Le gloubi-boulga pour les nuls (bilan de la saison 1 de Revolution)

Le gloubi-boulga pour les nuls (bilan de la saison 1 de Revolution)

Note de l'auteur

« Les révoltés du disjoncteur, le retour » aurait été un excellent titre français. Photo WB

À la fois fausse série post-apocalyptique, ensemble show foireux et thriller éventé, la série événement de la rentrée 2012 sur NBC aura englouti les espoirs qu’elle a suscités de façon méthodique et aberrante. Un bon gros flop qui mérite une autopsie en règle, sans attendre le constat de décès.

Mais avant de sortir le scalpel, et après une courte mise en bouche qui donne le ton, un petit aveu.

Ces dernières semaines, on n’a pas cessé de me demander une chose : « Mais pourquoi tu regardes encore cette série ? ». C’est une excellente question.

La réponse est un peu à choix multiple. La principale raison, c’est que, lorsque, au début de l’été dernier, la rédac séries du Daily Mars s’est partagée les nouvelles séries à chroniquer, j’ai fait le fier à bras et je crois que je devais le payer. J’ai pensé qu’il se passerait un truc avec cette série. Je ne vais pas réécrire ce que je pensais du potentiel du show, du respect que j’avais pour son créateur (Ô joie des liens hypertextes), mais sur le papier, ça semblait le faire. Finalement, très vite, le soufflet est retombé.

J’aurais alors pu lâcher l’affaire, c’est vrai. Mais j’ai un côté jusqu’au-boutiste et je me suis dit que ce n’était pas possible, qu’il allait bien se passer un truc à un moment ou à un autre. Et cela, quand bien même la série a atteint le point de non-retour dès l’épisode 6 (prix True Blood 2012).

Rachel : « Bonjour, je suis en colère et je viens visiter votre maison. On peut aller dans votre salle à venger ? ».
Charlie : « Arrête, maman. Je te promets, t’es lourde… ». Photo Brownie Harris/NBC

J’ai donc continué, même après la pause de mi-saison et son final sans grand relief. Et j’ai fini par légitimer ça. Un peu comme si c’était une expérience sociologique.

Grâce à cette aventure, j’ai compris ce qui était, à mes yeux, une série complètement ratée. J’ai tendance à penser que quand on aime les fictions à épisodes, parfois, il faut pouvoir se fader une bonne grosse bouse fumante pour apprécier ce qui est de qualité. Ça permet de mieux comprendre la mécanique d’une narration réussie et ce pour quoi j’aime cet univers. Ça s’appelle la passion, messieurs dames : c’est pour ça que je vibre et c’est pour ça que je pianote ici.

Non, je vous charrie : en vrai, je me suis dit qu’à un moment, je finirai par avoir raison. Je suis une vraie boule d’orgueil.

C’est mon côté Jack Shephard, je ne vois pas autre chose.

Et donc, Revolution.

Si vous avez lâché la série cet hiver, lassé par la faiblesse de ses ambitions narratives, il est difficile de vous en vouloir.

Dans la deuxième partie de saison, le personnage de Charlie devient un robot. Non ? Mais alors pourquoi elle ne sert plus à rien ? Aaaah, elle n’a pas de « mystère ». C’était donc ça… Photo Brownie Harris/NBC

Le show a-t-il profité de la pause imposée par le network pour développer un robuste contexte post-apocalyptique ? Non. Le récit se contente de dézoomer l’action. On ne s’intéresse plus seulement à ce qui se passe dans la République de Monroe mais aussi en Géorgie (qui a une présidente – oooh) et dans la Nation des plaines (qui a des chevaux – hiiiihiihiii).

La série a-t-elle structuré plus solidement son intrigue globale ? Non plus. Si les flashbacks permettent de comprendre pourquoi les vendeurs de bougies ont fait un come back retentissant dans l’économie mondiale, si le récit lorgne sur un sujet potentiellement énorme (les nano-technologies et leur impact sur le monde), le tout est développé de manière incroyablement fainéante et maladroite.

Jamais on n’est vraiment embarqué, emballé par cette trame centrale qui ressemble furieusement à une cabane construite sur des bâtons d’esquimaux.

Les personnages ont-ils gagné en densité ? Non et les scénaristes nous prennent pour des imbéciles. La grande marotte des auteurs, c’est effectivement de marteler crânement des postulats : Rachel Matheson veut se venger ; Miles Matheson est torturé par son passé ; Charlie ne sert à rien ; « Miles et Monroe sont dans un partenariat domestique compliqué », etc. Tout ça est posé, imposé, sans jamais développer les motivations des uns et des autres, et encore moins les interactions qui existent entre eux. Du coup, on ne ressent aucune empathie pour ces personnages, constamment brinquebalés par les rebondissements artificiels d’une intrigue en carton pâte.

Exclu : Giancarlo Esposito au moment où on lui a dit que Revolution aurait une saison 2. Photo Brownie Harris/NBC

Une intrigue que l’on peut résumer en une phrase : Rachel-qui-veut-se-venger veut remettre le courant pour faire payer  Monroe. Du coup, tant pis pour les enfants mourants, les lesbiennes cancéreuses et les personnages secondaires qui aiment saigner. Eh oui, la vengeance, c’est la vengeance bordel !

Le pire dans tout ça ? Je n’exagère même pas, c’est effectivement ce qui se passe ! Le personnage d’Elizabeth Mitchell, confrontée à une scène voulue traumatisante dans l’épisode 11, est l’un des personnages les plus détestables, égoïstes et bancals que l’on ait pu voir à la télé américaine. Et surtout, il est marqué du sceau de la série. C’est un personnage qui a un « mystère ». Ou un « traumatisme ».

Un « truc » qui consiste à épargner aux scénaristes tout développement psychologique cohérent des personnages. Même si ça pourrait créer du lien avec le téléspectateur ? Mais on s’en fout : ce qui compte, c’est le mystère, la quête à géométrie variable et les retournements de situation cons comme une valise sans poignée.

Miles Matheson et Sebastian Monroe sont eux aussi dans cette catégorie. Et c’est ce qui justifie, au final, une mascarade aberrante. Sans guillemets.

Sebastian Monroe et le secret de Brokeback chandelle. Photo Brownie Harris/NBC

Si la série avait été écrite par Joss Whedon, on aurait eu un personnage de Charlie fort, et Miles aurait gagné en épaisseur parce qu’il aurait desserré la mâchoire de temps à autre. Si la série avait été écrite par JJ Abrams, les relations qui existent entre Rachel et sa fille auraient peut-être été plus soignées. Si la série avait été écrite par Graham Yost, les personnages de Neville et Monroe ne seraient pas des pantins désarticulés mais des personnages mus par une logique compréhensible. Ils seraient même touchants.

Là, pas de bol Anatole : la série est produite par un Eric Kripke en RTT depuis neuf mois. Produite et pas franchement écrite puisque le bonhomme n’a signé, en tout et pour tout, que deux scripts (le pilote et l’épisode 2) avant de co-signer l’histoire du final. Si un showrunner n’est pas obligé d’être un auteur associé directement à tous les scripts, et si Kripke n’a jamais été un acharné de l’écriture d’épisodes, je ne peux m’empêcher de trouver sa participation bien faible pour le lancement du projet.

A-t-il choisi les mauvais compagnons de route avec Monica Breen, David Rambo (Ah, David… l’homme de la flasque pare-balles. Un génie !), Paul Grellong et tous les autres ? Vu que NBC s’est empressée d’annoncer l’arrivée la saison prochaine de Rockne S. O’Bannon (Cult) dans le pool de scénaristes et que Ben Edlund (Supernatural, Angel) va lui aussi débarquer, j’ai envie de dire que oui.

Allez, bon courage Miles. N’oublie pas de nous ecri… non, laisse tomber. Photo Brownie Harris/NBC

Mais pour moi, le mal est fait. A la rentrée, Revolution, ce sera sans moi. Je veux bien être patient mais là, franchement, je n’ai plus le courage. Et puis bon, avoir de l’orgueil, c’est bien, mais personnellement, ça me fait faire des choses beaucoup trop stupides.

REVOLUTION,
saison 1 (NBC)

Créée et showrunnée par Eric Kripke
(Producteurs exécutifs : JJ Abrams et Jon Favreau)

Avec : Billy Burke (Miles Matheson), Tracy Spiridakos (Charlie Matheson), Giancarlo Esposito (Tom Neville), Graham Rogers (Danny Matheson), Anna Lise Phillips (Grace), Daniella Alonso (Nora Clayton), Tim Guinee (Ben Matheson), David Lyons (Sebastian Monroe), Elizabeth Mitchell (Rachel Matheson), Zak Orth (Aaron Pittman).

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