
Retour aux sources (Atlanta / FX)
Le cru 2016 aura décidément fait la part belle au thème de la musique (Vinyl, Roadies, The Get Down). Et l’on peut désormais y ajouter Atlanta, un format court créé par Donald Glover (Community) même si les épisodes débordent largement du seul contexte musical.
Comme le titre l’indique, Glover nous guide tout au long d’un voyage au cœur de sa ville. Si d’aucun imaginait une posture artistique prétentieuse, cette introduction sérieuse – et formellement presque sage – annonce plutôt le meilleur.
Contrairement à d’autres illustres comédiens (notamment ceux issus du stand-up) ayant eu les faveurs d’un network qui leur confiait une série, Glover n’a pas choisi de mettre en avant son personnage réel. Ici, Earn (remarquez son prénom, la contraction de Earnest, qui signifie également “gagner” sa vie) n’est pas l’artiste mais le cousin d’un rappeur dont il souhaiterait être le manager. Papa d’une petite fille, Earn lutte pour maintenir une vie de couple trop distendue et ne s’en sort pas avec un job de représentant où il doit interpeller des passants à l’aéroport.
Néanmoins, l’exposition de sa personne est très légère, presque en retrait. L’environnement et la reconstitution d’une réalité sociale prédomine. Glover a grandi dans la banlieue d’Atlanta (Stone Mountain) et il apparaît très rapidement qu’il souhaitait développer le lien affectif qu’il ressent pour sa ville (le tournage a eu lieu principalement autour d’East Point).
Les décors reflètent effectivement ce cadre défraîchi des quartiers interlopes sudistes mais l’appartenance et les liens familiaux ne sont jamais très loin, comme pour s’empresser de souligner combien ces lieux peuvent être aussi une source de bonheur.
Dans le deuxième épisode, une scène cocasse présente une conversation de commissariat. Un homme, pour le moins bavard, ne peut s’empêcher de livrer son histoire à Earn qui n’en demandait pas temps. Le débit infernal et le degré d’implication dans un patois local rendent son monologue presque totalement incompréhensible. Mais si l’objectif de cette scène est avant tout burlesque, le regard porté sur le jacteur n’est en rien condescendant. On sent bien que Glover cherche ici à faire partager les couleurs de sa ville et cela passe aussi par le verbe.
Du reste, l’acteur trouve ici une attitude naturelle à des années-lumière du fantasque de son Troy Barnes dans Community (NBC). Les personnages d’Atlanta ne roulent pas sur l’or et forment l’antithèse d’une série comme Ballers (HBO) avec ses problèmes de riches sportifs.
Le casting propose donc un ensemble de performances dominées par une sobriété qui s’éloigne singulièrement du registre de la comédie. Les rares saillies désopilantes n’en sont que renforcées.
Mais si on pouvait s’attendre à un sujet plus orienté sur le vecteur dramatique, la mise en scène surprend par sa teneur directe et sans effusion. Il faut savoir que Donald Glover a fait appel à Hiro Murai, soit le réalisateur attitré des clips de son avatar musical (Childish Gambino). Murai n’avait absolument aucune expérience sur le petit écran et ses faits d’armes antécédents pouvaient laisser penser qu’il appliquerait ici des techniques bien plus maniérées pour assembler Atlanta. Il n’en est rien et la simplicité de ces cadrages, couplée à une lumière souvent naturelle, élève le propos de la série.
Lorsque l’on découvre le second épisode, on comprend pourquoi FX a souhaité le diffuser dans la foulée du premier. Sa tonalité plus enjouée en fait un contrepoint plus accessible pour ne pas s’aliéner immédiatement un public venu y chercher le seul ressort comique.
Malgré cela, on peut deviner qu’Atlanta ne séduira pas les foules. C’est pourtant une destination à surveiller en ce début de rentrée.
ATLANTA (FX) Saison 1 en dix épisodes.
s01 e01&02 : The Big Bang & Streets on Lock.
Série créée par : Donald Glover.
Épisodes écrits par : Donald et Stephen Glover, Stefani Robinson, Jamal Olori (entre autres).
Épisodes réalisés par : Hiro Murai (7 éps), Janicza Bravo (1) et Donald Glover (2).
Photographie de : Christian Sprenger.
Avec : Donald Glover, Brian Tyree Henry, Keith Stanfield, Zazie Beetz, Isiah Whitlock Jr. et Myra Lucretia Taylor.
hallucinations of autobiographic memory. experience #atlantafx tomorrow. pic.twitter.com/Tx4e9jYWJA
— AtlantaFX (@AtlantaFX) 5 septembre 2016
Visuel : Atlanta © FX Productions