architecture des niveaux, quitte à tout déblayer pour gagner en fluidité dans les déplacements. Ce luxe de détails est décuplé à la lueur de la lampe torche, nouveauté de ce remake et indispensable outil servant malicieusement à faire grimper le trouillomètre de deux crans supplémentaires. Évidemment, s’immerger au casque est un plus indéniable pour qui voudrait la flippe totale, et la traversée d’un simple couloir où rôde un licker devient le test idéal pour tester son rythme cardiaque, surtout quand le bougre a la faculté de grimper au plafond.

Du côté des modèles de personnages, là aussi le boulot est remarquable, avec un soin maniaque du détail sur les visages pour y insuffler de la vie. L’animation du duo Claire/Leon est exemplaire, avec un doublage de qualité autant en VO qu’en VF, mais le plus réussi reste ces satanés zombies, qui ont pu profiter d’une attention de tous les instants. Entre leurs animations géniales, tout en dodelinage constant vous forçant à anticiper le prochain tir avec soin, et la gestion crédible des impacts jusqu’au démembrement de ces charmantes créatures, Capcom a mis les bouchées doubles pour revenir aux sources du « zombie ». Vous savez, celui qui vous colle au train, qui laisse traîner son râle au fond du couloir, toujours lent et imprévisible. Et plus question de compter sur les portes ou les escaliers pour les stopper comme à l’époque : les bougres ont appris à franchir tous les obstacles.

Horreur, ô désespoir

Mais quitte à avoir rajeuni la formule du zombie classique, Capcom l’a aussi rendu nettement plus résistant. Le voir encaisser tout un chargeur dans la boîte crânienne sans sourciller suffira à convaincre n’importe quel habitué que les bons vieux réflexes n’ont pas lieu ici. La fameuse tâche de sang qui indiquait le trépas définitif du carnivore n’est plus, et il faudra s’y reprendre à plusieurs fois avant d’en être débarrassé, quitte à taillader au couteau pour être sûr qu’on ne l’y reprendra plus. Dans ce Resident Evil 2 nouvelle génération, plus question d’éradiquer la menace coûte que coûte, il vaut mieux déguerpir quand c’est possible pour éviter le manque de munitions. Un cas qui peut arriver souvent en mode Normal, avec néanmoins l’apparition de poudre pour crafter ses cartouches maisons. Le jeu ne lâche pas facilement son stuff, et encore moins pour le joueur qui ne tient pas à explorer plus que ça : entre les sacoches pour étendre l’inventaire, des armes optionnelles et leurs accessoires qui vont avec, finir l’aventure sans sortir du chemin balisé, ça devient presque suicidaire. Et lorsqu’un Terminator en imper fait retentir son pas lourd pour vous pourchasser sur tout un niveau, on se sent vite vulnérable malgré les capacités de votre personnage. Forcing de l’aspect survie ou malencontreux dosage entre le milieu et la fin du jeu (où on peut littéralement crouler sous les munitions) ? Difficile à déterminer, mais l’expérience devient parfois frustrante.

On comprend très vite le choix de Capcom de miser sur un survival pur plutôt qu’un entraînement au tir sur cibles mouvantes. Resident Evil 2 vise bien plus une expérience tétanisante grâce à la rareté des objets à trouver et à la résistance de vos adversaires. On est loin de l’exagération de violence type série B des épisodes 5 et 6, mais avec les multiples ajouts de gameplay de la série, un couteau incassable n’aurait pas été du luxe, surtout quand on peut se retrouver facilement sans aucun moyen de se défendre. Non pas qu’on veuille le retour de l’inexplicable german suplex de Leon, mais voir nos personnages incapables de repousser des zombies d’un coup de talon dans leurs chicots déchaussés, jusqu’à tourner autour d’une table pour éviter une morsure fatale, ça peut vite transformer des affrontements épiques en un épisode de Tom et Jerry.

Mais en 1998, les limitations techniques équilibraient mieux les moments de stress avec les quelques pauses pour reprendre son souffle. Ici, même les pièces de sauvegardes peuvent voir débarquer ce titan en imper, ce qui rend le stress quasi permanent. C’est certainement voulu, surtout quand on doit multiplier des allers-retours dans des couloirs où l’on ne sera pas accueilli à bras ouverts (enfin si, mais pas dans le bon sens du terme), mais un meilleur dosage entre peur et moments de respiration n’aurait pas été du luxe. Ce remake est néanmoins plus permissif, avec la disparition des rubans encreurs (sauf en difficile), un inventaire extensible et ces fameuses poudres à canon pour les munitions.

Si le gameplay s’est modernisé de bien belle manière, la construction du jeu, elle, est restée globalement la même. Et ce n’est absolument pas un défaut en soi, puisque la recherche de clés pour déverrouiller certaines zones en multipliant les allers-retours devient un plaisir suranné, se rapprochant d’un Metroidvania. Le commissariat représente le plus gros morceau, comme à l’époque, avec les quelques améliorations bienvenues pour parcourir certains passages l’esprit un peu plus tranquille. Bloquer les fenêtres avec des planches en bois sera le meilleur moyen d’avoir de mauvaises surprises, surtout quand le titre peut faire réapparaître quelques « copains » dans un couloir précédemment nettoyé. On ne fait jamais le malin très vite dans Resident Evil 2.

En parlant d’esprit malin, il n’y aura pas que ces monstres venus des enfers qui tenteront de vous attaquer le cerveau, mais plusieurs énigmes savamment placées. Pas de quoi non plus effrayer les moins cérébraux d’entre vous, mis à part quelques casse-têtes pas insurmontables, il faudra surtout trouver son chemin pour atteindre le sésame qui débloquera la suite de l’aventure. Certains effets de mises en scène vous sauteront littéralement à la gorge, et resteront effrayantes, même vingt ans plus tard (maudite salle d’interrogatoire). Si l’aventure reste linéaire, elle bifurquera, comme avant, entre deux cheminements suivant le personnage que vous aurez choisi.

Licker de cerise

Si le titre donne l’impression de pouvoir vivre une aventure totalement différente en choisissant Claire ou Leon, les nouveaux venus vont vite déchanter : choisir le scénario A ou B modifiera simplement une partie de l’histoire ainsi que les personnages secondaires rencontrés. Les deux compères iront dans le même commissariat et effectueront les mêmes énigmes, à deux ou trois détails près, notamment sur l’équipement. Alors que Leon bénéficie d’un arsenal centré sur le combo flingue et fusil à pompe, Claire aura droit à une armurerie plus variée, avec pistolet de base, lance-grenades et fusil mitrailleur en option. De quoi rabattre la langue des lickers sur votre chemin. Mais si ce choix narratif respecte l’épisode original, le remake n’en profite jamais pour jouer avec ces points de vue différents, les laissant opérer chacun de leur côté sans trop savoir ce que fait l’autre, sauf en de trop rares occasions.

Et pour avoir droit au « Pendant ce temps, à Vera Cruz », il faudra terminer une première fois l’aventure et débloquer son scénario Bis, qui vous met aux commandes de votre alter-ego afin de voir ce qu’il glandouillait pendant ce temps. Si la base est cohérente avec ce que vous avez traversé précédemment, jouant sur les quelques moments de retrouvailles entre les deux protagonistes, la flemmardise des développeurs tombe comme un couperet inévitable. Ce « Bis » qui porte finalement très bien son nom ne fait que recycler les mêmes décors, ajoutant quelques pièces anciennement verrouillées. Pire, le déroulé de l’aventure se moque de la cohérence, puisque les mêmes énigmes refont surface, comme si le jeu avait tout remis en place après le passage de votre acolyte, jusqu’à refaire péter un pain de C4 pour détruire le même mur, à croire que les zombies ont tous été maçons dans une ancienne vie. On recycle également les mêmes boss aux mêmes endroits, histoire de parachever cette occasion manquée d’avoir un autre point de vue bien différent. Quitte à moderniser le gameplay, Capcom aurait pu revoir sa recette originale pour faire de même avec la structure narrative de son jeu.

Comme le titre original, Resident Evil 2 regorge de modes bonus à débloquer ici et là qui feront plaisir aux fans, avec armes et costumes optionnels, et les vegans en herbe seront heureux d’apprendre que Tofu revient en fanfare à travers un mode spécial pour incarner différents personnages avec inventaire préétabli et chemin différent. Avec un season pass aux abonnés absents, on aurait pu penser à la disparition des DLC pour reproduire à l’identique l’expérience de 98, mais Capcom a tenu à ajouter gratuitement le mode Ghost Survivors, des petites histoires mettant en scène trois malheureux croisés dans l’aventure mais dont on connait déjà leur funeste destin. Plus difficile que l’aventure classique, ces nouveaux récits ont le mérite de prolonger l’aventure avec même quelques nouveaux ennemis, l’occasion de pouvoir cauchemarder encore plus une fois la console éteinte.

Si Resident Evil 2 peut se targuer d’être l’un des meilleurs remakes à ce jour, grâce à une jouabilité moderne et un moteur graphique qui revisite avec soin tous les souvenirs des trentenaires émus, il parvient également à moderniser ses mécaniques pour offrir ce qu’il faut de sueurs froides stressantes sans jamais trahir son matériau original. Quitte à parfois aller trop loin avec des zombies encaissant vos bastos judicieusement conservées, privilégiant la vulnérabilité de votre héros à celle de la tête de vos ennemis. Un forcing du survival tout à fait respectable mais parfois trop extrême quand le joueur se retrouve à poil devant trois zombies au milieu d’un couloir. Mais difficile de passer outre la paresse du game design autour de la mécanique des différents scénarios, qui aurait pu être bien plus audacieux au lieu de rester sur ses acquis pour refaire traverser quatre fois les mêmes couloirs avec les mêmes énigmes. Un point faible qui l’empêche de dépasser son grand frère dans la catégorie des « remakes qui défoncent ».

Resident Evil 2 (remake)
Développeur : Capcom
Éditeur : Capcom
Plate-formes : PS4 / XBOX ONE / PC
Prix : 60 euros

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