
Revue de Presse : L’éternel retour (Friends, Twin Peaks…)
Ok, c’est une actu loin d’être brûlante, ça date un peu de trois semaines, mais l’air de rien, sur les front des séries, on était un peu submergés ces derniers jours. Il était une fois, donc, dans l’univers sériephile, des gens bien intentionnés et passionnés qui ont relayé une news d’un site mexicain pas spécialement connu pour fournir des scoops. Friends allait revenir sous la forme d’une saison 11. Sur NBC. En 2014.
Pourquoi est-ce que cette fausse info, basée sur un « hoax » (la photo en illustration de l’article, fake très bien réalisé il y a quelques mois par des fans, et déjà identifiée comme telle par Matthew Perry et Matt LeBlanc) a fini par prendre une telle ampleur, et agiter le net français pendant toute une journée ? Parce que la grande majorité des sériephiles français ont vu le jour grâce à Friends. Certains avaient commencé avec Urgences, X-Files, les vieux de la vieille avec Star Trek et Le Prisonnier, mais le gros du contingent a vu le jour au milieu des années 90.
Du coup, agiter un retour de la série aimée, qui plus est une série comique de très bonne facture avec un fort capital sympathie, c’en était trop. Ici, l’envie a prévalu au bon sens (genre, vérifier la source, constater en deux secondes que l’info n’était pas reprise par les gros newsers américains type tvline.com ou deadline, pour ne citer qu’eux). Soyons clairs, ce genre de grosse news, si elle était fondée, ne serait pas lancée par un site mexicain. La fausse news aura eu le mérite de soulever des questions concernant Friends.

ils n’ont pas l’air comme ça, mais ils sont pas du tout motivés
Déjà, on doute de la validité artistique d’un tel projet. Friends racontait la vie de jeunes d’une trentaine d’années qui avaient du mal à passer à l’âge adulte. On les a quittés au moment où ils avaient atteint l’âge de raison, 35 ans pour la plupart. Certains allaient partir élever leurs enfants, un allait partir (ne pas) réussir à Hollywood. Ressortir Friends du placard signifierait les voir évoluer dans un univers différent de celui qu’on a apprit à aimer. Il aurait aussi fallu les obliger à revenir habiter dans une zone commune (bonjour les artifices). Aussi séduisante soit-elle sur le papier, l’idée d’une telle réunion n’a aucun sens.
Ensuite, le cast n’a pas l’air convaincu d’y retourner. Schwimmer a disparu de la circulation, Perry joue Chandler Bing depuis vingt ans partout où il va, Cox et LeBlanc ont l’air d’avoir fait leur deuil de la série, Jennifer Aniston est condamnée à jouer des comédies romantiques ineptes jusqu’à la fin de sa carrière, sorte de Groundhog Day de la guimauve (à moins qu’elle décide de faire une Meg Ryan, et de s’injecter l’équivalent du poids d’un poney dans les lèvres, et de s’implanter des bois de cerf dans les joues).
Par contre, et c’est révélateur de l’état de délabrement dans lequel se trouve la chaîne, du point de vue de NBC, c’est très crédible. On en vient même à se demander si cette annonce n’a pas été initiée par la chaîne, histoire de prendre la température. NBC s’est sabordée en ne lançant pas de nouveaux titres risqué à l’entrée de 2000, préférant gonfler la durée des épisodes de ses gros succès. Un retour d’une série emblématique ferait certainement du bien, ponctuellement, à la chaîne. NBC en est là.

je crois qu’il se moque de nous
Cette annonce en rappelle une autre, née dans des conditions abracadabrantes. Dans un forum, un type commence son post ainsi « croyez moi si vous voulez, mais David Lynch avait rendez vous chez NBC (encore eux!) pour parler de l’éventualité de faire une nouvelle saison à Twin Peaks ! ». Là encore, on touche au cultissime. Twin Peaks est à l’égal de Friends, une série fondatrice. Beaucoup pensent que la série a été arrêtée trop tôt. L’éventualité d’un retour va au-delà de la simple nostalgie. Il existe une volonté de voir la fin d’une histoire.
Sauf qu’évidemment, prendre au sérieux un tel message revient à croire tout ce qui passe (moi, perso, j’ai croisé George Lucas, croyez-le ou pas, il va faire un Star Wars VII de son côté !). De plus, il n’existe quasiment aucune chance de revoir David Lynch à la télé après Mullholland Drive. Faudrait déjà qu’il revienne au cinéma, et c’est loin d’être gagné, le bonhomme semblant être plus occupé à vendre du café ou a demander sur twitter « TWITTER, HOW ARE YOU TODAY ». De plus, hormi Madchen Amick qui doit avoir un portrait d’elle qui vieillit à sa place, tout le monde a prit de l’âge, et pas qu’un peu. Maintenant, pourquoi pas, après tout, Dallas l’a bien fait. Twin Peaks était une perversion de Dallas, Twin Peaks le retour pourrait être une perversion du nouveauu Dallas.
Dès qu’on touche à une marque aimée, le net s’affole, et on peut difficilement lui en tenir rigueur. On touche à des quasi-madeleines. On parle autant au sériephile déjà construit qu’à celui, enfoui en nous, qui était encore au stade de la découverte. Il est aussi révélateur des stratégies de chaînes, qui remakent, rebootent à tour de bras. Quand on voit l’engouement que provoque un nom devenu une « marque », on peut difficilement leur tenir rigueur de vouloir capitaliser (1). Après tout, nous sommes les premiers à alimenter ce système.
(1): et je ne dis pas ça seulement parce que j’ai participé à une table-ronde organisée par Allociné à Séries Mania sur ce sujet. Mais un peu, quand même.
Hélas, Franck Silva (BOB) est mort. Mais moi tant que D. Lynch est au générique -et il était le premier à regretter de devoir terminer sa série- je signe pour un reboot/une suite/whatever de Twin Peaks. Quand on l’a dans la peau cette série c’est pour le meilleur et pour le pire.
Be seeing you,
The fire walks with me
Mentine