
Sacrifice de Poulet (Critique de Triple 9 de John Hillcoat)
Pour faire diversion lors d’un casse impossible, une bande de ripoux décident de buter un flic. Par le réalisateur de La Route, un polar hardcore, incroyablement tendu, porté par un casting XXL.
Synopsis : Ex-agent des Forces Spéciales, Michael Atwood et son équipe de flics corrompus attaquent une banque en plein jour. Alors qu’il enquête sur ce hold-up spectaculaire, l’inspecteur Jeffrey Allen ignore encore que son propre neveu Chris, policier intègre, est désormais le coéquipier de l’un des malfrats.
À la tête de la mafia russo-israélienne, la redoutable Irina Vlaslov ordonne à l’équipe d’effectuer un dernier braquage extrêmement risqué. Michael ne voit qu’une seule issue : détourner l’attention de l’ensemble des forces de police en déclenchant un code « 999 » – signifiant « Un policier est à terre ». Mais rien ne se passe comme prévu…
En France, John Hillcoat ne suscite – au mieux – qu’une indifférence polie. Qui se souvient du mortifère Ghosts… of the Civil Dead, de 1988 ? Le formidable The Road, d’après le chef-d’œuvre apocalyptique de Cormac McCarthy, n’a pas vraiment enflammé la critique, ni rencontré son public ; le western lyrique et barbare The Proposition a atteint les salles françaises après… quatre ans de purgatoire. Si Des hommes sans loi a été sélectionné à Cannes, ce nanar ultraviolent sur trois péquenots contrebandiers d’alcool marquait une nette régression dans sa filmo.
« Fucking casher nostra »
Quatre ans après Des hommes sans loi, John Hillcoat est de retour, débarrassé de son complice, le scénariste-musicien Nick Cave, pour Triple 9, une œuvre nerveuse, tranchante, carénée comme un polar de série B. Il y est question d’une bande de flics ripoux, spécialistes des braquages haute tension. Menacés de mort par la mafia russo-israélienne, ils doivent se lancer dans un casse impossible. Pour œuvrer tranquillement, ils ont un plan : buter un flic, donc déclencher un code 999 (Triple 9) et détourner l’attention de toutes les forces de police d’Atlanta.
À ce scénario malin mais classique, Matt Cook, dont c’est le premier scénar, greffe plusieurs sous-intrigues, des fausses pistes et multiplie les ellipses. Un peu comme dans une série télé. Plus fort, il change plusieurs fois de narrateurs au cours de l’histoire. Il colle aux basques d’un ripou (Chiwetel Ejiofor), dont le môme est quasi prisonnier de la mafia, passe à un rookie idéaliste (épatant Casey Affleck), un autre flic corrompu (Anthony Mackie), puis à un policier hardcore (Woody Harrelson), avant de revenir au premier… Triple 9 est un film sur le chaos (intérieur, extérieur), et sa structure narrative est elle-même chaotique, labyrinthique. Très fort ! Les personnages sont également parfaitement dessinés par Matt Cook. Pas avec de longues introspections, ils sont simplement définis par leurs actions. Ici, c’est je cogne, donc je suis. Pas vraiment manchot, Matt Cook cisèle également une série de répliques imparables, héritées pour la plupart par Woody Harrelson – impérial – qui balance des trucs comme « Your job : out-monster the monster! » ou l’excellent « Fucking casher nostra ».
Un film de guerre
John Hillcoat commence Triple 9 avec un plan symbolique, d’une stupéfiante beauté. Vue de derrière, la tête rasée de Chiwetel Ejiofor, simplement éclairée par une cigarette. Pendant tout le reste de son long métrage, Hillcoat va s’évertuer à révéler l’âme sombre d’une dizaine d’hommes et femmes, la face cachée des damnés de la nuit. Qu’il filme un western australien, une fable apocalyptique ou des gangsters des années 30, il change à chaque fois de style, bouscule les codes, fait brûler la pellicule. S’il refusait le spectaculaire et l’esbroufe dans The Road, il générait une incroyable tension dans Des Hommes sans loi grâce à des éclairs de violence absolument insoutenables : les têtes explosaient sous les coups de poing, les gorges s’ouvraient dans des geysers de sang…
Dans Triple 9, Hillcoat montre ses muscles. Le film débute comme un film de casse classique (un heist movie) avec une scène anthologique digne de Heat de Michael Mann. Très vite, Hillcoat – décidemment inspiré par Mann – arpente les rues d’Atlanta, les quartiers chics downtown, les ghettos hantés par des junkies, les rues mal famées peuplées de gangs latinos… Grâce à un réalisme âpre, quasi documentaire, très friedkinien donc, Triple 9 se métamorphose bientôt en film de guerre. Hillcoat fait parler la poudre, multiplie les poursuites, les bastons, et génère une tension presque insupportable, épaulé par son chef op (Nicolas Karakatsanis, directeur de la photo de Bullhead) et le musicien Atticus Ross. Les États-Unis sont en état de guerre civile, des gangsters font des cartons sur tout ce qui bouge, des Latinos des maras, tatoués de la tête au pied, sont tapis derrière chaque buisson, les flics veulent tuer d’autres flics… Il n’y a plus que le fric, la dope et le néant.
Au cœur des ténèbres
Véritable requiem, Triple 9 joue la carte de la viscéralité, avec une intensité insoutenable, et j’ai passé 115 minutes crucifié sur mon fauteuil, bombardé par les infrabasses et des images de mort. Également au crédit d’Hillcoat, sa direction d’acteurs. L’homme qui a déjà dirigé Tom Hardy, Guy Pearce, Ray Winstone, Charlize Theron ou Viggo Mortensen s’offre le casting de l’année. À l’affiche, Woody Harrelson, Chiwetel Ejiofor, Anthony Mackie, Aaron Paul, Clifton Collins Jr., Norman « Walking Dead » Reedus dans un rôle bien trop court. En boss de la mafia russe, monstre froid impeccablement maquillée, manucurée, Kate Winslet, avec un accent à couper à la kalachnikov, est simplement démente. Et Casey Affleck s’impose une nouvelle fois comme un des meilleurs comédiens de sa génération. Malgré ses 50 kilos tout mouillé, il est impressionnant en flic idéaliste, accrocheur, seul rayon de lumière dans cette plongée au cœur des ténèbres.
MARC GODIN
Triple 9 de John Hillcoat (1h55) sur un scénario de Matt Cook avec Casey Affleck, Woody Harrelson, Anthony Mackie, Aaron Paul, Kate Winslet, Chiwetel Ejiofor, Norman Reedus, Gal Gadot, Clifton Collins Jr. et Michael Kenneth Williams. Sortie le 16 mars.
S’il est plutôt médiocre, Des Hommes Sans Loi n’est ni un nanard, ni ultraviolent.
Nanar, c’est ce que je pense. Ultraviolent, le terme me semble parfaitement justifié quand on voit des mecs en castrer d’autres avec de rasoirs,
Un scénario classic mais une mise en scène réussite, du rythme (ce qui est rare chez ce real) un casting énorme ,du son de l ambiance Badass à souhait .l action ce veux realiste, un vrai bon film à l ancienne et jai pas peur de vs dire qu il va devenir un classic ce triple 9…