
Les séries mésestimées : Batman – The Animated Series (1992/95)
Produite entre 1992 et 1995 pour la chaîne FOX, la série animée Batman : The Animated Series reste à ce jour une des meilleures adaptations de comic books pour la télévision. Développée par Bruce Timm (artiste) et Eric Radomski (producteur), elle avait pour scénariste principal l’excellent Paul Dini (qui travailla sur Lost et, dernièrement sur le jeu Batman : Arkham City). Une oeuvre splendide, cohérente, et qui tient encore aujourd’hui visuellement la route… mais qu’on range très rapidement dans la case « programme pour enfants ».
Lorsque la série est développée, Batman vient de connaître une renaissance considérable avec la sortie en 1989 du très profitable Batman de Tim Burton. Une version, non sans humour, mais sérieuse et sombre des aventures de la chauve-souris de Gotham City, à mille lieux de la version live précédente qui datait des années 60, la série télé Batman avec Adam West.
Dans cette optique plus mature, la volonté des développeurs est de créer un objet qui tranche sur le fond et les sujets traités – tout en restant fidèle au matériau d’origine (le comic book) – et aussi sur la forme. Bruce Timm met en place un style visuel détonnant: le dark deco. Le processus est simple, mais donne toute la tonalité de la série: les arrières-plans sont peints sur un fond noir. Cette technique, qui met en valeur les zones d’ombre, donne naissance à une ambiance « film noir » très années 50, qui transpire aussi du design des personnages, qu’on croît sortis d’un vieux John Huston.
La série a prit beaucoup de libertés avec la censure, pour un programme destiné aux enfants: la violence y est représentée de façon graphique, on y mentionne la drogue, on utilise des armes à feu… une optique réaliste et sombre qui a fait peur à la chaîne au début. Mais les audiences et les prix aidant (4 Emmys pour 13 nominations), ce parti pris n’a pas été un grand problème.
Batman : TAS est donc fidèle à l’univers Batman. Bruce Wayne (1) y est représenté comme un homme hanté par la mort de ses parents, obsédé par la justice. Il est, avant d’être un justicier masqué, un grand détective, ce qui le rend plus rapide et efficace que la police. Le lien avec les comic books est tel que la série, au fil du temps, a adapté quelques titres, surtout issus des années 70. Elle n’était pas pour autant une adaptation figée, se permettant quelques libertés bienvenues.
Batman : TAS a redéfini, par exemple, avec maestria, le personnage de Mr Freeze. Cantonné à un rôle de savant fou dans la BD (et plutôt utilisé à des fins humoristiques), la série lui offre des origines bien plus dramatiques. Sa femme Nora tombe gravement malade. Il décide de la cryogéniser en attendant de trouver un remède. A la suite d’un conflit avec son partenaire, il est victime d’un accident qui le transforme en être incapable de vivre au dessus de zéro degré. Depuis, il tente tout pour sauver sa femme, devenant un criminel. Une réinvention qui donna lieu à un épisode sorti directement en vidéo : SubZero.
Mais la série fait encore plus fort avec un personnage qui deviendra un des plus mythique de la série, et par extension, de tout l’univers Batman : Harley Quinn, de son vrai nom Harleen Quinzel. Psychiatre de formation, elle vient dans l’asile d’Arkham pour traiter le Joker et en tombe amoureuse. Elle l’aide à s’évader et devient son assistante/amante/collaboratrice/souffre douleur Harley Quinn (2). L’origine du personnage est assez amusante. Paul Dini était ami depuis l’université avec Arlene Sorkin, actrice qui joua dans le soap Days of our Lives. Dans cette série, elle apparu dans une scène de rêve en portant un costume d’harlequin (ils plaisantent pas avec les scènes de rêve dans les soaps américains). L’image est restée gravée dans l’esprit de Dini, qui créa le personnage et le donna à jouer à Sorkin.
L’autre grande force de la série est d’avoir réussi à imposer une vision des personnages assez forte pour être mémorable. Le Joker de la série, doublé magnifiquement par Mark Hammill (qui restera donc dans la postérité pour deux rôles ô combien iconiques: Luke Skywalker et le Joker), est remarquable de vice et de drôlerie. Clayface est devenu un personnage profond et torturé (alors qu’il est anecdotique dans le comic book).
La série se permet de jouer avec sa tonalité globale, alternant les épisodes un peu plus légers, ou du moins, chargés en humour noir (comme pour l’épisode « Joker’s favor », où un petit comptable, Charlie Collins, doit rendre service au Joker après l’avoir insulté de sa voiture), avec d’autre plus dramatiques (« Feat of Clay », épisode en deux parties qui raconte l’histoire d’un acteur, Matt Hagen, défiguré à la suite d’un accident de voiture, qui accepte de travailler pour un mafieux en échange d’une crème qui lui permet de modeler son visage à sa convenance et camoufler ses cicatrices… mais qui le transforment peu à peu en Clayface). Elle se permet aussi de ne pas mettre forcément en avant le personnage de Batman (« Almost Got ‘Im » où tous les antagonistes de Batman se retrouvent autour d’une partie de poker, et se racontent à tour de rôle ces moments où ils ont cru avoir le dessus sur l’homme chauve-souris).
La série a été diffusée entre 92 et 95 (même si sa seconde saison possède un titre différent : The Adventures of Batman & Robin). Elle est donc coincée entre un chef-d’oeuvre cinématographique et… autre chose. En 1992 sort donc Batman Returns, second opus de Tim Burton. Sombre, glauque, sexué, le film est un choc pour tout le monde (les spectateurs comme les vendeurs de jouets). Si le film fonctionne bien, il n’est pas un divertissement pour toute la famille. En 1995, c’est au tour de la version de Joel Schumacher de sortir, Batman Forever et son Riddler débile (Jim Carrey en mode Dumber) et son Double-face qui passe son temps à rire avec la bouche grande ouverte (Tommy Lee Jones en freestyle complet). Une adaptation sans humour de la version TV des années 60, qui n’offre pas le 100ème de la profondeur de la série animée. D’ailleurs, si certains veulent savoir qui est vraiment Double-face, on vous conseillera irrémédiablement de voir le double-épisode « Two-face » de la série animée, qui sert d’origin story au personnage. Un récit adulte, intelligent et captivant. Rien à voir avec le film de Schumacher, donc.
Batman : TAS donnera naissance à plusieurs programmes annexes, ou suites, comme The New Batman Adventures, suite directe de la série d’origine, mais stylistiquement relookée, lors de la saison 98-99 (pour la WB cette fois-ci). Elle provoquera la sortie de Superman : The Animated Adventures (96-2000). Il existera trois films issus de cet univers, sortis directement en vidéo : Batman: Mask of the Phantasm (1993), Batman & Mr. Freeze: SubZero (1998) et Batman: Mystery of the Batwoman (2003).
Un spin-off verra le jour, Batman Beyond, situé dans le futur avec un Bruce Wayne vieilissant qui sert de mentor au nouveau Batman, Terry McGinnis. Là encore, sur le banc des producteurs on retouve le duo magique Timm-Dini, associés à Alan Burnett et Glen Murakami. La série partage un style visuel, un ton en commun avec la série d’origine, mais réutilise aussi les voix (Kevin Conroy en Bruce Wayne) et la musique (Shirley Walker compose là encore le score).
Libre, noire, bien écrite, Batman : TAS transcende sa fonction d’origine de programme jeunesse et s’avère être une œuvre appréciable à tous âges.
BATMAN : THE ANIMATED SERIES (FOX)
Créée par David Jacobs. Showrunnée par David Jacobs et Michael Filerman.
(85 épisodes diffusés de septembre 1992 à septembre 1995)
Avec : Kevin Conroy (Batman/Bruce Wayne), Efrem Zimbalist, Jr. (Alfred Pennyworth), Bob Hastings (James Gordon), Robert Costanzo (Detective Harvey Bullock) Loren Lester (Dick Grayson/Robin), Melissa Gilbert (Barbara Gordon/Batgirl), Mark Hammill (Joker)
(1) : Spoiler, Batman, c’est Bruce Wayne
(2) : Les origines du personnage telles que définies dans le comic book Mad Love de Bruce Timm et Paul Dini, plus tard adapté en version animée via la série Batman : The New Adventures.
C’est loin d’être une série mésestimées du moins chez les amateurs de comics et d’animation. C’est dommage que Warner France s’acharne à ne sortir que des compilations d’épisodes au lieu de saisons complètes comme il en existe Z1 avec le doublage français d’origine avec les irremplaçables Richard Darbois et Pierre Hatet.
De la même façon que la plupart des séries que nous avons citées dans ce dossier ne sont pas mésestimées par les spécialistes, elles le sont quand même par le grand public.
Et je vous rejoins à 100% sur les éditions DVD, ça manque cruellement !
Même pour le grand public, cette série n’était en aucun cas mesestimée.
Vous avez des stats pour affirmer votre propos, ou c’est juste votre ressenti sur la question ? Parce que, perso, le fait qu’elle soit mésestimée est ce que j’ai ressenti en parlant de cette série à des non-spécialistes.
De plus, vous vous rendez bien compte que j’en dis du bien, dans cet article ? ou vous aimez juste vous focaliser sur un point qui vous hérisse ?
Et vous, avez vous des stats pour parler de « mesestimé » ? Qu’est ce qui fait que vous la caractérisez comme tel ? On parle d’une série qui a eu un succès autant critique que commerciale, auprès des néophytes (les enfants de l’époque) que des lecteurs de comics, qui a quasiment défini toute la branche animée de chez DC depuis. Comment dans ce cas dire qu’elle n’est pas apprécié à sa juste valeur ?
Dire du bien de la série est une chose. Mais je ne comprends pas (tout comme toutes les personnes a qui j’ai montré l’article) l’utilisation de « mesestimé ».
Donc restez bloqué là-dessus. Bonne journée.
Cette série a bercé mes dimanches matins sur France 3 pendant le petit déjeuner et franchement je regrette que de nos écrans des séries animés du même acabit puisse voir le jour. Tous les remakes des supers héros n’arrivent pas à la cheville des précédentes production … mais c’est que mon humble avis
Au moins, c’est un avis ! merci de l’avoir partagé
je connaissais la série de nom , étant trop » vieux » à l’époque pour regarder les animes dans les cases jeunesse.
C’est peut être le seul reproche que je concède c’est sa programmation dans le créneau jeunesse.
Par contre j’en ai toujours entendu du bien par les fans de comics.
Sans vouloir en rajouter une couche je plussoie les premiers posts. Je n’ai pas du tout l’impression que cette série soit mésestimée.
De mon point de vue elle a fait découvrir l’univers de Batman, au-delà du mec qui se déguise en chauve-souris, à tous les gens que ça n’intéressait pas spécialement. Pour beaucoup de gens de mon entourage c’est l’image qu’ils gardent de Batman.
A l’heure où la trilogie de Nolan semble faire foi pour le « grand public », il est bon de rappeler que la meilleure « adaptation » (terme important) est ce dessin animé.
Mésestimée ? Oui. Oui, parce que c’est un dessin animé et donc, cela ne peut pas être pris totalement au sérieux (qui plus est quand il adapte un comic book). Si l’on se tourne un peu vers le grand public, vers la critique, rares sont les mentions faites à Batman : TAS. On va mentionner les Burton, les Schumacher (argh…) et même la version queer et kitch avec Adam West. Mais TAS ?.. pas vu.
Il ne faut pas voir son entourage comme valeur absolu. Si l’on avait fait une enquête à la sortie d’un cinéma (pour Dark Knight ou sa suite), vous pensez vraiment que les gens auraient cité en exemple Batman : TAS ?.. Soyons sérieux.
Sinon, pour précision, Clay ne se transforme pas petit à petit à cause de l’utilisation de cette crème expérimentale. Après avoie refusé un dernier travail pour le mafieux, ses hommes de main le force à avaler quelques pots. Une séquence, en clair obscure d’une violence assez brutale, douloureuse qui m’aura marqué (dans le bon sens du terme). C’est ensuite qu’il se transforme en « gueule d’argile ». L’un des épisode dont j’ai garde le plus de souvenirs, quelle merveille !
PS : La première note de bas de page est un chef d’oeuvre. Magnifique !
Superbe dessin animé. On voudrait que les productions actuelles estampillées « jeunesse » aient le même degré d’exigence scénaristique et plastique. Hélas…