Robin Hobb et Assassin’s Fate : la fin d’un cycle ?

Robin Hobb et Assassin’s Fate : la fin d’un cycle ?

Note de l'auteur

Le dernier ouvrage de la trilogie du Fou et de l’assassin est sorti en anglais en mai dernier. En français, l’avant-dernier tome vient de paraître et il faudra attendre le mois de mars avant de savoir comment se terminent les aventures du Fou, de Fitz et d’Abeille. Divulgâchage donc, pour les francophones, concernant notamment Assassin’s Fate mais aussi Les Aventuriers de la mer. Mes excuses.

J’ai mis du temps pour terminer ce livre. En fait non. Une fois lancée, j’ai dû le dévorer en deux jours. Mais je n’osais pas le commencer. La bonne formulation est donc : j’ai mis du temps à commencer ce livre. Parce que mon histoire d’amour avec Robin Hobb date de 2002, quand j’ai découvert pour la première fois Fitz en collection Piment. Et qu’en 15 ans, je l’ai suivi, religieusement, d’un livre à l’autre. C’est pour lui et pour Harry Potter que je me suis mise à lire en anglais. Il m’agaçait souvent, et je trouvais que Robin Hobb, avec tout son talent et sa verve, n’était pas très douée pour écrire ses fins. La première trilogie ? On met trois ans à trouver Vérité, ce n’est franchement pas simple de communiquer avec lui et en deux secondes le voilà Dragon à partir à la guerre et trois pages plus loin, pouf, c’est terminé. La deuxième trilogie ? Salut je sauve le fou, mais je me perds dans un pilier, trois pages plus loin j’embrasse Molly. Ok, je suis un peu dure, mais chat échaudé craint l’eau froide. J’avais peur de terminer cette dernière aventure.

Déjà parce que Robin Hobb a une tendance à être très dure avec un certain type de personnages que j’apprécie. Il s’agit de la peste, de la femme un peu vaine et sûre de son charme, incarnée par Malta ou Évite. Et que dans l’ouvrage précédent, une histoire de viol m’avait un peu agacée. Si certes ces personnages sont capables d’une véritable évolution, et qu’il est intéressant de les voir passer d’insupportable à sans merci, il est dommage que ce soit les principales victimes d’un défaut considéré comme féminin, à savoir la vanité. Pourtant, le viol, qu’il s’agisse d’Althéa ou de Évite, trouve une plus grande place dans ce dernier tome. Celui d’Althéa notamment, dont l’écriture et la violence avaient été rapidement balayées dans Les Aventuriers de la mer. Peut-être par mea culpa, l’autrice y revient dans Assassin’s fate, donnant enfin la parole à sa victime, montrant à voir des conséquences de cette violence. Et lui offre aussi un futur neuf, qu’il faudra désormais réinventer avec la transformation, la libération, de Parangon et Vivacia. Plus jamais Althéa et Brashen ne piloteront de Vivenefs. Pour leur fils, leur famille c’est une nouvelle page qui s’écrit.

Car dans Assassin’s fate, il est question d’héritage. De famille. De transmission. Du futur. C’est le moment où tous les livres écrits dans l’univers du Royaume des Anciens se rassemblent. Nous y croisons donc Althéa, Malta, Thymara, et Ambre est présente la majorité du temps. Kettricken reprend une place prépondérante et nous rappelle que même en ayant été souvent décrite comme un personnage de fond dans ces derniers volumes, elle reste une force de premier plan. Les fils s’entrecroisent. Et c’est avec angoisse que nous voyons le Fou et Fitz se déchirer. Le Fou et Abeille incapables de communiquer. Les points de vue vont en s’accélérant entre père et fille vers un dénouement annoncé dès la fin de la première trilogie. C’est dur et pour deux raisons. Déjà, voir le Fou rejeté par « sa » fille après avoir perdu son Catalyseur. Abeille n’est qu’une très jeune enfant et il faut s’en souvenir lorsqu’elle rejette Bien-Aimé (que l’on sait avoir été torturé, n’être qu’amour pour cet enfant, et souffrir sans fin).

C’est dur ensuite, lorsqu’il faut dire au revoir. Œil-de-Nuit n’a jamais été aussi vivant, et c’est avec une femme, une reine, que l’on ferme le ban. On dit au revoir à une triade que l’on a vu se former, se déchirer pendant trois trilogies en anglais, 19 livres en français. Pour une fois, Robin Hobb prend son temps pour dire au revoir à ses héros. Elle laisse au lecteur un moment pour assimiler que non, en théorie, nous ne reverrons pas Fitz jouer avec sa fille, ou monter à cheval. Elle prend le temps, tout en ouvrant une porte sur d’autres récits possibles à Castelcerf, une nouvelle génération de héros et héroïnes étant apparue. Abeille, Lant, Évite, Per. En utilisant les deux points de vue, ceux d’Abeille et de Fitz, l’autrice a intelligemment préparé son lecteur à la passation du relai. Mais cela a été une longue course en compagnie d’un bâtard, d’un bouffon, d’assassins et de dragons. Et c’est avec mélancolie que l’on ferme ce dernier livre, qui malgré certaines longueurs, n’aurait étrangement pu être mieux.

(Nous avions eu la chance d’interviewer Robin Hobb il y a deux ans. Interview ici)

Assassin’s Fate
Écrit par Robin Hobb
Édité par HarperCollins

Partager