
Sabbat pas fort… (A Discovery of Witches / Sky One)
Du folklore cheap, des vampires aristos, des sorcières en pagaille (mais avec un chef masculin tout de même), des démons relégués parmi les prolos… Cette série brasse les lieux communs sur huit épisodes. Willow et Vanessa, où êtes-vous ?
Voilà typiquement le genre de séries auquel on donne volontiers sa chance dans un premier temps. Le point de départ n’a rien de folichon, mais on se sent d’humeur généreuse. Et puis, le motif de la sorcière reste l’un des plus intéressants toutes catégories confondues – lire à ce sujet le récent et très excellent Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet aux éditions Zones.
Le point de départ, donc. Diana Bishop est une historienne revenue à Oxford pour faire des recherches sur l’alchimie. Elle est aussi une sorcière qui a décidé de ne pas utiliser ses pouvoirs. Elle tombe sur un volume introuvable à la Bodleian Library, attirant du même coup l’attention des vampires du coin, des sorcières d’un peu partout et même des démons à l’arrière-plan. Forcément, un lien étrange et érotique (fruit d’une très ancienne prophétie ?) la lie rapidement à Matthew aux longs crocs. Droit comme un Britannique mais d’origine française – uber-sexy, en d’autres termes.
Pas de quoi sortir de ses chaussettes. Dans le rôle de Diana, l’Australienne Teresa Palmer (vue dans d’autres fictions de genre comme Dans le noir, mais aussi des romances et un film de Terrence Malick, Knight of Cups) développe un jeu plutôt intense. Mais son rôle n’est pas d’une richesse folle ni d’une profondeur abyssale. Beaucoup d’allers et retours, de révélations qui n’en sont guère, d’hésitations. Bref, ça tourne rapidement en rond. En outre, et c’est un comble pour une sorcière, Diana Bishop ne semble guère maîtresse de son devenir. Au-delà des oppositions de rigueur auxquelles elle doit faire face, elle semble la plupart du temps s’en remettre à son amant vampire pour la protéger, prendre les choses en mains, bref, jouer l’Homme.
Matthew Goode (vu notamment dans The Crown où, franchement, son rôle avait une autre envergure) joue Matthew Clairmont, avec lui aussi beaucoup d’intensité. Souvent trop, d’ailleurs. Dix fois par épisodes, il adopte ce regard fixe et dense qui marque un instant de grande portée dramatique. Cela rappelle les pires « tics oculaires » du Caméléon, où Jarod (Michael T. Weiss) lançait régulièrement son petit regard pénétré à la caméra. Histoire de dorloter des téléspectateurs rétifs aux surprises.
Des surprises, on en cherchera vainement dans A Discovery of Witches, adaptée d’une trilogie littéraire (?) signée Deborah Harkness. Adaptée très fidèlement, si l’on en croit les commentaires en ligne. On a quand même la désagréable impression de regarder une version sage et fauchée d’Underworld – il ne manque que les lycans. Peut-être dans les saisons 2 ou 3, déjà commandées par Sky One ?
Surtout, se rejoue ici la vieille lutte des classes tant mâchonnée par des générations de scénaristes en mal d’idées. Les vampires comme aristocrates, les sorcières comme classe intermédiaire, les démons comme prolétaires crottés.

Le vampire Matthew et la sorcière Diana dans leur écrin sauvegardé, Oxford, où le passé rencontre le présent.
Tout cela est, au final, d’une banalité affligeante. Les effets spéciaux sont à 99% ridicules. Les décors guère définis : Oxford est très belle, figée dans son manteau historique, mais la France et Venise restent des cartes postales, sans parler de l’Amérique où vivent deux sorcières proches de Diana… On n’y croit pas un seul instant. Quant au plan d’un bateau arrivant au siège de la Congrégation unissant les trois espèces surnaturelles, siège qui apparaît subitement comme révélé par un voile de brume qui se lève, il est répété jusqu’à la nausée.
On regrettera surtout, en définitive, que l’argent dégagé pour produire A Discovery of Witches n’ait pas servi à créer et mettre en images, enfin, une vraie série intelligente centrée sur les sorcières. On s’en est approché avec Penny Dreadful, où l’on découvrait deux types de sorcières, celui (influencée par la vision négative imposée par une société patriarcale) de la congrégation de femmes offertes à Satan et marquées de sa griffe, et celui de la sorcière seule, libre, indépendante, guérisseuse et dangereuse.
On pourrait aussi parler de Buffy contre les vampires, qui mêlait déjà vampires, démons et sorcières. On sait à quel point Buffy était une série maligne, riche, surprenante et efficace. Dans ses vêtements éternellement bleus (aptes à souligner le bleu de ses yeux…), Diana Bishop nous fait plus encore regretter Willow… Et ce ne sont pas les seconds rôles un peu connus qui sauvent la sauce : Owen Teale (Game of Thrones), Louise Brealey (Sherlock) et Alex Kingston (Urgences) se demandent tous qui, dans ce sabbat bien mollasson, tient le manche du balai.
A Discovery of Witches Saison 1 en 8 épisodes
Diffusés sur Sky One du 14 septembre au 2 novembre 2018
Série écrite par Kate Brooke, Tom Farrelly, Charlene James et Sarah Dollard
Série réalisée par Juan Carlos Medina, Alice Troughton et Sarah Walker
Avec Teresa Palmer, Matthew Goode, Louise Brealey, Owen Teale, Alex Kingston, etc.