Semblance : le beau modelé

Semblance : le beau modelé

Note de l'auteur

Avant la grande vague d’août qui verra débarquer quelques petites perles attendues au tournant (Overcooked 2, Dead Cells, Death’s Gambit, Happy Few, Guacamelee 2), d’autres petits studios tentent de se démarquer. C’est le cas du studio Nyamakop, tout droit venu d’Afrique du Sud, avec Semblance. Ce petit jeu a fait le tour des festivals en grappillant quelques prix grâce à un concept tout bête mais immédiatement grisant : pouvoir modeler le terrain comme on veut.

Réduire ce jeu à un simple jeu de plate-forme serait une erreur, puisque les puzzles y sont bien plus nombreux que ces quelques phases de sauts en hauteur. Semblance vous plonge dans la peau d’un blob étrange, affublé de deux yeux blancs, pouvant sauter et se mouvoir comme un être vivant normal. Le monde de Semblance a besoin de lui puisque quatre arbres magiques se retrouvent pris dans un mal étrange qu’il faudra défaire en récolant des billes d’énergie disséminées dans les niveaux. La grosse particularité vient de la capacité du héros à dasher dans les quatre directions (haut, bas, gauche, droite) et qui permet, en plus de bénéficier d’une petite pointe de vitesse, de modeler certaines parties du terrain, celles dont la couleur est unie (les parties sombres, généralement). Comprise en quelques manipulations, cette technique très simple est le cœur du jeu, celle autour de laquelle tout va s’articuler et vous faire creuser quelques méninges en pleine canicule.

Bien évidemment, tout serait trop simple sans quelques contraintes pour nous pousser à poser la manette et à se gratter le menton poilu pour trouver la solution. Le modelage possède une longueur limite et une fois le terrain poussé dans un sens, impossible de le modifier dans un autre. Il faudra remettre l’endroit en position neutre via un bouton pour pétrir le terrain dans une autre direction. Plus on avance, plus on est poussé à utiliser ces compétences autrement, notamment pour créer des prises de fortune dans un mur bien trop haut pour notre héros rondouillard ou tout simplement plonger dans un renfoncement pour esquiver des insectes de cristaux un peu trop menaçants. La menace lorgne souvent vers le rose ou le vert pêchu, pour ne pas dire criard, mais ne sombre pas dans le mauvais goût. La colorimétrie de ce microcosme et l’utilisation du vectoriel attise l’œil, mais on ne va pas se mentir, rien ne vient apporter une touche de fraîcheur quand on a connu des Loco Roco ou des Hohokum qui flirte dans les mêmes pots de peinture. Ce n’est pas spécialement un défaut puisque le cœur du jeu réside dans ces puzzles, qui sont en plus joliment emballés par la bande-son, de douces mélodies synthé avec parfois quelques touches épiques.

C’est sur la découverte du game design qu’on prend de plus en plus de plaisir. En lieu et place d’un concept simple, Semblance parvient à multiplier les idées, où chaque monde n’est qu’un prétexte pour complexifier les règles du jeu. Ici des rayons rembobinant vos modelages de terrain si jamais ils rentrent en contact, là des blocs de cristaux modifiant la forme de votre boule de glaise, changeant au passage la vélocité de notre boule préférée et ses sauts, suivant le sens de votre platitude : s’il est raplapla, votre personnage ne sautera pas bien haut mais passera dans des passages étroits et sera le champion du saut en longueur. S’il préfère s’étirer quitte à singer l’anorexie, il sera bloqué par sa hauteur, mais atteindra des cimes inespérées. Ces idées montrent malheureusement les limites d’un moteur qui pêche par quelques soucis de précisions, notamment certains sauts inexplicablement difficiles quand on se réceptionne près des dangereux cristaux, la faute à une mauvaise gestion des collision boxes. Tout ça pour claquer le puzzle suivant en trente secondes montre en main. Un poil dommage, ce qui n’empêche pas Semblance de cumuler les idées chouettes, relançant constamment le plaisir pris à découvrir les énigmes… jusqu’à ce que le joueur atteigne brusquement la fin.

Dépassant à peine les trois heures de jeu, sans laisser au joueur la possibilité de revenir dans les niveaux, faute d’éléments secondaires à faire, Semblance prend fin de façon brusque, sur une dernière ligne droite tentant maladroitement de mixer toutes les épreuves et les obstacles découverts. L’histoire se conclut de manière quasiment anecdotique, et le joueur finit sur son séant, chauffé par le challenge de plus en plus corsé mais forcément déçu par cette trop courte aventure. On aurait aimé bien plus, surtout que le titre ne donne pas l’impression d’être allé au bout de son concept et semble s’arrêter en plein vol.

Volonté de sortir le jeu au plus vite, quitte à proposer du contenu plus tard, ou tout simplement un cruel manque d’idées pour développer son concept génial ? On ne saura pas, toujours est-il que Semblance finit sur une note frustrante et un peu incompréhensible, au moment où le jeu devenait sacrément intéressant, cumulant chaque idée développée à travers ses mondes pour proposer un peu de challenge. On garde de Semblance un titre enchanteur, dont le concept se pige en dix secondes et qui, je l’espère, n’est que le point de départ d’autres titres tout aussi intéressants et qui cette fois iront jusqu’au bout du chemin.

Semblance
Développeur : Nyamakop
Éditeur : Good Sheperd Entertainment
Prix : 10 euros
Plate-formes : PC et Nintendo Switch

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