Sayonara Wild Hearts: le cœur a ses raisons

Sayonara Wild Hearts: le cœur a ses raisons

Note de l'auteur

Et si on mélangeait les histoires de cœurs brisés avec le tarot et les magical girls ? Et tant qu’à faire, ajoutons à cela une touche de musique pop-électro acidulée et une esthétique virant sur le rose et le violet. Bienvenue dans Sayonara Wild Hearts, une proposition complètement dingo du studio suédois Simogo, partant d’une simple descente en skate dans les rues nocturnes d’une ville lambda à un affrontement épique contre un loup robot à trois têtes en plein milieu d’une forêt. Accrochez vos ceintures.

Les petites gens de Simogo, on les connaît déjà grâce à quelques titres emblématiques (et surtout mobiles) comme Year Walk ou Device 6. Sayonara Wild Hearts est le premier jeu à sortir sur consoles en même temps que les plate-formes mobiles (le jeu est l’un des fers de lance de l’offre Apple Arcade), confirmant la volonté du studio de s’ouvrir à un plus large public. Grand bien leur fasse, puisque ce Pop Album Video Game, comme le décrivent les créateurs eux-mêmes, est probablement la proposition la plus accessible de leur catalogue. Se présentant d’abord comme un jeu de rythme étrange à la Rez, on y déplace une jeune femme propulsée dans un univers fantastique en suivant un chemin pré-défini pour éviter les obstacles et grappiller quelques bonus pour faire monter son score. Bien vite, Sayonara Wild Hearts s’aventure sur d’autres terrains, comme le shoot’em up ou le tir sur cible, alternant à chaque niveau les points de vue pour venir y greffer une idée de gameplay totalement nouvelle. Et tout ça sans jamais perdre le fil de la musique, au centre de toute l’expérience.

Car toute l’aventure de Sayonara Wild Hearts est propulsée par une grosse vingtaine de titres composés par Daniel Olsén et Jonathan Eng, avec des chansons portées par Linnea Olsson. Chaque niveau possède son propre morceau, plus ou moins court, et raconte une étape de l’étrange voyage de cette anonyme demoiselle voyageant à travers les cartes du tarot et ses arcanes majeurs. Sayonara Wild Hearts est en somme l’illustration parfaite d’une symbiose entre ses propres émotions et l’écoute d’un album qui nous tient à coeur. Ou comment retranscrire l’état émotionnel d’une personne à travers la musique qu’elle écoute. Et pour que chacun arrive au bout de l’expérience, le jeu n’est pas bien difficile, chaque erreur rebootant au dernier obstacle pour ne pas entacher le plaisir d’une quelconque frustration.

La force de Sayonara Wild Hearts vient de son gameplay métamorphe, se renouvelant sans cesse grâce à des idées géniales (ce niveau changeant à chaque claquement de doigt) ou grâce à une mise en scène inspirée, dynamique et d’une élégance sans faille. Pour peu que vous ne soyez pas réfractaire à une bande-son pop parfois volontairement teenage, l’album, également disponible sur les bonnes crèmeries de streaming, alterne avec brio la pop déchaînée avec de la gratte acoustique et des remix électro du Clair de Lune de Debussy. On en vient presque à regretter la construction du mode principal, qui coupe le rythme en revenant systématiquement au menu de sélection après chaque niveau, mais Simogo y a pensé et propose un mode spécial Album Arcade qui permet d’enchaîner le jeu entier sans coupures, comme l’écoute d’un album.

Impossible de ne pas tomber raide dingue de cette plongée improbable dans un univers bariolé de couleurs et d’idées visuelles toutes aussi folles les unes que les autres. Il est compliqué de prévoir ce que le prochain niveau nous réserve, le jeu nous embarque à chaque fois dans une direction inattendue mais sans aucune fausses notes. Tout comme un véritable album de musique, Sayonara Wild Hearts ne dure pas plus longtemps, et il suffira d’une ou deux heures pour atteindre les crédits de fin. Mais cette expérience ramassée permet de jongler continuellement entre les styles et de proposer des choses nouvelles sans que le joueur sombre dans l’ennui ou la facilité. Il devient difficile de décrocher quand on passe d’une course-poursuite folle au milieu d’une forêt à une virée sur une moto en pleine autoroute au milieu de buildings flottant dans une atmosphère nacrée et mystérieuse. On sent les influences nipponnes sans jamais les citer, le studio parvenant à trouver ses propres codes stylistiques. L’influence des chansons des idol pop japonaise se sent au détour d’un morceau, avant de s’en détourner à grands coups de tunnels d’électro et d’un flamboyant niveau où se détache les mers déchaînés d’un océan virtuel. La mise en scène toque à la porte de Platinum Games, sans toutefois en singer ses délires parfois extravagants. Sayonara Wild Hearts reste toujours habile, raffiné et d’une élégance bienveillante.

Si le jeu ne brille pas par son challenge, mû par un système de scoring bien présent mais dont l’intérêt sombre un peu vite face à une précision parfois délicate pendant les niveaux très rapides (essayez de passer entre deux troncs d’arbres à 300 km/h, pour voir), Sayonara Wild Hearts trouve sa force dans la synergie entre son gameplay simple mais renouvelée constamment et parfaitement adaptée à la forme qui l’englobe. Que ce soit sur son visuel aux couleurs soignés à travers une mise en scène impeccable et une bande-son qui dépote et transporte comme jamais, Simogo est parvenu à offrir un jeu dont on a immédiatement envie d’y retourner lorsque l’ultime morceau laisse tomber sa dernière note. Si vous vous sentez l’âme romantique, ou simplement que vous cherchez une expérience atypique et forte, laissez vous embarquer et plongez dans un univers où l’on voit la vie en bleu, en rose et même en violet.

Sayonara Wild Hearts

Développeur: Simogo
Éditeur: Annapurna Interactive
Prix: 13 euros
Plate-formes: PS4 / Switch / Apple Arcade

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