
Ron Perlman à Monte-Carlo : « J’aime être dans un voyage où j’oublie où je suis »
Ron Perlman était à Monte-Carlo, portant pour l’occasion la casquette de juré de la catégorie miniséries. Autour de la table ronde, il s’exprime sur son actualité, la série Hand of God, et sur la persistance de l’aventure irrésolue Hellboy dans sa vie et celle de ses fans.
Vous avez récemment utilisé Twitter pour un appel aux fans de Hellboy afin de faire un troisième film. S’est-il passé quelque chose ces dernières années qui vous a poussé à faire cela ?
Ron Perlman : C’est ce qui ne s’est pas passé qui a déclenché cela. J’ai l’impression que c’est très commun, très simple. Où que j’aille, dans ces petits microcosmes comme celui-ci, on me posait toujours des questions concernant Hellboy III et ce que j’en pensais. Je répondais toujours que la saga devait se finir dans le troisième, et que si vous aviez été assez loyal et assez fan pour être là pour les deux premiers, nous vous en devions un. C’est comme ça que je le ressens, ni plus ni moins. Est-ce que je veux mettre du maquillage pour 4 heures chaque jour ? Non, mais je pense que nous devons aux fans de finir l’histoire. Je le dis depuis des années et, pour une raison inconnue, en sortant d’une interview où j’avais été très spécifique sur pourquoi nous avons un engagement à tenir, j’ai décidé de l’exprimer dans un tweet. D’habitude mes tweets ont une durée de vie de 10 minutes, après les gens passent à autre chose si on n’a pas une actualité brûlante. C’est comme ça que ça marche sur les réseaux sociaux. Je gagne 20 ou 30 followers, j’en perds 14 ou 15, mais j’ai toujours une longueur d’avance. C’est comme ça depuis 2 ans, je ne m’attendais pas du tout à ce raz-de-marée d’enthousiasme, c’était remarquable. Je ne vais pas en dire plus, mais c’est vraiment intéressant et une leçon d’humilité de voir qu’il y a des gens là dehors qui aiment les films. Ils aiment le personnage, ils veulent passer plus de temps avec lui et voir comment il va résoudre le dilemme : est-il une bête de l’Apocalypse ou va-t-il faire quelque chose pour court-circuiter cet événement non négociable, parce que c’est comme l’oracle grec, on ne peut pas l’éviter ? Tu ne peux pas t’en sortir si facilement. Si tu es la bête de l’Apocalypse et que tu es là pour détruire l’espèce humaine, qu’est-ce que tu vas faire, putain de merde ?
Durant votre carrière, il semble que vous ayez une loyauté pour certains réalisateurs. Comment expliquez-vous cela, cette connexion : Jean-Jacques Annaud, Jean-Pierre Jeunet, Guillermo del Toro… ?
En fait, c’est l’inverse. C’est à eux qu’il faudrait le demander, mais je crois que j’ai eu le bénéfice de travailler avec des hommes que j’en suis venu à admirer et à aimer comme des frères. Et tous les deux, trois ans ils arrivent à trouver un nouveau projet sur lequel on peut travailler ensemble, et chercher de nouvelles couleurs sorties de nulle part pour créer de nouvelles peintures. Jean-Jacques sera toujours le premier, il m’a donné mon premier film. On est tombé amoureux en tournant La Guerre du feu. Puis quelques années plus tard, il m’a donné le personnage préféré d’Umberto Eco dans sa plus grande œuvre Le Nom de la rose. Trois ans plus tard, alors que j’étais en train de perdre ma maison et que mes enfants allaient perdre leur place à l’école parce que je n’avais pas travaillé depuis trois ans, il est arrivé sur son cheval blanc pour me donner un rôle dans Enemy at the Gates – Stalingrad. Il repart sur son cheval et je revis. Il est un peu comme un ange, il a littéralement rendu le souffle à ce vieux cheval de guerre. Guillermo est arrivé et m’a apporté un peu la même chose. Quand je ne travaille pas pendant de longues périodes, je reçois un coup de fil de Guillermo, qui me dit qu’il a quelque chose pour moi. Et puis on le fait.
Vous avez beaucoup travaillé dans des films ou des séries fantastiques ou de science-fiction. Est-ce que ce sont des genres que vous affectionnez particulièrement en tant qu’acteur et en tant que spectateur ?
Il semble que c’est un genre que les gens que je viens de décrire apprécient. Guillermo aime ça, c’est pour ça que j’en fais si souvent : je suis un pion sur l’échiquier. Ce n’est pas personnel, c’est mon rôle en tant qu’acteur, aller là où le travail est. Et quand on travaille avec quelqu’un comme Guillermo, qui a une œuvre particulière, le travail sera orienté vers le fantastique.
Le nouveau personnage que vous jouez dans la série Hand of God semble incroyablement complexe, de ce que nous avons pu en voir. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Il est en effet très complexe, il est comme un roi. C’est l’homme le plus privilégié et le plus puissant de son monde. Il est magistrat dans cette petite ville du centre de la Californie, mais toutes les rues tirent leur nom de son grand-père. Il est littéralement l’héritier, et il exerce une influence considérable sur la vie de toutes les personnes importantes de cette ville. C’est un homme qui, dans toute sa vie, n’a jamais connu que la victoire. Mais, quand on le rencontre, son fils est sous assistance respiratoire après s’être tiré une balle dans la tête. Sa vie ne tient plus qu’à un fil, un fil ténu entre la vie et la mort. Donc pour la première fois, le juge est en train de perdre et il perd tout : son héritier, son fils, l’emprise qu’il pensait avoir sur toutes les choses dans la vie.
Pensez-vous que la manière dont Amazon choisit les pilotes est originale ?
Amazon a un modèle économique très spécifique : subvenir à des besoins qu’ils observaient chez les gens. Maintenant qu’ils produisent du contenu original, ils font la même chose. Ils explorent un produit, ils font un épisode pilote, le sortent sur leur site et ils disent : est-ce que vous en voulez plus ? Si leurs clients disent « On aime ça, on en veut plus », on devient alors les bénéficiaires de leur générosité et ils paient pour une saison entière du show. C’est ce que nous venons juste de finir, 10 épisodes.
Vous êtes très demandé dans le monde de l’animation. Vous avez fait des voix dans Adventure Time et Archer. Est-ce toujours plaisant de faire les voix de ces shows ?
J’adore faire des voix, parce que c’est quelque chose qu’on peut faire en caleçon.
Vous êtes dans le jury pour les miniséries. Qu’est ce qui fait un bon show selon vous ?
Quand on voit quelque chose, on ne sait pas pourquoi on l’aime, c’est très difficile à décrire. Mais en regardant tous les films, avant de voter pour mon préféré, je me suis posé cette question parce que je n’ai jamais fait partie d’un jury. En fait, j’aime être dans un voyage où j’oublie où je suis. Cela peut arriver pour beaucoup de raisons différentes : beaucoup doivent cela à l’imagerie, aux interactions humaines, que les performances soient réalistes et vraiment émouvantes. Je veux alors passer du temps avec ces personnages parce que les performances d’acteurs sont si naturelles, poétiques et belles. Après, il y a l’originalité narrative, le fait que ce soit rythmé de façon à ne jamais perdre l’intérêt. Il n’y a pas de bonne et de mauvaise manière de faire : il faut le faire de façon à ce que le public décide volontairement de suivre l’histoire.
Dans Hand of God et Sons of Anarchy, il y a beaucoup de scènes shakespeariennes. Est-ce que Shakespeare est un auteur que vous aimez particulièrement en tant qu’acteur ? Est-ce que c’est important ?
Je ne suis pas très fan d’utiliser le nom de Shakespeare paresseusement. Je pense que c’est quelque chose de prétentieux, de présomptueux. Il n’y a qu’un seul Shakespeare et quand on regarde l’ensemble de son œuvre, ses 37 pièces et ses cent et quelques sonnets, on comprend pourquoi il est unique. Donc quand on balance son nom à tout va, on a tendance à être un peu sur la défensive. Je pense que j’ai appelé Hand of God shakespearien, parce que j’ai travaillé sur ses pièces : Macbeth, Hamlet, Roméo et Juliette. Donc je sais ce que c’est de se retrouver dans ces circonstances intensifiées où les gens ne sont pas ordinaires, mais royaux. Les décisions qu’ils prennent n’affectent pas qu’eux-mêmes et les gens qu’ils aiment, mais se répercutent sur toutes les facettes de la société. Hand of God reflète en quelque sorte ces attributs. Ces gens ne sont pas ordinaires, ils sont « la crème de la crème », les 1%, les 1/10ème des 1%. Ce qu’ils font a un effet sur le gars qui change les pneus à la station essence. Ils ont des goûts malsains et tordus, comme tous les gens compliqués des hautes sphères. Les scandales qui concernent nos supposés héros sont légendaires. C’est intéressant de jouer dans ce monde.
Propos recueillis par Marine Pérot lors d’une table ronde au 55ème Festival de Télévision de Monte-Carlo, en présence d’autres journalistes.
You just recently used Twitter to call for fans of Hellboy to do a third movie. I was wondering if there was anything in the past few years that was triggering that action from you?
Ron Perlman: That’s what’s not happening that triggered that. I feel as though it’s very plain, very simple. Everywhere I was going, in these little private pockets like this, there was always a question of “What about Hellboy III”, and “How do you feel about it?”. I always answered that the saga was meant to end in the third, and if you were loyal enough and a fan enough to participate in the first two, we kind of owe you one. That’s how I feel , nothing more, nothing less. Do I want to put make up on for 4 hours every day? No. But I feel we’re obligated to our fans to finish the story. I’ve been saying it for years, and for some reason I came off an interview where I was very spec ific about why we have an obligation to finish for the sake of the fans. I decided to put it out in a tweet. Usually, my tweets have a 10-minute shelf life. Then they’re on to “what have you done for me lately?” which is how it works in social media. I gain 20 or 30 followers, I lose 14 or 15, but I’m still ahead of the game. That’s how it’s been for 2 years of social media, I never expected this groundswell of enthusiasm. It is kind of something to take note of. I’m not gonna say more than that, but it has been very interesting and humbling to see that there are people out here that love the movies. They love the character, want to spend more time with the character and want to see where the character ultimately goes in answering this dilemma: Is he the beast of the Apocalypse, or does he do something to short-circuit that non-negotiable event. Because it’s like the Greek oracle there’s no getting around it. There’s no wiggling your way out. You’re the beast of the Apocalypse, you’re here to destroy mankind. What’s it gonna be, motherfucker?
During your career it seems like you have a loyalty to certain directors. How do you explain that, this connection: Jean-Jacques Annaud, Jean-Pierre Jeunet, Guillermo del Toro…?
It’s actually the other way around, they have a loyalty to me You’d have to ask them, but I feel like I’ve been the recipient of many many blessings by working with men that I’ve come to love and admire as if they’re brothers and they find ways, every few years, to find something else to do together where we explore a new set of colors to pull out of our asses, and create a new painting. Jean-Jacques will always be the first, he gave me my first ever movie. We fell in love with each other on Quest For Fire. Then a few years later, he gave me Umberto Eco’s favorite character in his greatest creation The Name Of The Rose. Then three years later, just as I’m losing my house and my kids are being pulled out of school because I haven’t worked in 3 years, he rides in on his white horse, to give me a role in Enemy At The Gates. He rides away and I’m reborn again. So he’s been like an angel, literally breathing life into the old war horse. Guillermo comes in and kind of does the same thing. When I’m not working for long periods of time, I get a call from Guillermo, who tells me he has something. Then we go and do it.
You worked a lot in fantasy and sci-fi movies and series. Is that a particular genre that you like both as an actor and as a viewer?
That seems to be a genre that the people I just described like. Guillermo likes that, that’s why I do it so much : I’m a pawn in his chess game. It’s not my own personal thing, it’s me as an actor, going where the work is. And when you’re working with someone like Guillermo who has a particular oeuvre, the work will seem to be fantasy-oriented.
The new character you play in your series Hand of God seems incredibly complex, from what we see. Can you tell us more about it?
He’s very complex, he’s like a king. He’s the most privileged, the most powerful man in his world. He’s a magistrate in this small town in central California, but every street is named after his grandfather. He’s literally the heir. There’s no life that’s important in this town that he doesn’t touch in a way that’s profound. He’s a guy who his whole life has only known about winning, but when we find him, his son is on life support, having shot himself in the head. His life is hanging on a thin thread between life and death. So for the first time, the judge is losing, and losing everything : his heir, his son, the grasp he thought he had on everything in life.
Do you think Amazon’s way of choosing pilots is original?
Well, Amazon has a very specific model of how they do business. They’ve always provided services to the world that they perceived the world wanted. Now that they’re doing original content, they’re doing the same thing. They explore a product, they make a pilot episode, put it out on the website, and they say: Do you want more of this? If their customers say “we love this, we want more of this”, we become the recipients of their generosity and they pay for a full season of shows. That’s what we just finished doing, these 10 episodes.
You’ve been very in demand in the world of animation. You did voices on Adventure Time and Archer. Is it still a fun process to voice in those shows?
I love doing voice work, because you can do it with your pants off.
You’re in the jury for miniseries. What makes a good show?
It’s very hard to describe when you see something, you don’t know why you like it. But in watching all the movies, before I voted on what my favourite was. I was asking myself that question because I’ve never been on a jury before. It turns out I just like being taken on a journey where I forget where I am. There’s a lot of reasons that make that happen: a lot of it is imagery, a lot of it is the interactions of the humans whether their performances are really real and really moving and I want to spend time with these characters, because the performances are so natural, poetic and beautiful. Then, there’s the originality of storytelling, whether it’s paced in a way that you never lose interest. There’s not a right or wrong way to do it; it’s about finding a way to do it so that the audience becomes a willing participant in staying with the story.
In Hand of God and Sons of Anarchy there are lot of Shakespearian scenes. Is Shakespeare an author you enjoy particularly? Is that important?
I’m not a big fan of throwing the name Shakespeare around. I think it’s something rather pretentious, presumptuous. There was only one Shakespeare and when you look at his body of 37 plays, you see why. So when you throw that name around, you become a little bit defensive. I think I’ve called Hand of God Shakespearian, because I’ve worked on these plays: Macbeth, Hamlet, Romeo & Juliet. So I know what it feels like to find itself in these heightened circumstances where people are not ordinary, they’re royalty. The decisions they make don’t just affect themselves and their loved ones, but ripple down to all facets of society. Hand of God kind of mirrors these attributes. These people are not ordinary: they’re la crème de la crème, the 1%, the 1/10th of 1%. What they do has an effect on the guy who’s changing the tire at the gas station. They have very sick, twisted appetites, like all complicated, powerful people. The scandal involving our supposed heroes are legend. It’s interesting playing in that world.